Surgeons Girl signe chez Lapsus Records, un EP de cinq titres IDM aux échos dub. Percussions instrumentales et basslines électroniques se mêlent pour l’un des projets les plus novateurs de son portfolio. Nous allons à sa rencontre pour tenter de déceler les éléments clés de son univers.
Depuis quelques années, Surgeons Girl rayonne depuis Bristol avec des EP parus chez Livity Sound et Inside Out Records. Avec Lapsus Records, elle livre un travail riche qui souhaite faire une symbiose d’analogie et de technologie. Aucun de ces deux univers n’est mis de côté, alors même que son EP se classe dans la lignée IDM. Est-il possible de faire de l’IDM, dite « Internet Dance Music » en ayant une approche organique à l’analogue et le modulaire ? Surgeons Girl prouve que oui en expliquant que tout est question de point de vue. Sa vision est retranscrite dans cet échange avec Manifesto XXI.
Manifesto XXI : Dans tes productions, l’analogique et l’électronique combinées créent des œuvres émotionnelles. Il y a un mythe qui dit que les machines mènent à un monde aseptisé. Quelle est ton approche à ce sujet, étant donné ta pulsion de générer une réponse émotionnelle ?
Surgeons Girl : Chaque fois qu’une nouvelle technologie sort, on l’accuse d’avoir un effet aseptisant sur la musique. On lui reproche aussi de rendre le processus de création trop facile. Aujourd’hui tout le monde pense ça dès qu’il y a une innovation et c’est quelque chose dont il faut avoir peur. À cause de ça, nous nous tournons constamment vers des versions plus anciennes de la technologie parce qu’elles sont plus chaudes ou qu’elles possèdent certaines caractéristiques dont nous avons besoin. Mais n’oublions pas que, avec le temps, cette même technologie devient suffisamment ancienne pour devenir vintage et convoitée. Finalement, nous avons juste besoin de prendre le temps de trouver comment l’apprivoiser et créer quelque chose d’intéressant. J’adore le fait qu’il soit possible d’étudier le « laptop » dans certains conservatoires européens. Embrasser la nouveauté dans le cadre de la traditionnelle étude acoustique devrait être une norme.
Puisque nous parlons de l’avenir, je me demandais s’il y avait quelque chose que tu changerais dans l’industrie musicale actuelle ?
Ce que je note de plus positif ces dernières années, c’est le changement d’état d’esprit des promoteurs. Il y a plus d’égalité des sexes dans les programmations et les affichages se font en ordre alphabétique et plus forcément en termes de popularité. J’aimerais simplement que notre quête de gentillesse et d’inclusion dans la musique électronique continue de croître, car nous avons vraiment besoin de ça.
« Sever », le mot utilisé comme titre pour ton EP, exprime le besoin de disséquer et de trancher. Ressens-tu le besoin de revoir les idées préconçues sur la musique ?
Comme tu le dis, le nom de l’EP vient de cette envie de démanteler. Ce n’est pas forcément symbolique, mais plus dans la production. J’avais besoin de disséquer et de découper chaque morceau, afin d’avoir un collage fait de tranches d’images ou d’atmosphères qui changent. Lorsque tous les morceaux s’assemblent, ainsi que toutes les ambiances uniques, c’est là que le cerveau se rend compte du message final.
Certains décrivent l’expérimentation modulaire comme une musique intellectuelle. Est-ce qu’il y a un espace pour de telles œuvres dans les clubs d’aujourd’hui selon toi ?
Pour le moment, je ne suis pas assez courageuse pour me produire avec le modulaire, je l’utilise principalement pour le sound design et pour générer des séquences. Mais je me produis avec beaucoup d’autres machines différentes. En fait, j’essaie d’orienter mes sets plus vers les clubs. J’y joue, mais je dois beaucoup combiner avec des moments plus énergiques étant donné que mes productions sont plus ambient. Le passage à un set plus énergique implique d’improviser et d’expérimenter davantage, en raison de la longueur des sets et de la nécessité de préserver son énergie. J’aime mettre en place cette nouvelle approche depuis quelque temps, et j’aime le défi de ce changement, qui m’est rendu possible par l’accès dans de nouveaux espaces.
L’EP trouve son inspiration dans les lignes bass, dub et IDM. C’est un pas en avant par rapport à tes autres travaux qui tendent à pencher vers la techno et l’ambient. Qu’est-ce qui t’a inspiré pour ces cinq titres ?
J’ai l’impression d’être en perpétuel changement entre l’ambient et la techno, et tout ce qui se trouve entre les deux. Je cherche encore à comprendre où ma musique veut se situer, mais une chose est sûre : je ne veux pas rester immobile. Je trouve que l’ambient me vient très rapidement, mais je suis très pointilleuse avec mes morceaux. Résultat : je laisse dormir des tracks dans des dossiers avec de la musique qui, plus tard, me semble très mauvaise. J’aimerais bien sortir quelques morceaux de techno, avec moins de fioritures et plus d’énergie brute. C’est peut-être en essayant de le faire cette fois-ci que je suis arrivée à ces morceaux qui sonnent plus IDM, car je ne peux pas m’empêcher de mettre ces mélodies du synthétiseur vermona. Ici, j’ai joué des tempos plus rapides et j’ai utilisé des hi-hats éparpillés et des drums puissants tout comme les deux EP précédents. C’était probablement plus subtil avant, mais l’idée reste la même.
Basée à Bristol, que peux-tu me dire de l’énergie de la ville ?
Il y a tellement de bonnes initiatives que tout le monde est très solidaire. Aussi, il y a plein de petits cercles d’artistes ou de labels qui valent la peine d’être explorés à Bristol. J’ai joué avec J.Martin l’année dernière au festival Enmasse, qui a une musique et des visuels incroyables et qui vaut la peine d’être découvert. Il y a aussi Paleman et son alias Fresnal Lens qui est vraiment cool et bien sûr Finlay Shakespeare. J’aime aussi beaucoup Ido Plumes, également sur Livity Sound, Delay Grounds sur Pressure Dome et Lapsus qui a un super set live. Faut venir pour tous·tes les découvrir, il y en a bien plus !
Photo : © Lisa White.