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100% L’EXPO 2024 : focus sur 6 artistes de la sélection

100% L’EXPO 2024 : focus sur 6 artistes de la sélection

Le rendez-vous annuel de la scène artistique émergente a lieu jusqu’au 28 avril 2024 avec la 6e édition de 100 % l’EXPO au sein de la Grande Halle de La Villette. 

À 100% l’EXPO, nous pouvons découvrir les œuvres d’une cinquantaine d’artistes récemment diplômé·es de 6 écoles d’art publiques françaises. Pour elleux, cet événement est une opportunité de bénéficier d’une grande visibilité, mais aussi d’un accompagnement professionnalisant : Une formation avec TADA Agency  est proposée aux artistes de 100 % pour la création de leur statut d’artiste-auteur·ice et des professionnel·les de la culture étaient présent·es pour des speed-dating organisés par le collectif Diamètres, le lendemain du vernissage avec les artistes inscrit·es, une première cette année. Autre première cette année, un jury a été invité pour sélectionner les artistes. Il était composé de Prune Phi, artiste plasticienne, qui avait exposé lors de la 3e édition de 100 % en 2021, Thomas Conchou, directeur artistique de la Ferme du Buisson et Daisy Lambert, curatrice indépendante.

Le plus important pour commencer une édition, réside dans le choix des écoles qui recevront l’appel à candidature. Là-dessus, 100% a bien évolué depuis ses débuts en 2018, et la collaboration entre l’ancien président de La Villette, Didier Fusillier, et l’ancien directeur de l’école des Beaux-Arts de Paris, Jean de Loisy. « Forcément, les grosses écoles parisiennes étaient présentes. On nous a fait des retours qui nous ont interrogé·es : est-ce qu’on n’était pas en train de reproduire quelque chose d’un peu élitiste ? » reconnait Inès Geoffroy, la directrice des espaces d’exposition de la Villette. La Villa Arson de Nice a été la première école hors capitale à faire partie de l’exposition. Cette année, La Villette collabore ainsi avec Les Beaux-Arts de Marseille, les Beaux-Arts de Paris, l’École des Arts Décoratifs de Paris, La Villa Arson, l’École Nationale Supérieure de Paris-Cergy et l’École des Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire. 

Pour opérer une pré-sélection parmi les nombreuses écoles d’art de France, Inès Geoffroy choisit les artistes sur la base d’une réflexion concernant la scène artistique de la jeune création. Elle cible les écoles dont l’enseignement, et donc les pratiques des élèves diplômé·es  résonnent avec les problématiques culturelles actuelles. Bien que la Villette n’impose aucun thème et que les travaux artistiques soient créés indépendamment les uns des autres, les œuvres dialoguent entre elles, par les enjeux qu’elles soulèvent sur l’environnement, l’identité, la mémoire, l’histoire, le colonialisme ou le soin… Se dessinent ainsi les sujets qui occupent les jeunes artistes aujourd’hui.

Focus sur six artistes parmi une sélection diverse et pointue

Maty Biayenda (diplômée de l’EnsAD en 2023)
Elle brille dans le noir, 2022/2023

© Quentin Chevrier

Dans son installation Elle brille dans le noir, Maty Biayenda célèbre les récits occultés des personnes trans et racisées. À travers des portraits textiles, elle donne vie à ces histoires fragiles d’idoles ou de personnes inconnues. En détournant la toile de Jouy française, elle pointe du doigt le passé colonialiste et la fétichisation persistante des corps racisés. Maty Biayenda fusionne habilement passé et présent, fiction et réalité. Son travail explore les frontières mouvantes de l’identité et de la désirabilité, confrontant le fétichisme véhiculé par le male gaze par la réappropriation des stéréotypes. En ouvrant de nouvelles voies pour la représentation et la reconnaissance des figures trans et noires, Maty Biayenda invite à une réflexion sur l’histoire, la mémoire collective et l’identité.


Lina Goudjil (diplômée des Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire en 2021)
Le grand bazar, 2023 

© Dinç Eva

Lina Goudjil mêle peinture, dessin et objets du quotidien pour créer une fresque politique et satirique sous forme de frise à trois niveaux. Des personnalités publiques ou politiques aussi variées que Zinédine Zidane, Emmanuel Macron ou Bisan Owda, côtoient des messages de contestation parfois humoristiques – sur les violences policières, le graffiti, l’écologie… Mobilisant le flux incessant d’informations et d’images auxquelles nous sommes confronté·es, l’œuvre de Lina Goudjil peut résonner auprès de toustes un·e chacun·e. Notre regard s’attache à un dessin puis est appelé par un autre, ainsi, une histoire se crée, celle de notre société contemporaine. Les visages y sont vivants et expressifs, ce qui rend l’installation dynamique et captivante.


