Pour sa 3ème édition, le NDK Festival investit 5 lieux du 18 au 26 octobre à Caen, faisant la part belle aux nouveaux courants des musiques électroniques et clubbing. On a intercepté l’artiste LAZE avant son set ce samedi soir. Elle nous raconte comment elle s’est construit sa place sur la scène techno marseillaise, et au-delà.
De son vrai nom Lisa Ferrari, la Marseillaise LAZE n’a pas peur de la vitesse. Tombée dans la musique électronique depuis toute jeune, elle s’est créé un univers « multivibe extravangaza » dans lequel elle fait entrer en collision hard dance, speed bass, trance, avec des sonorités break ou drum’n bass. La dj, également productrice, a sorti l’an dernier son premier EP Lost Treasures sur Raise Records. Un disque qu’on avait déjà salué dans nos pages pour ses subtiles compositions autant oniriques qu’énergiques, qui nous laisse à penser que LAZE est la parfaite partenaire de rave. Ses longs morceaux à la progression jamais linéaire nous emmènent dans un voyage entre gros kicks et mélodies aériennes, pour nous déposer en sueur à l’aube des afters face à la mer.
Après avoir fait ses armes au sein du collectif Caisson Gauche dont elle est membre, signée chez Raise Records, elle a publié des tracks sur plusieurs labels locaux et nationaux : Southfrap Alliance, Du Cœur Records, Explity, ou encore ses chouchous de Matière Production. À la veille de son set au NDK Festival ce samedi 21 octobre à Caen aux côtés notamment de la Bretonne Célélé (grande adepte de musiques qui vont vite, elle aussi), elle nous raconte ses inspirations et son parcours d’artiste marseillaise sur la scène techno actuelle.
J’essaie de lier les émotions réparatrices des paysages fantastiques de jeux vidéo dans ma musique.
LAZE
Manifesto XXI – Ton univers musical est orienté teuf, high speed energy et gros kicks. Comment es-tu tombée dans la rave ?
LAZE : J’ai découvert la musique électronique assez jeune, de manière assez solitaire. Quand je suis arrivée au lycée, j’ai pu vivre en live et partager la musique avec d’autres personnes. Aux alentours de Marseille, il y a beaucoup de free parties et j’ai donc commencé à sortir avec une communauté d’habitué·es et mes ami·x. Par la suite, à force d’écouter de plus en plus de musique, de faire des playlists pour mes potes et tous les moments qu’on passait ensemble, l’envie de mixer s’est imposée. La production est venue un peu plus tard, avec une envie d’en apprendre plus sur la musique, dont la composition m’avait toujours intriguée.
Tes morceaux sont souvent assez longs, autour de cinq minutes, ça semble témoigner de cet ancrage dans une vibe de rave, avec des dj sets où les lignes de basses se prolongent à l’infini d’un morceau à l’autre. Est-ce que ta pratique de mix a influencé ta production ?
J’ai déjà beaucoup réduit la longueur de mes morceaux ; le premier que j’ai sorti, c’était sur le label Matière et il faisait plus de 8 minutes ! Je pense que je ne suis vraiment pas dans cette quête de la basse infinie mais au contraire de marquer des temps différents et de séparer les multiples idées que je peux essayer d’intégrer en un seul morceau, et il me faut à peu près toujours ces cinq minutes pour arriver à dire tout ça !
Ton premier EP Lost Treasures trouve des inspirations dans les jeux vidéo et les univers numériques. Est-ce que c’est une façon pour toi d’échapper au réel ?
Cet EP, c’était un hommage à un jeu vidéo qui m’a particulièrement marquée et aidée dans ma jeunesse, et plus précisément pendant la période collège, qui s’appelait Aion. En effet, ce jeu a été super important pour moi puisqu’il a été une sorte de refuge, comme une seconde réalité. La liberté que je pouvais ressentir était vraiment libératrice et les paysages fantastiques ainsi que les musiques des jeux m’ont fait ressentir beaucoup d’émotions réparatrices. Le fait que ce soit souvent des MMORPG en ligne m’a montré une sociabilité nouvelle et virtuelle dans des espaces très spéciaux, et j’ai la chance d’avoir rencontré une communauté très bienveillante durant ces expériences. J’essaie beaucoup de lier ces émotions positives que j’ai pu ressentir dans les jeux dans ma musique et surtout dans mes compositions.
Les milieux de la techno sont souvent très masculins, même si ça change doucement. Comment t’y es-tu fait ta place toi ?
J’ai eu la chance d’être portée par un projet dont je faisais partie, Caisson Gauche Records. Malheureusement le milieu de la musique électronique est en effet encore très masculin, et Caisson Gauche, un collectif pourtant composé majoritairement d’hommes, m’a cependant beaucoup mise en avant et portée sur la scène marseillaise, dans laquelle ils étaient déjà très implantés. Grâce à ce partage d’expériences, j’ai eu accès à beaucoup d’opportunités, d’abord sur la scène locale et ensuite française, afin de représenter une autre facette du collectif, et j’en suis très fière.
Ce beau début d’histoire ne supprime évidemment pas les barrières que l’on rencontre dans ce milieu en tant que femme et les comportements sexistes de certains hommes de la scène. Mais j’ai espoir dans la force des collaborations, des initiatives envers les minorités, et dans une prise de conscience collective de la part des hommes qui dominent encore les milieux festifs.
Qui sont les autres dj, producteur·ices qui t’inspirent ?
Majoritairement des femmes, comme Anetha, Miss Jay, Ninajirachi, TDJ, Zorza, Caiva, TTristana, VTSS.
Marseille est en train de popper à plein d’égards, artistiquement et musicalement on s’y intéresse plus que jamais. Comment tu vois évoluer ces dynamiques ? Est-ce que ça a été une scène porteuse pour toi, pour débuter et te développer ?
Marseille, c’est la scène qui m’a vue grandir et j’y suis très attachée. J’aime tellement jouer ici ! Le push qu’il y a autour de ma ville en ce moment me donne espoir en l’installation d’une scène musicale et culturelle plus stable et plus pérenne. Après beaucoup d’années pour les artistes marseillais·es à être caché·es et inaccessibles, je sens qu’il est enfin temps d’y accorder un peu de lumière car souvent les Marseillais·es sont resté·es dans l’ombre de ce qu’il pouvait se passer dans la capitale. Le souci reste pour moi un grand manque d’infrastructures pour accueillir cette vague culturelle émergente, mais j’espère que cette émulsion fera bouger les choses !
C’est quoi la suite pour toi ?
Un EP en janvier sur le label de G.ear, Matière, avec qui je travaille beaucoup, et j’ai hâte de sortir ça ! Beaucoup de collaborations artistiques comme avec la graphiste Roxi Basa, avec qui on développe un univers visuel riche autour de l’EP.
Tu vas enchaîner une date à Berlin le 20 octobre, puis le NDK le 21. Comment tu vas faire pour garder la pêche ?
Essayer de bien dormir et boire beaucoup de Club Mate !
Une chose qui te donne trop hâte d’être à NDK ?
Le reste du line up qui est incroyable, et découvrir le public de Caen <3
Pour la voir ce samedi au NDK Festival à Caen, toutes les infos sont à retrouver ici !
Écouter la playlist du festival par là :
Relecture : Caroline Fauvel