Invitée par Romeo Elvis lui-même à jouer à Dour, sur la scène dont il était le curateur, Ana Diaz a ouvert la 31ème édition du festival. Voguant entre le R&B et le jazz, cette nouvelle voix venue de Belgique commence à faire du bruit. À la sortie de son concert, nous la retrouvons encore la tête dans les étoiles.
Manifesto XXI – Tu as sorti quatre premiers morceaux en 2019. Aujourd’hui, tu joues à Dour. Le parcours accompli en six mois est « Homèrien ». Arrives-tu à être consciente de tout cela malgré cette vitesse?
Ana Diaz : Les choses se font quand elles doivent se faire. Ça fait longtemps que je chante donc pour moi, tout n’est pas arrivé « d’un coup ». Il y a un an j’ai commencé mes premiers concerts avec mes propres morceaux. Avant ça, je chantais dans des groupes de Jazz. Donc on peut dire que tout cela a été vite mais j’ai toujours chanté, donc pour moi ça me paraît normal en fait.
En tant qu’artiste belge, ouvrir le festival de Dour doit signifier énormément pour toi, non?
C’est mon festival préféré en tant que festivalière déjà. Je l’ai fait huit fois. Et c’est un rêve pour moi d’y jouer après toutes ces années d’admiration. J’en reviens toujours pas pour être honnête.
« Je critique plein de choses que j’incarne moi même. »
Ana Diaz
Tu avais sorti un morceau sous le pseudonyme d’Ana l’année dernière (« FE-MALE » en featuring avec Salomé). Pourquoi ce changement de nom d’Ana à Ana Diaz?
C’est pas forcément un changement de nom d’artiste. D’ailleurs Salomé n’est pas son nom d’artiste également puisque c’est Blu Samu. Ce morceau, on l’a fait par hasard. Un jour où on était toutes les deux à la maison car on vivait ensemble. On avait une production qui n’était ni destinée à son projet, ni au mien, et on a posé dessus. On ne s’attendait pas du tout à le clipper, ni à le sortir. Comme le morceau ne s’inscrivait dans aucun de nos univers, on a décidé tout simplement de le sortir avec nos vrais prénoms. C’est un morceau de potes en fait. Mêmes les filles qui ont réalisé le clip sont des potes de Salomé. Un morceau fait que par des filles, clippé que par des filles, c’est pour cela qu’on a appelé le morceau « FE-MALE ».
Ton nouveau projet Rec01 est rempli d’énergie ou tu mêles House et RnB contrairement à tes précédents morceaux beaucoup plus soul. Tu y montres les deux phases d’une rupture amoureuse. Cette histoire est basée sur une relation que tu as vécue personnellement?
Je ne le vois pas comme les deux phases d’une rupture, mais plutôt comme une vision générale. Pour moi, la première parle plus du phénomène de « stalking » sur les réseaux sociaux, que l’on connait pas forcément. Et le second morceau « Raf » parle de l’oubli de certaines valeurs que l’on avait avant, et mon avis sur ce sujet. Ce n’était pas prévu de sortir uniquement que deux titres sur ce projet. L’oeuvre finale qui va s’appeler Rec et Rec01 ne représente que les deux premiers morceaux. Le Rec02 sort cet été, et Rec reprendra les morceaux des deux premiers volets plus trois autres morceaux supplémentaires.
« J’écris juste ce que je pense tous les jours. Des choses que j’aimerais dire à mes neveux, mes petits cousins, à des potes,… Je m’adresse à mon entourage. »
Ana Diaz
Tu dis d’ailleurs “On s’en fout on est tous sur Internet […] Je crois qu’on se laisse faire par la peur. Je crois que ma grand mère a plus de gueule” dans le morceau « Raf ». Pour toi la création et la promotion musicale peuvent-elles fonctionner sans ces nouveaux médias?
Je ne pense pas, non. Mais je l’accepte parfaitement. Je critique plein de choses que j’incarne moi même. Mais il faut en avoir conscience et prendre de la distance sur ces nouveaux outils. Pour l’utilisation qu’en font certains adolescents, ces réseaux peuvent être dangereux. Je souligne juste ça.
En fait Rec01, c’est le projet éducatif d’Ana Diaz?
A. DJe sais pas [rires]. J’écris juste ce que je pense tous les jours. Des choses que j’aimerais dire à mes neveux, mes petits cousins, à des potes,… Je m’adresse à mon entourage.
Depuis quelques années, la scène belge explose même à travers les frontières. Te sens-tu appartenir à cette scène?
A. D. : Je pense que c’est surtout le rap belge qui a été médiatisé ces dernières années. Il y a aussi Angèle et Claire Laffut bien évidemment. La musique que je propose est peut être teintée de tous ces univers, mais je pense offrir quelque chose de différent. Je n’ai pas envie qu’on me catalogue comme une artiste « rap » ou « jazz ». J’essaie néanmoins d’instaurer une cohérence à travers toutes mes inspirations.
Tu es au courant qu’il y a une chanteuse pop suédoise qui a le même nom que toi. Tu ne tenterais pas le featuring un peu méta?
Je ne sais pas si elle sait que j’existe. En tout cas, moi je sais qu’elle existe. Et je pense qu’il y a dû avoir des trucs chiants de son côté, car j’ai déjà eu des morceaux qui sont sortis sur sa page d’artiste. Je sais aussi qu’on ne fait pas du tout le même style de musique. Mais j’aimerais bien la rencontrer, avec plaisir.