Worakls porte son rêve de techno mélodique orchestrale sur scène

Rencontre avec le producteur Worakls du label Hungry Music à l’occasion de la sortie de son nouvel album ‘Orchestra’ qui s’accompagne d’un live inédit.

Co-fondateur du rayonnant label Hungry Music aux côtés de N’to et Joachim Pastor, Worakls, du haut de ses trente ans, a su dessiner une trajectoire musicale qui force l’admiration. Des morceaux à plusieurs millions d’écoutes, de grands festivals internationaux à son actif (Tomorrowland, Les Vieilles Charrues…) ; on peut dire que ce passionné de musique de film et travailleur acharné est parvenu à faire de son univers techno mélodique de niche un produit culturel grand public.

Le 15 février dernier, Worakls a présenté pour son troisième Olympia l’aboutissement d’un rêve qui l’habite depuis longtemps : un live de techno mélodique accompagné d’un orchestre, spectacle qui voit le jour parallèlement à son premier album, Orchestra. On a eu le plaisir de le rencontrer quelques temps avant l’inauguration scénique de ce nouveau chapitre artistique ambitieux, qui participe à bâtir de nouveaux ponts entre deux sphères musicales encore bien distinctes.

L’album Orchestra s’accompagne d’une tournée du même nom dans les plus prestigieuses salles d’Europe, où Worakls sera accompagné par l’Orchestre de la Philharmonie Provence Méditerranée, composé de vingt musiciens.

« Mélanger deux mondes, les émotions du classique avec la liberté et l’énergie de l’électronique. »

Worakls

Manifesto XXI : Tu as sorti une multitude d’EPs, mais ça faisait un moment que le public attendait un projet plus conséquent de ta part.

Worakls : Du moins en tout cas ça faisait longtemps que j’en parlais, qu’on me demandait des nouvelles de ce projet, mais c’est vrai que je me faisais souvent rattraper par d’autres engagements qui me tenaient à cœur également, j’étais obligé de prioriser… mais c’est bon on y est !

C’est un véritable sentiment d’accomplissement après un long chemin j’imagine ?

Je pense que j’aurai ce sentiment après avoir fait une ou deux dates, pour l’instant je suis encore dans le jus de la préparation, mais c’est cool, je commence à voir la fin, et j’ai vraiment hâte d’être sur scène.

Ce concept de musique électronique enrichie d’une vision orchestrale, ça remonte à quand ?

Je pense que je l’ai toujours eu un peu en tête, j’avais fait un premier concert de ce type à Marseille il y a quelques années, ça s’était plutôt bien passé, les gens nous avaient fait un bon accueil, mais ensuite je me suis rendu compte qu’avec ma notoriété de l’époque ça allait être très difficile de tourner dans cette formation, donc j’avais créé une version plus portable, le band, avec juste des cordes. Et là je reviens à la version de base avec la grosse armada, on commence par l’Olympia et on va voir ce que ça va raconter, mais je pense que ça va être cool !

Tu as composé l’album en le pensant pour le live ?

En grosse partie oui. Mon idée principale tournait surtout autour de l’orchestre et du fait de l’amener sur scène. Pour moi la tournée est aussi importante que les morceaux qui vont sortir, c’est plus un projet de vision globale.

Comment s’est déroulée la composition, qu’est-ce qui a été enregistré, programmé ?

J’ai essayé d’enregistrer l’orchestre mais l’organisation a fait que le résultat n’était pas optimal, donc sur l’album est un mélange d’organique et de programmation. J’ai enregistré le piano, et des solos d’alto, de violoncelle… ce qui s’entend en premier plan. Le reste est synthétique. 

Et ensuite tu vas répéter avec l’orchestre à partir de ce qui est déjà composé / enregistré ?

Les répets seront début février, là je viens de finir le live, mon violoncelliste m’aide à écrire les partitions, on doit encore affiner, mais l’essentiel est là, et on va tout envoyer aux musiciens pour qu’ils commencent à s’entraîner de leur côté.

Donc à l’heure actuelle tu n’as pas encore entendu le rendu live ?

Non ! Mais j’ai mon idée, je les emmènerai vers ce que je veux, je n’ai pas de doute là-dessus.

Toi, qu’est-ce que tu joueras sur scène ?

Je jouerais surtout du piano et du clavier midi.

Mélanger les univers électronique et classique, ça ne se fait pas tant que ça ; que penses-tu du rapport qui existe actuellement entre ces deux sphères ?

