Après 9696 Dream en mars et Flex Time en juillet, 96 Back conclut sa trilogie avec Love Letters, Nine through Six, le fruit d’années de travail. Déjà bien connu des clubs de Sheffield et Manchester, cette trilogie lui permet aujourd’hui de se frayer un chemin pour percer au niveau mondial. Qui est donc ce jeune producteur anglais qui va faire parler de lui ?
2021 aura été l’année où 96 Back s’est jeté à l’eau. Jusqu’alors, le jeune producteur originaire de Sheffield, en Angleterre, se contentait de sortir quelques titres timidement via le label Central Processing Unit, réputé pour ses sorties symboliques de la « Bleep Era » : des tracks approchant la techno detroit d’un prisme minimaliste, agrémenté d’une once de rythmiques d’acid house. L’album Issue in Surreal (2019) de 96 Back est un bel exemple de ce sous-genre de bass music. Grâce à Central Processing Unit, 96 Back mixe pour Boiler Room et ajoute ainsi un autre succès à son portfolio.
96 Back participe au renouveau de la bass de Manchester
Le nord de l’Angleterre a été le fief de beaucoup de renouveaux musicaux, surtout à Manchester. On connaît aujourd’hui les succès du rock des Bee Gees, le post-punk des Smiths, de Joy Division, New Order, le Britpop des années 90’ avec Oasis… Mais les murs de briques de la ville ont aussi été les lieux d’exploration de la musique électronique. Dans les années 1980, la réputation des clubs de la ville s’exporte avec Madchester. C’est là que fusionnent indie et acid pour créer un genre unique de indie-pop (ou « indie-rave »).
Quelques années plus tard, l’héritage dynamique des clubs de Manchester permet à une nouvelle génération de produire. 96 Back en fait partie : il déménage de Sheffield à Manchester pour potentiellement puiser sa créativité dans l’énergie musicale qui l’entoure. On cite les noms de Autechre, ANZ, Space Afrika, Afrodeutsche, et maintenant, 96 Back. Certains labels ont également décidé de s’y installer : Skam Records (Autechre, Boards of Canada), le dance hall & hip-hop de Swing Ting (Uniiqu3, DJ Q), la grime & uk-funky de Chow Down (Anz), la techno expérimentale de Project 13 (Szare, Acre), Sferic (Space Afrika) entre autres. Si Londres est souvent pointée comme la capitale culturelle d’Angleterre, elle n’a qu’à bien se tenir, car Manchester semble attirer de plus en plus d’âmes créatives.
De Bleep & Bass à Pop électronique : le dance-floor n’est jamais bien loin
Avec Love Letters, Nine through Six, 96 Back se donne l’opportunité d’explorer d’autres pans de sa musicalité. Comme vous aurez pu le deviner, 96 Back s’est surtout fait connaître grâce à sa perpétuation de la musique de club à l’anglaise. Ce parcours n’est pas anodin étant donné que son père, Matt Swift, est un promoteur des soirées légendaires du Jive Turkey. Les promoteurs des soirées Jive Turkey à Sheffield avaient la réputation de mettre la main sur des artistes en devenir. Les sélections pour les line-up étaient éclectiques et innovantes.
Bien évidemment, Matt Swift s’est fait un réseau de professionnels de la musique dont a sûrement pu bénéficier 96 Back. Dans une interview donnée au média Hyponik, le producteur explique qu’il a eu un coup de main de Rob Gordon, co-fondateur de Warp Records, dans le mixage de ses précédents travaux. D’autres figures proéminentes telles que Skee Mask ou Special Request le prendront sous leurs ailes. Malgré tout, 96 Back ne voit pas ces collaborations comme une validation de son travail, mais surtout une source de motivation pour toujours aller plus loin dans son expérimentation.
L’expérimentation de 96 Back, dans ce projet, c’est de se présenter sous un nouveau jour. Les trois projets de la trilogie de 2021 sont plus pop que bleep. Tantôt s’inspirant d’une internet dance music sur « Felzin » ou d’une hyperpop revisitée sur « I don’t want to play tonight » avec Tryphème, 96 Back ne recule devant rien. Toujours dans la même interview avec Hyponik, il exprimait son envie de se renouveler au-delà de la bleep. La bass fera toujours partie intégrale de son travail aux vues de son parcours personnel et les sons qui l’ont accompagné dans sa jeunesse. C’est pour cela que cet album y fait également référence subtilement dans des titres comme « Don’t Die ». Ce track est plus enjoué et imbibe le club d’une euphorie positive.
Cet album est moins sombre que ses précédents et nous présente un producteur éblouissant de sincérité. On y ressent une envie de se redécouvrir, et de faire les choses selon ses impératifs. C’est aussi la première fois qu’il sample sa voix pour nous permettre de nous rapprocher un tout petit peu plus de lui. Au final, on a l’impression que 96 Back nous livre sa vision de la nuit : un espace façonnant des périples sentimentaux. On alterne entre errances mélancoliques, l’euphorie des rythmiques, la vulnérabilité d’une première rencontre, et l’envie de s’imposer. Love Letters, Nine through Six, c’est l’intensité des multiples émotions de nos premières soirées sous les stroboscopes.
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Image d’en-tête : Louis Reynolds.