Le premier EP de Lauren Auder, Who Carry’s You est sorti cette année. Il est très jeune, il a vingt ans. On connait ses visuels, très purs, habits blancs, vernis rouge et longs cheveux. Il est pareil en vrai. Ses sons le sont aussi, purs. Né dans les environs de Londres, il a grandi dans notre cher Sud-Ouest. Il joue du piano, en accord avec sa sensibilité pour le classique. Mais l’étiquette « pop baroque » ne suffit pas pour décrire sa musique. Il manquerait le côté électronique, le côté plus rock, et les étiquettes ne nous disent jamais non plus de toute façon ce que la musique peut nous faire ressentir. Celle de Lauren Auder est angélique, candide et soignée. C’est émouvant. Et le public du Pitchfork est resté pendu à ses lèvres, silencieux et rêveur jusqu’à ce qu’on le réveille.
Manifesto XXI l’a rencontré juste avant son live au Café de la Danse dans le cadre des soirées « Avant-garde » du Pitchfork festival.
Manifesto XXI – On lit dans ta biographie Spotify : « He developed his sound in bedroom studios across provincial France and in London, adopting the ethos of classic era baroque pop to fuse elements of post-rock with modern classical, ambient and experimental electronics, often incorporating layered harmonies, strings, and horns to achieve a rich, orchestral sound. » La question n’est pas de chercher à catégoriser ta musique, mais plus de savoir si tu as vraiment été influencé par tous ces genres. Quelles sont tes inspirations ? Londres et le Sud-Ouest n’ont pas les mêmes références à offrir…
C’est sûr, mais maintenant je suis installé à Londres : je travaille là-bas, je vis là-bas, ma vie est là-bas. C’est le pèlerinage, le retour à la terre mère. Ma grande inspiration, c’est Scott Walker. Mais oui, c’est vrai que j’essaye de puiser dans tout ce que j’écoute, et j’écoute autant du rap que du classique. Je décrirais ma musique comme de la pop expérimentale avec des influences classiques.
Tu nous parle un peu de ton processus de création ?
J’écris les paroles mais je ne compose pas seul, je suis plus production. Je travaille avec Dviance, qui joue aussi sur scène avec moi, aux machines.
Qu’est ce que vous allez nous offrir ce soir au Pitchfork ?
Je vais jouer les titres de l’EP et des choses inédites, des choses que je ne joue qu’en live !
Des projets en cours ? La tournée continue ?
Ça fait deux mois que je tourne, c’est le dernier soir aujourd’hui. Mais je travaille sur un EP qui devrait sortir au début de l’année prochaine.
Tu n’écris pas du tout en français ?
Le français n’est pas ma langue maternelle, ce qui joue. Les deux langues ont des usages très différents, et je pense qu’il faut être beaucoup plus précis avec le français.
La chanson « The Baptist« ouvre ton EP. Qu’est-ce qu’elle raconte ?
C’est le premier single de l’EP. Avec « The Baptist », j’ai voulu faire une ballade au piano en valse. Et puis je l’ai fait. C’est une chanson qui rend compte du sentiment de déception en autrui, de ce sentiment de solitude qu’on peut ressentir à la fin des amours adolescentes. Je pense qu’avec le temps, je serai moins virulent dans mes propos. Je saurai qu’il peut y avoir plusieurs côtés aux choses. Avec le recul, je me rends compte que c’est facile de blâmer les autres pour une déception, surtout pour une déception amoureuse. Même si c’est quelque chose de très adolescent, je pense qu’il y a une certaine beauté dans cette chanson, parce que c’est un titre assez pur, et qui reflète très bien ce sentiment.
Toutes les chansons racontent des histoires à toi ?
Oui, mais sublimées à travers un prisme poétique.
La chanson « These Broken Limbs Again Into One Body » est probablement ma préférée. Qu’est-ce qu’elle représente pour toi ?
Je pense que c’est ma préférée aussi, je suis content d’avoir clos le truc avec ça. Je pense que c’est ce morceau qui donne la vision la plus globale de la thèse que porte cet album, de ce que j’essayais de faire sur ce projet. Sur cette chanson, j’arrive à peu près à dire ce que j’avais l’intention de faire : trouver la paix intérieure sans le besoin d’autrui, juste en soi, sans être un couple par exemple.
L’EP présente ça en différentes étapes ?
Oui, de deuil, de tristesse et de joie.
Et de convalescence à la fin ?
Oui : l’acceptation qu’on ne peut pas attendre que quelqu’un d’autre nous complète.
L’EP a aidé à conclure la thèse ?
Je pense ! On verra dans les années à suivre…