J’ai l’impression que ces deux milieux ne communiquent pas du tout entre eux pour l’instant, mais qu’il existe certaines passerelles. Beaucoup d’élèves de conservatoires s’intéressent à d’autres musiques, comme la pop, le rap, l’électronique… Mais une fois en place professionnellement ces musiciens restent souvent très classiques. Ceci-dit je dis ça mais certains font aussi des tournées pour la pop.

La passerelle entre musique classique et
électronique pour moi
c’est la musique de film.

De plus en plus de gens écoutent de la musique de film je pense, à commencer par moi. J’ai dérivé doucement et je n’écoute quasiment plus que ça aujourd’hui.

Mais je trouve en effet que les relations entre ces deux sphères sont limitées, et j’ai vraiment envie de servir de lien. Personnellement j’aime les deux, je ne trouve pas que ce soit incompatible, ce n’est pas une façon de rendre la musique électronique bobo ou de populariser la musique classique, c’est juste qu’à mon avis le mélange des deux se fait très bien.

Il y a des forces et des faiblesses très complémentaires dans les deux styles. J’aspire à allier l’énergie de la musique électronique et l’émotion de la musique classique.

Le problème c’est toujours de savoir où mettre le curseur, ça plaira forcément plus à un public ou à l’autre, mais il faut faire des choix !

Issu d’une famille de musiciens, Worakls commence son apprentissage musical par le piano dès l’âge de 3 ans.

Qu’est-ce que tu penses de l’enseignement musical classique aujourd’hui, est-ce que tu ne le trouves pas daté ?

Je pense qu’il est un peu obsolète effectivement, mais d’un autre côté, si tu veux enseigner la musique classique tu es quasiment obligé de le faire comme ça. Je pense que ça s’ouvre quand même de plus en plus aux musiques actuelles, mais ce n’est pas leur cœur d’activité.

Moi-même j’ai voulu faire l’expérience et donné des cours de composition pendant un an au conservatoire. C’était la folie pour les enfants parce qu’ils me disaient s’exprimer pour la première fois.

Je pense que c’est ce manque d’expression dans l’enseignement classique qui peut en rebuter certains, le fait de te cantonner dans un style musical, dans l’interprétation uniquement… parce que c’est avant tout ça la musique, l’expression.

Moi j’ai eu un parcours au conservatoire qui n’a pas été très long, surtout beaucoup de cours particuliers, mais je pense que ça m’aurait rebuté.

Donc certes il faudrait refondre le système, mais que veulent les conservatoires ? Eux veulent qu’après ta formation tu rejoignes un orchestre… Si tes aspirations sont différentes, dans ce cas peut-être vaut-il mieux se diriger vers autre chose.

Qu’est-ce que tu conseillerais à un jeune qui veut se lancer dans la musique électronique après le bac ?

Je ne saurais pas quoi conseiller comme école car j’ai tout appris en autodidacte, mais comme pour tout il faut se renseigner, il doit y avoir des écoles très bien comme très mauvaises. Personnellement j’ai tout plaqué après le bac, par contre j’ai bossé quinze heures par jour pendant trois ans sans sortir de chez moi, donc derrière forcément t’as des résultats, qui varient après selon tes capacités de base, ta progression… mais avant tout c’est le travail. Même si tu prends des cours, celui qui en sortira vainqueur c’est celui qui bossera le plus chez lui.

Aujourd’hui on est quand même dans une ère où tout est accessible, dont il faut y aller, se lancer, persévérer, se faire confiance et se donner vraiment les moyens. Dans mes connaissances je vois surtout des travailleurs acharnés, et même dans les travailleurs acharnés, il n’y en a qu’une poignée qui percent.

A l’échelle de ta carrière qu’est-ce qui t’a semblé le plus difficile ?

Pas grand-chose je dirais, pour la simple et bonne raison que j’ai décidé assez tôt de m’affranchir de tout ce qui est label en montant le mien avec N’to et Joachim Pastor, et on a eu la chance d’avoir rapidement un public très fidèle et investi, et donc de remplir des salles, ce qui épargne beaucoup de difficultés.

Après ça fait six mois que j’ai pas pris un jour de repos, certes il y a des choses difficiles comme dans tous les métiers, mais je n’ai pas envie de me plaindre, je suis passionné et je m’estime chanceux de pouvoir faire ce métier.

