Lecture en cours
Là où les putains n’existent pas, la contre-enquête glaçante d’Ovidie sur le système suédois

Là où les putains n’existent pas, la contre-enquête glaçante d’Ovidie sur le système suédois

ovidie_putains_suède
Pour son quatrième film documentaire Ovidie s’empare d’un féminicide devenu symbole de la lutte pour les droits des travailleur·ses du sexe en Suède. Son récit montre avec brio les limites du modèle abolitionniste.

Il était impossible de ne pas l’aimer. Et pourtant, le 11 juillet 2013, Eva-Marree est assassinée par le père de ses deux enfants de trente-deux coups de couteau, dans les bureaux des services sociaux suédois. Sous les yeux de son fils qu’elle n’avait pas vu depuis trois ans. Parce qu’elle s’était prostituée trois semaines dans sa vie, et ne s’était jamais auto-flagellée pour avoir fait du travail du sexe. Ce qui était un fait divers au moment du drame en Suède, se révèle être en fait le sinistre revers de la médaille d’un modèle prohibitionniste et moralisateur. Ovidie déroule avec subtilité les rouages d’une histoire qui ne pouvait que mal se finir, la jeune femme ayant été assignée à son rôle d’ex-prostituée et vouée à l’opprobre pour les services sociaux, et donc la société suédoise. Le récit est dense et terriblement émouvant. On rencontre tous les protagonistes exceptés les plus importants : le meurtrier, les enfants et les services sociaux.

L’image est très belle, froide, glacée, maîtrisée. En regardant ce documentaire on peut éprouver les mêmes sentiments qu’à la découverte de l’univers de la saga Millenium du Suédois Stieg Larsson, et en particulier le tome 1 : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes. L’incrédulité est complète quand on découvre le visage violent de ce que les abolitionnistes nous vendent souvent comme le meilleur des mondes. On ne peut qu’être en empathie avec ces personnages marginaux qui ne rentrent pas dans le moule, au point d’en mourir.

Là où les putains n’existent pas est disponible sur Arte jusqu’au 6 mai 2023
Article mis à jour le 17 décembre 2022

© 2022 Manifesto XXI. Tous droits réservés.