Pour sa 31ème édition, une partie de l’équipe de Manifesto XXI a infiltré le légendaire Dour Festival en Belgique. Le festival a alimenté rumeurs et légendes à travers les années, avec une programmation éclectique et gargantuesque. À l’heure de la « Dourstalgie », retour sur cinq jours de déferlante de décibels, de découvertes musicales et sur la question du développement durable, particulièrement mise en avant cette année.
Le Dour Festival, c’est quoi ?
Tous les étés belges, la petite commune de Dour (16 000 habitants) voit le cours de sa vie chamboulé par ce festival de cinq jours qui offre une programmation alléchante pour de nombreux belges, français, et autres ressortissants européens. Les 251 000 participants se baladent entre les 8 scènes qu’offre l’évènement : La Last Arena, scène historique, la Boombox pour les amoureux de hip-hop, la Petite Maison dans la Prairie pour les curieux d’Indie Music en général, la Salle Polyvalente qui porte bien son nom, le Labo qui met en lumière une scène émergente, le Rockamadour et enfin la dantesque De Red Bull Elektropedia Balzaal avec son écran géant. En 30 ans, beaucoup diront que le festival a changé et que « c’était mieux avant ». En fait, non. Les festival a évolué, car le monde, le public, et les genres musicaux ont évolué. Avec plus de 200 artistes programmés, nous n’avons pu explorer qu’une partie des lives et nous avons de quoi pas mal en parler.
Les performances qui nous ont éblouies
Avec une grosse line-up de musique électronique, on ne peut qu’admirer l’effort du festival d’avoir permis a une scène féminine de s’exprimer derrières les platines. Anetha, AZF ou encore Paula Temple nous ont offert des DJ Sets Techno irréprochables. Enfin, Yaeji a trouvé le parfait équilibre entre une house américaine et une performance vocale hypnotisante. C’étais également l’occasion d’admirer le retour de SebastiAn sur scène, qui n’a rien perdu de sa superbe : jambes collées, pose de diva, cigarette électronique en main, et cette violence musicale qui ne l’a jamais quitté. En termes de live à succès, Dima (aka Vitalic), Kiddy Smile et Mr. Oizo ont rempli leur mission en embrasant les foules. Et pour finir sur une messe qui nous a tous mis d’accord, le duo Kompromat nous a une fois de plus prouvé que l’alchimie des deux musiciens prend toute sa puissance dans ce show austère et poignant, sous une pluie de lasers. Avec un live qui se finit dans un échange de regards entre Rebeka et Vitalic, rempli de complicité et de fierté : on en garde une image puissante. Une des plus belles de Dour.
Côté Hip-Hop et RnB, les festivaliers ont été tout aussi gâtés. Moka Boka, Peet et tous les membres du 77, Zwangere Guy ou encore Dutch Norris offrent une véritable alternative de la scène hip-hop belge et une énergie brûlante à partager sur scène. La grime anglaise était également à l’honneur avec deux de ses plus grands ambassadeurs : Skepta et Ocean Wisdom, véritables découpeurs de lyrics.
Enfin, dans les artistes pops ou Indie, Flavien Berger nous a encore prouvé qu’il était un excellent producteur sur scène. Vendredi sur Mer et Aloïse Sauvage ont quant à elles montré que faire une scène ne signifie pas simplement chanter. Non, c’est bien plus que ça (on ne s’était donc pas trompés ).
Les artistes qui nous ont mais vraiment déçu au Dour Festival
Pourquoi parler de ceux qui n’ont pas relevé le défi alors qu’il y avait tant d’artistes talentueux à voir? Et bien, c’est qu’on avait le Seum, et qu’on y croyait vraiment ! À commencer par Bicep, ce duo écossais talentueux, à la techno onirique et mélancolique. Tant d’attentes pour délivrer un DJ Set plat, froid, sans saveurs ni émotions (bah pourquoi pas un live, les gars?). À l’inverse, Vladimir Cauchemar en a trop fait. Véritable sélection à la Diplo – mais en moins bien – on l’a vu passer la plupart de son temps les mains dans les airs. Le producteur mort-vivant a ramené à la vie de sombres clichés de la scène EDM.
Et l’environnement dans tout ça ?