Ces carrières sont souvent idéalisées, contre quoi tu pourrais mettre en garde des jeunes qui aspirent à cette trajectoire ?

Personnellement là j’ai 30 ans, je prépare mon troisième Olympia, c’est clairement énormément de boulot. Je n’ai pas pris de vraies vacances depuis peut-être dix ans. Ce sont des sacrifices. Au même titre que pourrait les faire un footballeur ou un sportif de haut niveau.

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Pour autant je dis ça mais tout le monde ne fonctionne pas comme moi. Moi je suis un travailleur acharné, et du coup je me permets de lancer des nouveaux projets régulièrement pour repousser mes limites. Mais je mets en garde là-dessus, il faut être prêt à ça, prioriser le travail sur le reste. Quand on a la chance de pouvoir faire ça, le boulot passe avant tout, il faut rendre grâce à cette chance qui nous est donnée, et la moindre des choses c’est de donner le meilleur de soi en remerciement.

Est-ce que tu as des activités à côté qui te permettent de décompresser ?

Oui je joue au foot avec mes potes, ça me maintient en vie, clairement, parce que travailler 7/7 jours, enchaîner dates, studio, avions, trains… c’est un rythme de vie compliqué, et le sport c’est une des choses qu’il faut faire pour se sentir bien physiquement, et ça aide aussi pour le sommeil, car mine de rien ce n’est pas évident dans ce milieu.

Pourquoi tu penses que les choses ont pris immédiatement quand vous êtes arrivés avec cette proposition artistique avec Hungry Music ?

Je pense qu’il y avait un créneau à prendre, parce que c’était une musique qui n’était pas beaucoup proposée, et beaucoup de compositeurs initiaux de cette musique partaient vers quelque chose de plus dark, plus techno.

C’est ce que nous on avait envie d’entendre à ce moment-là, et certainement qu’on n’était pas les seuls à avoir cette attente, donc le public s’est rallié. On est dans une niche, difficile dans ce style de passer à côté de nous probablement.

Next step après le live orchestral : la musique d’un blockbuster ?

J’aimerais bien ! J’ai eu quelques petites expériences en ce sens, mais je rentre par la petite porte, parce que je viens plutôt d’une autre sphère et je comprends que les réalisateurs se tournent prioritairement vers des gens qui sont déjà dans le milieu, donc il faut y aller humblement, mais je me sens prêt pour, je relèverais le défi avec plaisir.

Je pense que tout vient à point à qui sait attendre, les choses se font assez naturellement dans la vie, quand tu fais bien ton travail – je ne sais pas si c’est mon cas mais j’ai l’impression, consciencieusement et que les gens suivent, le train ne passe pas qu’une fois, et quand il passe il faut savoir monter dedans.

Le morceau que tu recommandes à quelqu’un qui ne connait pas encore ton univers ?

C’est délicat parce que j’ai travaillé dans beaucoup de styles différents, j’ai commencé par la techno minimale, je suis passé par de la techno minimale mélodique, aujourd’hui je suis dans quelque chose de très orchestral…

Si c’est une personne qui écoute de la musique mainstream, plutôt ‘Porto’, qui à la base n’était pas du tout partie pour être mainstream, mélange de fado, un style musical portuguais, et de musique électronique, mais qui par la suite s’est révélé être un titre plus accessible au grand public.

Pour quelqu’un qui aime le côté orchestral, plutôt ‘Sanctis’.

Et enfin pour ceux qui préfèrent mon côté électronique, le remix que j’ai fait pour N’to de son morceau ‘Trauma’.

Qu’est-ce qu’on trouve dans tes écouteurs en ce moment ?

Un mec que pas grand monde ne connait, Danheim, qui fait de la musique viking très percussive, c’est très inspirant !

Tu suis beaucoup la scène émergente ?

Ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas c’est plus que je manque de temps… Le problème c’est que je bosse tellement qu’à la fin de la journée j’ai envie d’autre chose que d’écouter de la musique… En général je me télécharge un album, puis je l’écoute dans la voiture en allant au foot ou en prenant l’avion, ça limite quand même pas mal les plages horaires, mais j’apprécie toujours de découvrir des choses ! 

Quelques mots pour défendre ton nouveau live orchestral ?

J’ai mis tout mon cœur dans cet album et dans ce live pour pouvoir proposer une expérience unique, donc j’espère que ce sera le cas, et je vous invite à venir vous faire votre propre opinion !

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