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Culture 4 Liberty : un appel festif et des revendications politiques

Culture 4 Liberty : un appel festif et des revendications politiques

L’appel au rassemblement « Culture 4 Liberty » alerte sur la catastrophe en cours dans le secteur culturel. Loin d’en rester à une protestation sectorielle, il articule son état des lieux à de graves inquiétudes concernant les atteintes aux libertés et la « déshumanisation » de notre société. À l’initiative, deux organisations sont particulièrement impliquées : l’Union des collectifs festifs LGBTQI+ né dans la crise – dont Manifesto fait partie – et le SOCLE (Syndicat des organisateurs culturels libres et engagés). Les deux entités co-organisent une mobilisation intersectorielle qui aura lieu ce samedi 16 janvier 2021, le même jour que la marche pour les libertés, et contre la loi Sécurité globale et les violences policières. 

En ces temps de nuits silencieuses et moroses qui pèsent sur les jours gris, on comprend mieux que jamais à quel point la joie et l’humanité passent par nos liens, affects, relations, images, musiques et danses. Les acteurs et lieux qui en cultivaient la richesse, la dramaturgie et les couleurs vont s’éteindre si nous n’agissons pas. Tenons bon ! Expliquons les revendications de cette manifestation et soutenons-les, soutenons-nous le plus possible la culture. Argument ultime : que certain·e·s aient récemment encouru de la prison pour leurs soirées n’a pas intimidé les organisateur·rice·s, qui prévoient une sono intense.

La protestation : quand la nuit s’adresse au jour

L’appel « Culture 4 Liberty » est signé par de multiples collectifs organisateurs de fêtes et festivals (Possession, Barbi(e)turix, Subtyl, Sœurs Malsaines, Kindergarten, Kidnapping, Myst, La Toilette…), producteurs·rices de musique électronique (Anetha, Rebeka Warrior, Cassie Raptor, I Hate Models, Léa Occhi…), artistes, maisons de disques, médias (Trax, Cerveaux non disponibles), journalistes, majoritairement LGBTQI+. Logique, nous expliquions il y a peu la place centrale de la nuit dans les cultures queers. L’extinction de la nuit est un sujet majeur, pourtant il s’agit de plus que cela – comme toujours, la nuit parle du jour. Les premier·e·s accusé·e·s de particularisme, d’égoïsme et d’hédonisme agissent, pensent et existent peut-être le plus pour l’intérêt général. L’appel est ouvert à tous·tes les professionnel·le·s de la culture pour un même horizon : « faire de l’art le vecteur de la contestation sociale et politique ».

Partir du secteur de la musique électronique pour lancer un appel à l’ensemble de la culture et de la société qui vit avec elle est une gageure. Mais c’est aussi l’opportunité de fédérer largement dans un mouvement par lequel la musique électronique cesserait d’être considérée à part. D’ailleurs, l’une des revendications est le passage sous la responsabilité du ministère de la Culture et non du ministère de l’Intérieur comme c’est le cas actuellement. Le secteur le plus durement frappé pourrait devenir le moteur d’une mobilisation remettant la culture au cœur d’un nouvel État social, affirmant qu’elle n’est pas une consommation individuelle et individualisée, et visant à redynamiser la création dans des lieux d’échange et de confrontation physique.

Refonder le secteur des musiques électroniques

En complément de l’appel, 14 revendications communes de l’Union des collectifs festifs LGBTQI+ et du SOCLE concernent plus spécifiquement les musiques électroniques, sans perdre le lien avec l’état politique général. Elles demandent d’abord « l’abrogation totale des projets de loi Sécurité Globale” » (première revendication) et s’opposent « au projet de loi de Gestion pérenne des urgences sanitaires” qui intégrerait l’état d’urgence sanitaire dans le droit commun » (deuxième revendication). 

Par ailleurs, alors que le secteur culturel est principalement marqué par l’incertitude et l’absence de vision d’avenir – voire pire, des annulations arbitraires et des promesses non tenues laissant derrière elles d’importants investissements gâchés et des professionnel·le·s en perte totale de sens –, les deux organisations demandent d’abord l’augmentation significative de l’ensemble des aides (sixième revendication) avec notamment la création d’un fonds de soutien pour les musiques électroniques (dixième revendication), et aussi la mise en place d’un protocole sanitaire à l’échelle nationale qui serait « le seul critère pour autoriser [leurs] activités » (quatrième revendication). Une façon de permettre la reprise d’activité et de montrer un minimum de considération envers ce secteur. Accepterait-on que les normes de construction des bâtiments changent complètement d’un mois sur l’autre et que ces nouvelles règles s’appliquent rétroactivement aux bâtiments en construction, sans indemnisation des entreprises pour la perte sèche ? Non.

D’autres demandes précises et poussées, comme la création de Maisons publiques des musiques électroniques sur le modèle des MJC (neuvième demande), construisent au total le projet d’un « New Deal électronique » ambitieux et à la mesure de l’importance du secteur en France, tant économiquement que culturellement et socialement. Il s’agirait pour l’État de prendre enfin au sérieux ces interlocuteur·rice·s et de sortir du jeu de la stigmatisation, aussi vieux que la musique électronique elle-même. Seule une large mobilisation est susceptible de faire émerger cet enjeu public.

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Infos pratiques

Rendez-vous fixé samedi 16 janvier à partir de 12h, place Félix Eboué, pour un parcours en direction de place de la Bastille.

À 12h30, l’Union et le SOCLE présenteront le détail de leurs revendications en présence de Frédéric Hocquard, adjoint à la Mairie en charge du tourisme et de la vie nocturne. Tout l’après-midi sera rythmé par des DJ sets de Kiddy Smile, Rag, Ixpé, La Créole, Dustina…

L’évènement Facebook

Image à la Une : © Otto Zinsou

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