Reda El Toufaili Kanaan (diplômé de l’ENSAPC en 2023)
It in hot ((( $ex))) stuff, don’t touch it or u will burn, 2023

© Dinç Eva

L’installation It in hot ((( $ex))) stuff, don’t touch it or u will burn propose une expérience immersive où l’intimité et le tabou se rencontrent. Elle se présente sous forme d’une salle, dans laquelle on pénètre après avoir franchi des rideaux blancs. Un bruit continu de tondeuse nous plonge dans un sentiment de gêne qui fait écho à l’intime. 4 écrans diffusant des vidéos de chemsex, teintées de rouge, sont dissimulés par des rideaux de douche transparents, que les spectateurices sont invité·es à tirer pour découvrir ce qui nous est caché. Parallèlement, une télévision posée au sol diffuse des vidéos du quotidien de Reda El Toufaili Kanaan. Elles ont été capturées avec le même caméscope que celui utilisé par sa famille pour filmer son enfance. Cette installation révèle les couches profondes de tabou permettant une lecture de l’intime du point de vue racisé et queer de l’artiste.

Une performance de l’artiste aura lieu le 20 avril dans le cadre de la programmation de Jerk Off.


Attandi Trawalley (diplômée de la Villa Arson en 2021).
Care as a color, 2023

© Florent Michel

Artiste multidisciplinaire, Attandi Trawalley s’inspire des théories du care, à travers une exploration des subjectivités féminines noires et des récits familiaux fragmentés, pour créer des œuvres qui apaisent et réconfortent, agissant comme des objets à chérir. Elle puise dans sa propre expérience et ses origines sud-africaines et sénégalaises pour nourrir une pratique artistique ancrée dans le quotidien et les gestes du soin. Dans son installation monumentale Care as a color, l’artiste évoque la gestuelle de l’intime et du renouveau, convoquant un désir de rétablir des liens entre nos corps, nous-même et notre environnement. Elle utilise la technique du batik dans ses œuvres, aux teintes naturelles et imprégnées d’affection. Le batik est un savoir-faire ancestral de teinture sur des tissus de coton, choisis pour leur douceur. C’est avec une grande patience que la batikiée lave les tissus puis réchauffe à la bougie les motifs qui se révèlent lors du retrait de la cire, les berce dans un bain de teinture aux couleurs naturelles et les entrelace afin de laisser l’eau s’en évaporer. Care as a color assemble également des sculptures composées de cheveux synthétiques tressés qui rappellent sa précédente performance Braid Me mettant en scène deux femmes, l’une avec une longue tresse inachevée et l’autre à l’extrémité qui natte dans une perspective de réappropriation du soin de ses cheveux libérés des standards de beauté occidentaux.


Solveig Burkhard (diplômée l’ENSBA en 2021)
Kids waiting for something, 2024

© Florent Michel

Solveig Burkhard crée des décors immersifs et interactifs où l’enfance et les drames collectifs se rencontrent. L’artiste y dénonce l’adultisme et encourage les adultes à revisiter leur propre enfance dans ces espaces d’émancipation. Dans Kids Waiting for something, la salle d’attente d’un cabinet de pédopsychiatrie devient un lieu de réflexion sur nos projections individuelles et collectives. Depuis le vernissage, l’œuvre de Solveig Burkhard évolue au gré du passage des visiteur·ices, devenant ainsi vivante. Un petit mot à l’entrée nous invite en effet à nous approprier pleinement l’espace : « Vous pouvez toucher à tout, jouer, dessiner, faire des perles, lire… » à condition de revenir en enfance, du moins, dans nos cœurs. Ici, des objets symboles de l’effondrement sociétal, côtoient l’espoir et la reconstruction par le jeu.

Voir Aussi

Pour l’événement Repenser l’enfance, qui a eu lieu le 13 avril dernier, Solveig Burkhard et Marc Lochner ont fait une performance au sein de cette installation.


Zoé Chauvet (diplômée de l’EnsAD en 2021)
Altær, 2021 / 2023

© Florent Michel

Zoé Chauvet, artiste photographe et vidéaste, façonne une archive intime de son univers, explorant les identités queer et la construction du soi. Son projet Altær, accompagné d’une tracklist de la compositrice Talita Otović, émerge de la volonté de (re)donner de l’importance à la fluidité des corps et à leurs histoires, les voyant comme une architecture qui construit la limite d’une réalité intangible. Guidée par une quête de nouvelles narrations et de futurs alternatifs, elle tente de faire dialoguer le genre du portrait avec des supports photographiques expérimentaux pour capturer de façon sensible voire sensorielle le portrait de ses ami·es et de ses rencontres. Sa pratique artistique devient une ode à la mémoire, comme un pouvoir, capable de rappeler les luttes passées pour mieux construire celles à venir.


En plus de la cinquantaine des sélectionné·es, 100% l’EXPO invite comme chaque année des collectifs pour une programmation parallèle. Ce samedi 20 avril, le festival Jerk Off propose un après-midi de performances, tandis que le collectif Kluster organise une soirée clubbing à La Folie.


Retrouvez toute la programmation et les informations pratiques sur le site internet de La Villette.

Édition : Anne-Charlotte Michaut et Apolline Bazin

Image à la une : EL TOUFAILI KANAAN Reda, haram, i want to turn into you, 2023, ENSAPC, © Maxime Vignaud

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