Génération·s : quelle révolution ?

Les militants de A la table du café-débat de Matthieu, militant rennais de Camille, militante et fondatrice du comité rennais de Génération.s au porte à porte dans les cité U rennaise

Le 1er juillet 2017, Benoît Hamon claque la porte du PS et fonde par la même occasion un mouvement politique provisoirement nommé le M1717, Mouvement du 1er juillet. Convergence et démocratie participative obligent, des comités locaux se créent un peu partout en France pour organiser ce mouvement. Le 2 décembre, c’est la naissance officielle de « Génération·s ». Loin de générer de folles passions, il parvient à unir des déçus du PS, des nouveaux en politique… A Rennes, terre de gauche, étudiante et syndiquée, ce sont quelques soixante personnes qui ont rejoint le comité Génération.s dont une quinzaine au sein du comité jeunes.

Logo de Génération·s

Toc. Toc. Toc. « On est le mouvement Génération·s », s’ensuit un regard interloqué d’une jeune femme en claquette qui a bien voulu ouvrir sa porte, « le mouvement de Benoît Hamon » explique Matthieu, « Ah oui ! » répond l’étudiante en 1ère année de psychologie. Pas facile pour un mouvement si jeune d’être connu de tous. Alors, au porte-à-porte contre la sélection à la Fac se mêlent un peu de pédagogie et d’informations. On explique la réforme mais aussi le mouvement, ton calme et apaisé. Matthieu ne se fait pas d’illusions mais il espère que quelques-uns se joindront au café-débat organisé la semaine suivante.

Avec lui, trois autres « camarades » l’accompagnent dans la mission cité-U. Leur profil est semblable, ils ont soutenu Benoit Hamon pendant sa compagne et ont, naturellement, suivi leur candidat dans la création de Génération·s. Matthieu, à l’origine du RDV, est un étudiant ingénieur, ses cheveux châtains tombent légèrement sur ses yeux bleus. Ce soir-là, il est venu « informer sur la sélection à l’entrée de l’université ».

A chaque nouvelle ouverture de porte, il faut se répéter : qu’est-ce que Génération·s ? Pourquoi la réforme va-t-elle renforcer les inégalités sociales ? Les camarades se divisent les couloirs et étages mal éclairés pour toucher un maximum de résidents. S’il est difficile pour le mouvement d’être connu, c’est aussi qu’il peine à se faire une place dans les médias. « Il est vu comme l’utopiste de service », déplore un militant. Un manque de considération qui diminue la visibilité du mouvement selon les générationistes.

Quai 13

Pour le café-débat, rendez-vous sur les quais de République. Le bar est chic et possède de grands espaces propices à la réunion. On y retrouve les mêmes visages que quelques jours plus tôt, enrichis d’autres militants de la première heure. Ils sont 16 en tout, dont deux nouvelles, fraîchement cueillies à la cité U. Tous sont étudiants à l’université : sciences politiques, droit, philosophie, lettres, sciences, enseignement, futur éducateur spécialisé. Quelques exceptions au modèle étudiant, deux psychologues et un lycéen. Pas d’uniforme imposé mais une certaine uniformité vestimentaire. Les militants se comprennent et se ressemblent. Le débat débute calmement, les tours de paroles et la parité sont respectés.

Le café débat de Génération·s au Quai 13
Le café débat de Génération·s au Quai 13

On y croise Camille, l’une des psychologues, elle a 23 ans, de longs cheveux bruns et de grands yeux assortis, elle ponctue chacune de ses déclarations d’un large sourire franc. Son premier engagement en politique a été motivé par l’envie de « participer à un mouvement en création » dans « un espace où trouver une place était peut-être moins intimidant ». Elle et son amie, Alice, ont lancé la page Facebook du comité rennais sans être recrutées par le mouvement. Finalement, « tout s’est fait assez naturellement » explique Camille « ça a un peu fait boule de neige, la page FB a juste mis en lien des gens qui étaient déjà motivés ».

Et les motivés argumentent, chacun leur tour, en faveur d’une France plus juste pour tous. C’est l’occasion pour les militants de pester contre la réforme et contre le gouvernement Macron. Ils en méprisent la politique, la place qui est faite aux populations les plus riches. Ils reprochent une volonté de créer une « startup nation » jusqu’au système éducatif avec la réforme de la sélection à l’entrée à l’université.

