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Lëster. L’Emo-électro de la scène internet

Lëster. L’Emo-électro de la scène internet

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Next gig le 26 janvier à La Java pour la Creepy Sisters #2

Depuis le succès, il y a environ deux ans, des vidéos web do it yourself face caméra d’Oklou, les pépites musicales françaises de « l’internet wave » ne cessent de surgir. En mai, I-D consacrait un papier au phénomène en tissant un lien entre ces artistes autodidactes et la naissance d’un esprit punk d’un genre nouveau. En dépit de leur scepticisme quant à leur appartenance à une même scène, il est impossible de ne pas associer ces compositeurs solitaires, tant leurs esthétiques se rejoignent.

Cet univers lo-fi, souvent taxé de mélancolique, n’est en réalité que l’inspiration tirée d’une enfance influencée par les début d’internet. Kitsch, hybride, aimant les mélanges inattendus, parsemé d’une authenticité dérangeante par moments, affichant une certaine désillusion, le style désormais nommé « post-internet » n’échappe pas à la comparaison avec le mouvement punk. Loin de porter des revendications politiques et sociales, l’internet wave est éminemment individualiste, à l’image du mode de consommation typique des contenus web.

Un nom mérite particulièrement d’être suivi pour l’année à venir. Il s’agit de Lëster, OVNI mystérieux dont la douceur flirte avec une énergie sous-jacente presque violente. Le jeune homme en est à son troisième EP, Wings, sorti le 14 décembre. Garçon à l’allure rêveuse et aux gestes calmes, Lëster ne laisse en rien présager son amour des musiques et des soirées hardcore. Quoique, son pull Evanescence aurait dû être un indice de poids. Ce Gothique au visage d’ange propulsé à l’écran dans 120 battements par minute, s’amuse en définissant sa musique d’émo-électro. 

Ce que je fais est comme un journal intime. Émotionnel et torturé. C’est le côté pas fun de ma musique. Être émo c’est avant tout se plaindre et je me plains souvent dans la vie. Émo, c’est être triste pour rien.

Sans surprises, il semble dubitatif quant à l’existence d’une scène internet. Toutefois, d’après lui, si elle existe ce seraient sûrement le fruit des réseaux sociaux, plus que des rencontres réelles. Rien d’étonnant, à l’époque où le geek est un prototype social. Ce sont également les milliers de tutoriels vidéo disponibles en ligne qui ont créé des noms comme Lëster. Sans cela, la musique serait encore l’apanage des conservatoires.

Que ce soit pré-internet ou post-internet, ou quelque chose d’autre encore, là n’est pas la question pour Lëster. L’esthétique qu’il véhicule n’est qu’une affaire de goût . C’est à la mode et comme pas mal de monde, il est simplement influencé par ce qu’il voit défiler sur les écrans. Les journalistes auront beau lui demander de décrypter ses visuels années 2000, il répondra simplement qu’il est pile dans l’âge où on est nostalgique de son enfance.

À l’heure où l’importance du clip ne cesse de grandir, partages sociaux obligeant, Lëster et ses confrères abordent la question en toute décontraction. Comme pour leur son, la vidéo est le résultat de moultes errances sur le net. Ainsi, le producteur n’a pas hésité à réaliser un clip en Faceswap pour « Disappeared ».
Enlaidi par l’effet de l’application, Lëster revendique une bonne dose d’ironie. La mocheté aura gagné ses galons grâce à internet et la culture florissante du mauvais goût.

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Le bon goût, c’est ce qu’on exclut le plus souvent aujourd’hui je trouve. Le moche n’existe plus vraiment. On nous bombarde trop d’images parfaites. Je crois qu’il y a un ras-le-bol.

Une envie de choses authentiques qui se répercute sur la musique, qu’il a apprise dans sa chambre en puisant dans les sonorités jazz, mais aussi dans les bandes-son des films d’horreur grand-public. Car le mainstream ne lui fait aucunement peur. Il fait partie de son socle culturel. L’intérêt est peut-être de le sublimer, de le détourner, de jouer avec des références communes. Après tout, quand on vient d’ internet, comment pourrait-on craindre le mainstream ?

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