C’est avec une voix très posée que Laurent Kia répond au téléphone, depuis Londres, où il habite depuis quelques années. Son groupe formé avec son meilleur ami d’enfance Snuffomov, l’Hotel Moscou, il ne sait plus vraiment dire de quand il date, ni l’origine exacte du nom, sûrement tirée d’un manga. Pour lui, l’Hotel Moscou est un vieux couple aujourd’hui.
Laurent Kia a commencé à diffuser son rap, qu’il qualifie d’« alternatif, même si le terme est un peu daté », sur des plateformes comme Bandcamp il y a sept ans déjà, mais son premier album, San Francisco, autobiographie très intime sur des sonorités cloud, est sorti en décembre 2015.
Sur son nouvel album Xanadu, LK s’expose beaucoup moins, ou bien le fait de manière détournée, en utilisant un personnage. « C’était volontaire, parce que l’exercice, de parler de moi, que ce soit en interview ou dans la musique, en voyant après les propos retranscrits en ligne, devant tout le monde, ça me fait bizarre ». C’est avec San Francisco, qu’il a découvert les interviews, les partages sur les réseaux sociaux. Il a décidé avec Xanadu de s’exprimer à travers une autre approche. « Finalement, ce que je trouve intéressant, c’est que même avec la fiction tu peux raconter des choses très personnelles, mais que l’auditeur peut choisir la manière de l’interpréter. Ce n’est pas important de savoir si ce sont des choses que moi j’ai vécu ou pas, l’important c’est ce que ça évoque à la personne qui écoute. »
Et il y a des choses à évoquer, car Xanadu est un album dont les thèmes parlent au plus grand nombre : la routine du travail, l’enfermement dans un cycle, dans une course à l’argent. Si LK peut parler au plus grand nombre, c’est sûrement grâce à ses différentes facettes. Il a été père au foyer, il a travaillé dans un bureau, et il est aussi artiste. « Au niveau des thèmes, beaucoup de gens peuvent se retrouver, quand on est artiste, ce n’est pas forcément ce à quoi on pense, quelqu’un qui a une routine de travail ou qui brasse beaucoup d’argent. »
Une autre nouveauté sur Xanadu, c’est d’avoir travaillé avec des gens, notamment sur les productions. Alors qu’avant il faisait tout, tout seul. « C’est agréable de travailler avec des gens qui ont un point de vue extérieur ». La résonance qu’à eu San Francisco a sorti LK de son isolement musical.
LK est un rappeur qui a la bougeotte, il a vécu en Suisse, aux Etats-Unis, maintenant à Londres, ce sont des expériences qui ont eu de l’impact sur sa musique, mais pas forcément de la façon dont on peut l’imaginer. « Ça a influencé ma musique c’est sûr, mais maintenant avec Internet, tout le monde écoute la musique de partout. Il y a sûrement des gens qui n’ont jamais quitté la France qui connaissent mieux la musique de Boston que moi. Je pense surtout que mes voyages m’ont influencé par rapport aux rencontres que j’ai pu faire, aux paysages que j’ai pu voir, aux différents modes de vie »
Difficile de ne pas penser voyage, rien qu’à l’évocation du titre de l’album, Xanadu, la capitale mongole, dans cet album, mais surtout un lieu imaginaire, énormément utilisé dans la culture populaire. « C’était surtout par rapport à Citizen Kane que j’ai utilisé ce nom. Pour deux raisons : déjà plusieurs de mes projets avaient des noms de ville, Vladivostok, San Francisco… Et puis Xanadu, c’est le nom de la villa de Charles Kane dans le film de Orson Welles. » Il fait donc ce parallèle, avec l’histoire de l’homme puissant et riche de son album, qui ne trouve pas le bonheur, malgré le succès matériel.
L’album est très structuré, il s’écoute comme on regarderait un film. C’est dû à l’importance que donne LK à la trame narrative. « Dans ma manière d’écrire, j’ai du mal à être concis, à résumer tout un thème dans un morceau, j’en ai besoin de trois ou quatre, du coup quand j’écris un album j’essaie dès le début d’avoir la tracklist globale, j’écris parfois des titres de chanson avant d’avoir les paroles ! »
Xanadu, est un album très spirituel, on y ressent un artiste plus apaisé que celui qui rappait dans San Francisco, plus de cynisme, moins de désespoir, plus d’argent et moins de drogues, une évolution liée au quotidien chamboulé du chanteur, depuis qu’il est papa. « Pour le premier album, j’étais dans une période sombre en France, j’avais des histoires de famille, le premier album a été écrit au moment du suicide de ma mère, maintenant j’ai une vie différente, plus apaisée, je suis père, je pense à l’argent d’une manière différente d’avant. »
Les collaborations sur cet album sont très variées, et éloignées géographiquement, à l’image du rappeur. Il y a le belge Béhybé, dont il admirait le travail il y a vingt ans, et qu’il a redécouvert par hasard sur la mixtape Néochrome sur laquelle il a également collaboré, Nikkfurie de La Caution, une de ses idoles du rap français, et Squadda B, Californien rencontré sur Internet.
Avec sa vie de famille à Londres, LK n’envisage pas encore de tournée en France, mais il a beaucoup de projets musicaux déjà prévus, deux EP avec des producteurs français, un avec un producteur anglais… Et surtout la sortie de plusieurs clips de l’album Xanadu. On le retrouvera bien vite.