Pour eux, le discours sur la méritocratie et le travail de La République En Marche est une illusion et la nouvelle réforme du gouvernement ne servira qu’à creuser un peu plus les inégalités sociales. Un seul élément perturbateur vient rendre le débat plus intense, un jeune « En marche ! » est venu se mêler au débat. A chacune de ses interventions, les sourcils se froncent. Il défend le système de valeurs prôné par le gouvernement, les militants s’insurgent. Il défend l’Exécutif, les militants rient jaune. Il repartira toujours aussi convaincu par ses idées. Pour les autres, il a été agréable d’avoir un adversaire idéologique.

Entre les partis de gauche

Le PS, Matthieu y est passé avec le MJS (mouvement des jeunes socialistes), il a aussi soutenu Hamon en 2012 pour les législatives. Pour lui, Génération·s se différencie fortement et surtout sur le fonctionnement « Nous on est horizontal, il n’y a pas de chef ». Mais Génération·s est aussi un moyen de dire adieu aux querelles du PS, à « l’animosité historique » . « Il y a plein de gens du PS qui viennent chez nous avec un soupir de soulagement… », Matthieu tempère, « après il reste des choses très bien au PS, on ne peut pas remettre en cause l’historique du parti. »

Le faible score de Benoît Hamon à la Présidentielle ne les préoccupe pas plus que ça. Pour Matthieu, il ne représente pas l’adhésion des Français à l’homme et ses idées. Il se justifie assez simplement pour l’étudiant ingénieur : une campagne commencée trop tard et trop peu soutenue par le PS. « Ça ne m’inquiète pas, on n’y pense pas. On en parle pratiquement jamais. On ne pense pas plafonner à 6% ».

Même chose pour la France Insoumise, Camille a « l’impression qu’on est sur quelque chose de plus souple, avec moins de verticalité ». Sur les idées, Matthieu voit Mélenchon comme un homme de la « première gauche » avec « une position économique qui n’est pas neuve. Nous ce que propose Benoît Hamon avec sur le revenu universel implique énormément de choses ». Les deux militants voient aussi des divergences sur le projet européen mais Matthieu est conscient que leurs différences sont fines « ce n’est pas pour rien qu’il y a eu des rumeurs de candidature commune pendant des semaines. »

Voir Aussi

Camille, militante et fondatrice du comité rennais de Génération.s
Camille, militante et fondatrice du comité rennais de Génération.s

Ça veut dire quoi Génération·s  ?

A ceux qui militent au quotidien, le nom parle. Pour Matthieu, il fait référence « au fait qu’on est quatre générations à coexister, il a vocation à rassembler les gens issus de différents milieux sociologiques, culturels, de différentes zones urbaines. » Pour lui « c’est l’idée de se retrouver dans la diversité pour mener des luttes qui nous concernent tous ». Camille surenchérit « ce sont les valeurs humanistes, écologiques, féministes… »

Des générations rassemblées autour d’un même projet et des populations différentes également, c’est ce que veut mettre en avant le mouvement. Durant le café-débat, c’est un peu moins perceptible. Si certains cumulent les petits jobs pour payer leur étude, les profils des étudiants se confondent un peu. Pas de punks, pas d’aristos. Ils partagent tous les mêmes convictions et leur élocution parfaite ne laisse pas de doute quant à la qualité de leur éducation.

« Donner la voix aux sans voix » fait partie des objectifs les plus difficiles à atteindre pour le jeune mouvement, « mais tout ça prend du temps » rassure Matthieu. Pour Camille, il y a des personnes à qui il faut « donner la voix tout court », qui seraient moins accessibles donc. Certains comités se sont créés auprès du monde agricole, des associations s’intéressent et participent au mouvement. Pas sûr que frapper aux portes des cité U soit suffisant. Matthieu reste confiant, la stratégie se met en place peu à peu et pour lui « il est plus facile pour un nouveau mouvement de donner la voix aux sans voix », sans le poids de l’historique, « des élus et des apparatchik ».

Page Facebook des Génération.s

Après avoir bu une ou deux bières en débattant, on se donne RDV pour manifester contre la réforme. D’autres café-débats seront organisés. Un seul souhait pour les convaincus : que plus de nouveaux rejoignent leurs rangs.

Le comité espère recruter des nouveaux membres, pour le moment Génération·s Rennes, c’est soixante adhérents, toutes catégories d’âge confondus et quasiment aucun moyens financiers. Sans Benoît Hamon comme porte-drapeau, on a un peu de mal à imaginer le mouvement prospérer. Cela va bien au-delà pour Matthieu : « même si c’est la tête de gondole, pour moi c’est surtout le seul mouvement qui a une vision moderne et qui sorte d’une opposition stérile entre ceux qui se réclament d’une vieille gauche et le PS qui est devenu plutôt social-libéral aujourd’hui et plus du tout de transformation sociale ».

 

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