Le SNAP!, c’est le festival d’Art Pute à ne pas manquer le week-end du 27, 28, 29 mai à Bruxelles. Performances, projections, expositions, discussions, fête… Le genre de week-end qui, dans la gangrène du moralisme généralisé, nous laisse espérer des jours plus libres. Le SNAP!, ça claque le cul mais surtout les idées rances et les imaginaires étriqués.
Un vent frais souffle sur Bruxelles et la Belgique en général. Cas à peu près unique dans le monde, le travail du sexe (TDS) commence enfin à y être appréhendé sans les éternelles lunettes puritaines qui le condamnent à être méconnu, réprimé et précarisé. Le TDS a été décriminalisé en Belgique en mars dernier grâce à la mobilisation acharnée des travailleur·ses de ce secteur et l’essor de nouveaux discours et représentations du TDS, portés par les concerné·es. Après la fabuleuse première édition du Brussels Porn Film Festival en avril, le festival SNAP accueillera trois jours d’évènements artistiques et politiques, porteurs de nouvelles narrations sur le TDS. Autrement dit, trois jours de Gaze S, de quoi retourner les sens et les esprits… L’édition 2022 mettra une lumière particulière sur les performeur·ses porn.
Visibiliser les talents artistiques putes
Non seulement le SNAP laisse place aux voix des TDS pour raconter leur travail et leur position dans l’espace social ou dans les luttes féministes, mais il montre aussi que de nombreux·ses artistes talentueux·ses émergent des subcultures sex work. Car le travail du sexe représente pour beaucoup d’artistes un moyen de subsistance, celles·ceux qui l’exercent ont souvent d’autres pratiques artistiques en parallèle. Le vendredi 27 mai, le « Ho Village », au Beurscafé, présentera des créations et des ressources tels que des fanzines, des tatouages, des accessoires, des sérigraphies, produits par des TDS. Le même jour aura lieu le vernissage, avec la visite commentée de l’exposition Pute et peintre, en entrée libre au White Foyer, qui exposera les œuvres de travailleur·ses du sexe utilisant la peinture, le dessin ou d’autres formes graphiques pour parler de leur expérience.
L’art est aussi un médium privilégié pour mieux comprendre le TDS. Quand lae pute, qui n’a de cesse d’être fétichisé·e dans l’histoire de l’art, devient sujet de la production artistique, elle·il révolutionne le regard stigmatisant qui lui est trop souvent porté. C’est ce qu’explique Marianne Chargois, programmatrice du SNAP! et artiste performeuse, dans un entretien accordé à Manifesto XXI lors de la première édition du festival : « Quand les concernées s’auto-représentent, on arrive à des images et discours beaucoup plus complexes. On est dans l’auto-représentation comme auto-défense face aux clichés vecteurs et créateurs des violences, discriminations, stigmatisations que l’on peut subir. »
La journée du dimanche 29 mai sera entièrement consacrée aux travailleur·ses du sexe sur les écrans, que ce soit dans la fabrique des images pornographiques ou dans les représentations de leur travail au cinéma. À 17h au Cinéma Nova, la projection « Sex Work Shorts » sera composée d’une série de films portraits de travailleur·ses du sexe qui exposeront leurs propres analyses féministes et queers de leur activité. À 19h, aura lieu une conférence-projection par Sam Cockeye, qui tient la chaîne Vidéodrome, sur les représentations des travailleur·ses du sexe au cinéma. À 21h, le festival se clôturera sur la projection de The Celluloid Bordello, un film de Juliana Piccillo sur le rapport de travailleur·ses du sexe aux films qui les représentent et à la façon dont les stéréotypes affectent leur vie.
Un festival de lutte
Le SNAP!, d’abord festival d’auto-défense, est aussi, par l’espace critique qu’il investit, un foyer de luttes intersectionnelles à grande résonance. Comme le travail sexuel est essentiellement exercé par des populations minorisées, lutter contre la putophobie, c’est aussi lutter contre un ensemble plus large de discriminations fondées sur le genre, l’origine, la race, l’orientation sexuelle, comme l’analyse Marianne Chargois : « Le travail du sexe, et celleux qui l’exercent, ce sont des femmes, des hommes, des personnes trans. Ce sont des personnes qui luttent contre la précarité, qui passent des frontières, qui vont être dans des rapports non normatifs à leur corps. C’est une histoire de lutte contre le sexisme, de dissidence de genre, de lutte contre la pauvreté. De lutte contre toutes les inégalités en réalité. »
Le SNAP! constitue un espace d’empowerment et de réappropriation des narrations putes, en particulier par un ensemble exceptionnel de performances. Marianne Chargois et Romy Alizée montreront leur spectacle Gaze S, intense manifeste porn et radical, le vendredi soir au Beursschouwburg. Le travail du sexe, qui tarifie des pratiques se jouant du genre, peut être un point de vue trésor pour comprendre et troubler les normes genrées, comme nous y inviteront les performances drag-putes Fucking Gender, vendredi soir au Beurs Café. Le samedi, la soirée festive du SNAP! sur le rooftop du Beursschouwburg commencera par un apéro porn puis se poursuivra par des performances putes radicales. Une dizaine de travailleur·ses du sexe déclineront leur expression poétique et politique sur scène dans des corps narratifs, sexuels ou expérimentaux. Une table ronde sur l’écriture des intimités politiques putes par la poésie, l’autobiographie, le pamphlet, en présence de Klou, aura également lieu samedi.
Dans le contexte de décriminalisation récente du TDS en Belgique, une autre table ronde samedi reviendra sur les enjeux de cette notion, les détails de la bataille législative victorieuse et les nouvelles formes de discriminations qui sont à l’œuvre.
Enfin, dans le désir de mettre un focus sur le travail porn virtuel, un échange est programmé samedi au Beursschouwburg avec Carmina et Prune sur le télétravail du sexe, suivi d’un live porn shoot par Axel Abysse et Yoshi Kawasaki, qui orchestreront un tournage en direct sur scène.
Festival SNAP! – Sex Workers Narratives Arts and Politics
Beursschouwburg & Cinéma Nova, Bruxelles
27, 28, 29 mai 2022
Tout le programme est à retrouver sur leur site ou instagram.