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Kim Giani. Être punk en toute élégance

Kim Giani. Être punk en toute élégance

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Kim Giani est un fascinant OVNI musical. Sorte de dandy geek, il a le mérite de pousser la scène musicale française dans ses retranchements, de la débrider tout en douceur. Complètement habité par la musique, un peu comme une Michelle Blades au masculin, Kim Giani compose comme il respire. Il fait partie de ces artistes qui ne se sont probablement jamais posés la question de comment aborder le son tellement ils en sont nourris.
Mais plus que tout Kim Giani est un iconoclaste, s’en foutant joyeusement de séduire qui que ce soit. Son côté revanchard a pour caractéristique d’être un mélange subtil d’humour et d’élégance. Élégance d’un genre unique, tout comme cette coupe si enfantine et indisciplinée, à mi-chemin entre un champignon et un gland.
Il en est à son 32ème album, « Blues de Geek Manifesto ». Un titre qui méritait quelques éclaircissements.

Kim Giani et Cléa Vincent en interview ici pour les Chansons de ma Tante.

Ce que je trouve surprenant, personnellement, c’est qu’un musicien publie 15 selfies par jour contre un album tous les 6 ans. Pardon pour ceux que je vexe en disant ça, mais franchement, les amis, on avait pas dit qu’on jouerait de la musique?

Manifesto XXI – Kim, tu penses que notre époque marquera la revanche des geeks ? 

Je n’ai aucune idée de ce qui se passera à notre époque. Je ne sais pas si les geeks ont besoin d’une revanche. En tout cas s’ils la veulent, ils l’ont depuis longtemps, de Tron à Daft Punk, de Her à Game Of Thrones. Je n’aime pas tout de la culture geek. Mais je la trouve libératrice.

KIM By Annabelle Fadat
KIM By Annabelle Fadat

En quoi ton album est-il un manifeste du « blues de geek » ? C’est un titre tout à fait original quand même…

Le « blues de geek » est une musique qui existe mais qui n’avait peut-être pas de nom. Je propose modestement celui-ci. C’est comme du blues qui serait joué avec des outils récents, ludiques et affectueux.

Prenons le « Biscuit » par exemple, cet outil inventé par Alf Briat. Ou bien les nouveaux claviers Yamaha minuscules, ou même l’Ipad. Ces outils fabriqués, je pense, par des nerds ou des geeks sont des doudous musicaux auxquels ont a envie de se confier, comme la guitare d’un bluesman, puis de les utiliser pour nous accompagner dans du spleen moderne, de la mélancolie électronique ou industrielle. C’est ça le blues de geek.

Être seul, dépassé par un instrument, c’est très proche d’être collectionneur de disques ou de figurines.

Steve Jobs et Robert Johnson ont un point commun. Pacman et Hendrix aussi. Pour ma part j’aime jouer avec des instruments acoustiques, ou très peu électrifiés puis ajouter des outils que je considère comme geek, l’omnichord par exemple. Être seul, dépassé par un instrument, c’est très proche d’être collectionneur de disques ou de figurines.

…envoyer balader l’industrie musicale qui est le cancer de la pop moderne.

L’aspect « Manifeste » renvoie à mon envie que toutes les cultures se mélangent. Il y a de cela chez les geeks mais aussi chez les freaks, les trans, les anarchistes, les nudistes, le porno, et tout ce qui est hors normes. Musicalement cela se traduit pour moi par un refus total de choisir mon genre musical, mes directions, et de tout faire à l’instinct, n’en déplaise au commerce de la pop que je trouve coincé et chiant. Alors ce serait ça « Blues de Geek Manifesto »: un encouragement à bousculer toutes nos lignes et envoyer balader l’industrie musicale qui est le cancer de la pop moderne.

Tu prends un instrument, tu joues avec, une musique naît, tu la publies, tu la joues devant des gens, et on passe à autre chose. Ce qu’on appelait « punk » avant, et dont le terme a été ridiculisé par la classe bourgeoise consommatrice de pop moderne. Être punk ce n’est pas aimer déplaire, mais bel et bien aimer prendre le risque de déplaire.

