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Isha. La sombre exception du rap bruxellois

Isha. La sombre exception du rap bruxellois

Isha fait partie de cette vague de rappeurs fraîchement débarqués de Bruxelles avec leurs gros souliers. À 31 ans, Isha n’en est pas à son premier coup d’essai dans le rap. Contrairement à ses jeunes homologues belges, le MC compte plusieurs années moroses derrière lui. Des périodes d’alcoolisme qui lui valent des textes sombres et introspectifs.

Dome cap vissé sur la tête, k-way Adidas et baskets de tous les coloris, Isha assurait mardi 5 décembre sa sixième date française à la Bellevilloise. En avril 2017, il sort La Vie Augmente vol. 1. L’EP de dix titres signe sa première réussite avec une tournée entre la Belgique, la France et la Suisse. Son flow brutal et son écriture spontanée caractérisent sa marque de fabrique. Le rappeur de 31 ans se distingue de ses compères bruxellois par la brutalité de ses mots et ses maux. Damso, Hamza, Roméo Elvis, Caballero & JeanJass, l’Or du commun, tous âgés d’une vingtaine d’années, embrassent désormais un succès fou : top des ventes et écoutes streaming, dates complètes jusqu’en 2018, unes des Inrocks, etc. Sur cette vague belge venue rafraîchir la scène francophone, Isha, vieux de la vieille à l’âme ténébreuse, apparaît comme une exception. Dix ans après ses premiers pas dans le rap, il sort de l’ombre.

Manifesto XXI – Tu lâches un rap sombre et introspectif en puisant au fond de tes expériences passées. À quel point ton écriture transcrit ta personnalité ?

Isha : Ma manière d’écrire est très liée à ma personnalité. Je peux passer une soirée tranquille et d’un coup, m’arrêter de parler et me braquer tout seul sur un truc précis. Mes humeurs sont très changeantes. Ça se retrouve dans l’ADN de ma musique. Je reviens rarement sur un texte. Mon écriture est spontanée. J’ai aussi besoin du retour du public. La Vie Augmente vol. 2 s’est écrit très vite grâce à la vibe du premier. J’attends donc la sortie de ce deuxième opus avant d’écrire le troisième.

Des témoignages m’ont aidé à sortir de l’alcoolisme

Sur plusieurs aspects de ton projet, on retrouve un message d’espoir. Sur scène, tu t’adresses aux jeunes, ton EP s’appelle La Vie Augmente, etc. Comment ton expérience personnelle vient servir ce discours ?

J’ai vécu des sombres périodes d’alcoolisme. Quand j’en sors, ça fait du bien d’en parler. Depuis petit, j’ai besoin de m’identifier à des gens. J’ose imaginer que des mecs se reconnaissent dans ce que je raconte. Ils ont besoin d’entendre ces choses-là. Dans La Vie Augmente vol. 2, je dis que j’ai trouvé la force de jeter ma canette de bière. Ce genre de morceau donne de la force à un mec qui déconne avec l’alcool. Comme des témoignages ont pu m’aider.

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Par ton âge et ton expérience, tu apparais un peu comme un OVNI parmi tous ces jeunes rappeurs de la scène belge. Comment vis-tu le succès avec cette particularité ?

On vit le truc comme des gosses ! On voit l’attente la veille des concerts, on est surexcité ! Avant les réseaux, ce n’était pas possible. D’ailleurs je ne comprends même pas comment on avait la force de le faire. Quand tu vois comment c’était difficile, on était quand même des soldats d’y croire !

En 2008, tu produis ton premier projet Vas-y chante sous le nom de Psmaker. Presque dix ans après ces premiers pas dans le rap, tu sors La Vie Augmente vol. 1. Comment peux-tu expliquer cette parenthèse ?

Au moment de mon premier projet, j’ai ouvert les yeux sur le problème de faire un disque pour 500 personnes. Il n’y avait pas de distributeurs en Belgique. La musique urbaine était une musique de paria. C’était des coups d’épée dans l’eau. J’ai fait une pause parce que c’était tout simplement mort. Je n’avais plus l’ambition de bosser des projets solos et l’alcool est arrivé dans l’équation… Puis, quand le rap s’est installé, j’ai recommencé progressivement avec quelques apparitions en huit ou seize mesures comme le projet BX Vibes de Scylla par exemple.

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Au moment de mon premier projet, j’ai ouvert les yeux sur le problème de faire un disque pour 500 personnes. Il n’y avait pas de distributeurs en Belgique. La musique urbaine était une musique de paria. Isha

Qu’est-ce qui t’a donné envie de replonger la tête dans tes textes et dans le rap ?

Franchement, ce sont les rappeurs qui m’ont chauffé ! Quand j’entends des bons gars rapper, j’ai envie de rentrer chez moi écrire. Il y a aussi eu un renouvellement autour de la musique urbaine, autant en terme d’images que de son. Je me revois devant un clip de Joke, où il posait en Air Max sur le capot d’une Range Rover entouré de palmiers à Montpellier. J’ai recommencé à kiffer le rap comme quand j’avais 16 piges. Ce type d’identité visuelle m’a redonné envie de faire de la musique.

Comment te positionnes-tu par rapport à la vague belge ?

J’ai profité de ce succès même si c’est tombé un peu par hasard. J’étais en studio pendant que Hamza commençait à buzzer sérieusement. Je voyais son ascension d’un bon œil. Quand Hamza a explosé, je savais que Caba et JJ allaient suivre le mouvement. Et le public suit malgré la diversité des styles au sein de cette vague belge. En espérant que ça dure…

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