Fifty shade of couleur de pelouse
Ce qu’elle a dû souffrir, cette plaine douroise pendant les 5 jours de festival : piétinée sans scrupules par les 251 000 créatures enivrées et titubantes. Lorsque nous sommes arrivés sur le site, la pelouse était encore verdoyante, l’espace complètement clean. Assis dans l’herbe pour notre premier jour de festoche, on a profité d’une fréquence de bpm encore pas trop vénèr pour discuter pépère, sur ce tapis de vert qui, bientôt, ne serait plus que paille. Tiens, nos verres sont déjà vides. On s’en reprend une ? Attends une minute…il faut vraiment le jeter ce gobelet ?
La vérité au fond du vert
Bizarre. Pourtant l’environnement à Dour semble plutôt être pris à coeur. D’abord, avec son Green Camping, qui prône un « 100% love, zéro déchêts ». Et puis, ses bénévoles de la Green Cross. Eux, oeuvrent sur le terrain, dès 6h du matin, pour ramasser et trier les carcasses de la nuit écoulée. Enfin, il y a la Green Agora. Tout de bois vêtu, ce petit village éphémère met en valeur la production locale douroise, les produits bio et éco-responsables, dans un but de sensibilisation à l’environnement. Nous, on s’y est rendus, bien décidés à comprendre pourquoi diantre on nous obligerait encore à boire dans des gobelets en plastiques. C’est là qu’on a rencontré Amandine Coussement, membre de l’ASBL 3D, association locale active dans le développement durable et la sensibilisation au respect de l’environnement.
Les Ecocups, la fausse bonne solution
Chargée de la partie développement durable sur le festival, Amandine nous a donné une petite leçon. « Pour qu’une Ecocup ait une plus value, il faut qu’elle soit réutilisée », elle nous a expliqué. « Or, elles sont souvent floquées du logo et de la date du festival, et ne sont pas repartagées. Ni d’un organisateur à un autre, ni d’une année à une autre ». En fait, avec une affluence douroise toujours grandissante, il aurait fallu produire 5 millions d’Ecocup pour le festival. Rien que ça. « Je vous laisse imaginer la quantité d’eau nécessaire pour assurer le système de lavage et de roulement pendant les cinq jours », elle nous a glissé. Finalement, c’est peut-être pas plus mal cette histoire de plastique. Et Amandine était là pour le confirmer : « Avec les gobelets souples, on peut recycler jusqu’à 98% des verres cette année. Pourvu qu’ils sont bien triés ».
Le tri comme mot d’ordre
Regard à gauche, regard à droite : c’est vrai que, cette année, les signalétiques de séparation des déchets sont partout. À côté des poubelles classiques, les poubelles bleues avalent, de minute en minute, les déchets plastiques des festivaliers. Autre nouveauté de cette année : la “chaîne de tri”, que les organisateurs ont exposé sous les yeux des teufeurs. Cet espace – usuellement situé à l’arrière du site – occupe un stand, à deux pas de la Redbull Elektropedia dans le but de sensibiliser ouvertement au recyclage. D’après Amandine, les organisateurs ont longuement pensé cette installation : « On voulait montrer que, bien que l’on demande aux festivaliers de trier, les équipes du festival s’engagent à redoubler d’efforts pour trier, eux-aussi, les déchets qui ne l’ont pas été ». Si devant la menace du réchauffement climatique il est difficile de trouver un festival irréprochable en terme de développement durable, Dour peut au moins se targuer d’éduquer ses foules à l’éco-responsabilité. Et ça, c’est bien joué.
Et enfin, merci à ces personnes qui nous ont fait vivre de grands moments
- À cette fille qui, après vingt minutes de Bonobo, nous a demandé si c’était bien Vladimir Cauchemar qui mixait. On espère qu’elle a passé une bonne fin de festival.
- À Logan et ses potes, qui nous ont dépanné d’une tente après la drache belge qui a anéanti la nôtre. Paix sur vous pour l’éternité.
- À Cassie Raptor, qui nous a entrainé dans le pogo de SCH. Relisez-bien cette phrase, elle finira dans les manuels scolaires de vos enfants.
- À ce type trop défoncé devant nous au concert de Skepta, et son joint tout cassé. On espère que t’as quand-même bien kiffé.
- Merci Mr. Oizo, qui a clôt le Dour festival sur « I <3 you So », devant une photo de Zdar projetée en grand sur la Last Arena. Fort.
Pour résumer, on ne peut ressortir indemne du Dour Festival. Malgré sa forte affluence, l’évènement s’adapte à son temps. L’écologie prend de plus en plus d’importance, on découvre et redécouvre toujours des artistes sur des scènes de qualité. Et puisque tout le monde se le promet le dernier jour, nous aussi on a décidé de le scander : « À l’année prochaine, Doureuuuuh! »