Tous ceux qui tentent ce funambulisme me fascinnent, quelque soit la couleur musicale : VALD, Nils Frahm, King Gizzard and The Lizard Wizard, Hotchip. Pour moi ce sont des geeks, des chelous, des laborantins, des chercheurs. Je manifeste en filigrane pour que cette culture du questionnement musical, initiée par Alan Lomax (notre Levi Strauss de la musique) soit légion et écrase totalement la culture pop qui ressasse toujours les mêmes obsessions (recherche de lumière, embrasement du podium, rapprochement vers l’enfance). Le rap est en train de répondre à toutes ces questions de la pop, et cette dernière le toise. Aficionnados pop: banjo en main, écoutons ce que Snoop et Diplo ont à nous dire.

Être punk ce n’est pas aimer déplaire, mais bel et bien aimer prendre le risque de déplaire.

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KIM – By Annabelle Fadat

Ta musique est totalement à part, en termes de couleurs et de textures, de ce qui se fait maintenant. T’as pas l’impression de partir hyper loin ? Est-ce que c’est justement ça ton côté geek ?

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Mon côté geek c’est peut-être d’aimer rester chez moi et collectionner de façon fictive (ou pas) des costumes musicaux. Je me déguise via des musiques. Je sais pas si je pars loin. Peut-être qu’un de ces jours je vais changer ça. Réponses bipolaires. Ça va toi? J’ai faim.

Ton label, Midnight Special Records, a l’habitude de prendre de beaux risques artistiques. Peux-tu nous parler de ta relation avec eux ?

J’adore Midnight Special Records. Ils ont une culture rap conjointe à une culture blues. On branche, on joue, on fait, et après on réfléchit. Ils vont vite. Et leur catalogue est sublime : Cléa Vincent, Laure Briard, Michelle Blades, etc. Les deux piliers du label, Victor et Marius, ont réalisé mon disque.

32 albums à ton actif. Soit tu es très vieux et on ne le voit pas, soit tu es extrêmement gourmand de nouveaux sons… Ça fait quoi d’avoir produit autant de musique ?

J’ai enregistré mon premier disque à l’age de 16 ans et j’en ai aujourd’hui 40. Ça fait 32 albums en 24 ans. C’est vrai que ça paraît copieux. En même temps mes chansons sont très simples. Ça va vite d’enregistrer mes disques. Je suis pas Richard Wagner avec son « Ring ». D’ailleurs j’en suis envieux.
Ce que je trouve surprenant, personnellement, c’est qu’un musicien publie 15 selfies par jour contre un album tous les 6 ans. Pardon pour ceux que je vexe en disant ça, mais franchement, les amis, on avait pas dit qu’on jouerait de la musique?

KIM - By Annabelle Fadat
KIM – By Annabelle Fadat


Ton album est riche d’influences musicales qui nous viennent d’autres cultures, on dirait un voyage en train où on découvrirait des paysages surprenants et nouveaux. Tu voyages beaucoup ? Comment voyages-tu ?

Par mon métier, qui est principalement celui de musicien, je voyage beaucoup oui. En train. Rarement en avion. J’y amène de quoi enregistrer de la musique. La musique est la meilleure chose qui soit.

Dernière question, on est très fan de ta coiffure par ici. Est-ce que le champignon que tu dessines souvent est une référence à ça ?

Enfants nous sommes nombreux à porter la frange, et un jour on décide pour nous que ça ne convient plus comme coiffure. Or je m’y oppose. La frange, que l’on appelle aussi une coupe à la française, est pour moi le top de l’élégance. Je suis ravi que cette coiffure te plaise. Le bonhomme avec un bol que l’on voit dans mes dessins, c’est un auto-portrait, tout simplement. Certains y voient un champignon. D’autres y voient une bite. Je suis ravi de ressembler à une bite ou à un champignon. Ce sont deux organes très différents à l’humour assez similaire.

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