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Instagram, nouveau terrain de jeu de l’art contemporain

Instagram, nouveau terrain de jeu de l’art contemporain

Manifesto XXI
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Jungle sociale peuplée d’une faune étrange, Instagram n’est pourtant pas l’apanage des naïades filtrées. Artistes et curateurs contemporains y trouvent aujourd’hui un terrain de jeu et d’expérimentation.

En 2003, Yves Michaux décrivait l’esthétisation générale d’un monde où l’art se trouvait partout, et donc nulle part. Un monde où le beau se déployait jusque dans chaque objet ou production commerciale, thèse qui donna son titre à l’ouvrage, L’art à l’état gazeux.

Quinze ans plus tard, Instagram et ses 800 millions d’utilisateurs en constituent une démonstration plus éclatante encore que Michaux n’aurait pu l’imaginer. Ce macrocosme étrange, où se côtoient clichés formatés et influenceuses brandées, est devenu le parangon, tout autant que le véhicule, d’un conformisme esthétique à l’échelle mondiale.

Si chacun se fait artiste sur Instagram, que peuvent donc venir y chercher ceux dont la pratique ne se limite pas au glissement du doigt d’un filtre à l’autre ?

Luigi Pareyson, philosophe italien, différencie le geste artistique du reste de l’activité humaine par sa finalité formative, c’est-à-dire en tant qu’il génère en soi sa propre règle de production. Faire de l’art sur Instagram, ce serait donc s’affranchir du cadre et des usages esthétisants de la plateforme pour créer une forme nouvelle, tirant justement profit de ces contraintes initiales. Au-delà des indénombrables street photographes du dimanche qui prolifèrent sur nos feeds, certains artistes et curateurs ont ainsi pris possession de leur grid (flux d’images associé à chaque compte) pour en proposer une approche neuve.

L’une de ces saillies notables fut le fait d’Amalia Ullman, première artiste à se révéler mondialement au travers de son compte Instagram, devenu biographie fictive jouant avec les codes contemporains de la mise en scène de soi. Aujourd’hui, nous présentons trois initiatives liées à la jeune scène française, prenant Instagram pour espace exclusif de création.

Instagram comme reality show artistique

Elsa Philippe – The Mercury Theatre

Plasticienne et vidéaste, Elsa Philippe questionne au travers de sa pratique « la manière dont Internet influe sur nos comportements au quotidien, et notamment notre utilisation des images pour servir le culte de soi. » Instagram est naturellement un terrain d’étude et d’exploration qu’elle a cherché à exploiter, donnant naissance à ce qu’elle présente comme le premier “Instagram Reality Show”, le Mercury Theatre.

Elsa Philippe présente ainsi le programme, dont la première édition s’est tenue entre Avril et Juin 2016 : « Les artistes sont les joueurs, ils jouent à travers une identité Instagram anonyme créée de toute pièce par leurs soins. Les joueurs obéissent à des règles similaires à celles d’un jeu de télé-réalité : avec casting, défis donnés chaque semaine par un curateur invité, éliminations, gagnant et prix. Le public vote en « likant » les images/vidéos publiées par les joueurs. »

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The Mercury Theatre

Le résultat de ce projet de longue haleine, conçu et dirigé par Elsa Philippe durant un an et demi au cours de deux résidences, est passionnant. Un concentré de délires post-internet publiés par les artistes au rythme des épreuves loufoques ou retorses imaginées chaque semaine par de jeunes curateurs. Le Mercury Theatre détourne ainsi l’esthétique de la plateforme autant qu’elle interroge cette quête, commune à la télé-réalité et Instagram. Celle d’une reconnaissance instantanée et perpétuelle de soi.

Instagram comme espace d’exposition

Joséphine Dupuy-Chavanat – Harald. Harald. Harald.

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Harald est le premier espace d’exposition exclusivement pensé et présent sur Instagram. Chaque exposition est ainsi délimitée par un fond coloré, sur la grid du compte, où l’on découvre une thématique et sélection d’œuvres, toujours accompagnées d’un efficace et concis texte de présentation en slider. Une mécanique originale, qui tire profit avec brio du canevas d’Instagram. Joséphine Dupuy-Chavanat y propose ses expositions idéales ou rêvées, et invite désormais de jeunes commissaires à prendre possession de ses cases.

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Harald

Si elle ne se définit pas comme commissaire, et qu’Harald est aujourd’hui une aventure moins collective que ne peut l’être une exposition dans le monde réel, Joséphine Dupuy-Chavanat ouvre toutefois de stimulantes potentialités, et se démarque par un véritable travail de curation et d’écriture.


Instagram comme résidence d’artistes

Résidence Instagram du Palais de Tokyo

À l’ombre de ses expositions monstres, le Palais de Tokyo a lancé en février dernier la première résidence d’artiste sur Instagram. Le principe est simple: un take-over, ou prise en main du compte, par un artiste pour environ deux semaines. Quinze jours, donc, pour dérouler un projet, plastique, poétique ou narratif.

PalaisInstaResidency est décrit par l’équipe curatoriale du Palais comme une extension de la programmation du lieu, « une partition à plusieurs voix, un « multivers » hors gravité et en « low control«  » (sic). On retiendra de cette résidence ces confrontations entre jeunes artistes et la plateforme : un cadre aussi contraignant qu’ouvert, personnel que global, condensé d’un paradigme actuel sur lequel il leur reste beaucoup à dire.

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