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FOUDRE ! nous invite à danser avec le chaos

FOUDRE ! nous invite à danser avec le chaos

Sorti le 15 Janvier 2021, le dernier album de FOUDRE !, Future Sabbath, enchante déjà la presse spécialisée. Ensorcellé·e·s par ces ondes instrumentales dansant entre chaotique et sérénité, nous avons voulu en savoir plus sur ce supergroupe composé de Frédéric D. Oberland, Romain Barbot, et Paul Régimbeau. On vous invite à découvrir les prémices de cette œuvre dans une interview octroyée à l’occasion de cette sortie.

Attention, ce qu’on vous propose ici est une concoction mystique d’électronique et d’instrumental. Âmes sensibles, aventurez-y vous ! Parce que comme nous l’explique Paul Régimbeau : « le chaos n’est pas bénéfique, il n’est pas maléfique, il est là. Il faut être concentré et ouvert, il faut reculer et avancer, il faut danser avec ! ». Comme son nom l’évoque, FOUDRE ! nous incite donc ici à inaugurer notre propre sabbath et laisser libre cours à nos émotions, aussi multiples soient-elles. Ne rejetez pas vos tréfonds incertains et exultez les. Enregistrés lors d’un live aux Instants Chavirés en 2019, les titres gardent leur force en caractère de textures et leur spontanéité collaborative. Entrez dans la danse et laissez-vous emporter : vous ne serez pas déçu·e·s !

Manifesto XXI : FOUDRE ! c’est un ensemble d’individus provenant de différents projets musicaux : Saåad, Oiseaux-Tempête, Mondkopf, The Rustle Of The Stars, Autrenoir, FareWell Poetry, Extreme Precautions, Le Réveil des Tropiques. Quelles sont les origines de ce groupe ?

Frédéric : Des sessions de jam décontractées entre Paris et Toulouse avec Romain et Grégory, en 2015. Puis Paul nous a rejoint dès notre deuxième disque, EARTH. Nos lives sont rares mais chaque fois très intenses, on en fait souvent des disques.

Paul : On aime aussi inviter d’autres personnes à jouer avec nous en live, sans vraiment de répétition derrière. Juste se laisser guider par la sensibilité de chacun.

Romain : Je me souviens avoir rencontré Frédéric grâce à nos goûts en commun pour la photographie via Stéphane Charpentier avec qui Oiseaux-Tempête travaillait à l’époque. C’est assez naturellement qu’on s’est mis à jammer ensemble lors de l’une de ses visites à Toulouse et que je l’ai présenté à Greg avec qui je jouais à l’époque dans Saåad. L’alchimie a fait le reste. Plus qu’un groupe, je vois FOUDRE! comme un collectif assez ouvert. Si aujourd’hui la formation s’est resserrée autour de nous trois, comme le dit Paul, on n’a jamais hésité à inviter des gens à se joindre à la fête.

teaser de Future Sabbath réalisé avec les dessins de Faye Formisano

Sur Soundcloud, vous vous proclamez proche du drone. J’y reconnais des nuances de noise également, mais votre approche reste singulière dans la scène française. Pensez-vous que la réception de genres dits plus « expérimentaux » reste assez niche en France, et pourquoi selon vous ?

Frédéric : Mystère? Effectivement, tout un tas de musique hyper bien sort quotidiennement, dans beaucoup de courants différents et barrés, et pourtant il y a toujours cette même flemme des diffuseurs / des annonceurs / des médias « traditionnels » à imaginer que des millions de gens puissent à travers le monde, écouter autre chose que les bouses que les majors essaient de promouvoir – alors qu’il n’y a même plus de pactole à se faire – à gogo… Mais en vrai ça va, on n’a jamais rêvé d’être Kanye West ou Jeff Bezos. On est chill dans la niche, notre public est cool.

Romain : Même si le drone influence beaucoup notre musique et peut nous servir de point de départ, FOUDRE! est bien plus fluide musicalement… c’est sûrement le projet où l’on brasse un peu toutes nos influences, où l’on se permet de sortir de nos cadres habituels, encore plus sur nos derniers lives…  Pour le reste je trouve que l’expérimental au sens large du terme n’a jamais été aussi présent… dans les séries, le cinéma, les jeux vidéo… mais cela reste une musique souvent exigeante, qui demande de l’attention, pas super (voir anti) festive… dans un monde du divertissement et de l’immédiateté c’est normal que cela reste une musique niche, mais je ne pense pas que ce soit particulier à la France.

Future Sabbath est un enregistrement d’un live fait aux Instants Chavirés à Montreuil en 2019. Le live semble très important dans vos projets respectifs. Quelle est votre opinion sur le sound-art, ou la multidisciplinarité dans la musique ?

Frédéric : Je crois qu’avec FOUDRE! c’est vraiment de l’ordre de l’évidence. Tous nos disques pour l’instant sont issus de concerts, de performances, de rituels presque. Il y a souvent un côté assez physique dans ce que l’on joue alors que beaucoup des instruments que l’on utilise sont des « machines ». Et puis une corrélation avec des artistes contemporain·e·s à qui l’on demande d’illustrer ou desquel·le·s l’on s’inspire pour nos pochettes : Faye Formisano, Fanny Béguély, Ho Tzu Nyen, Damien MacDonald

Paul : Le live c’est aussi le nouveau « studio d’enregistrement ». Comme les labels ne produisent plus l’enregistrement de disques et bien il faut peut-être profiter des lives pour enregistrer la musique. Mais cela nous convient ! Il y a une énergie et une sorte de tension positive qui parfois nous emmènent vers des territoires que l’on n’aurait pas foulés en studio, d’autant plus avec l’interaction et l’énergie d’un public.

Romain : Enregistrer un live c’est un peu comme prendre une photographie, c’est un instant, un moment figé. 

Le live, retranscrit sous forme d’album, permet également de mettre en avant les matières et les grains uniques de vos sons. Est-ce un parti pris, cet éloignement du peaufinement ?

Frédéric : Complètement, même si en fait cette « spontanéité » que l’on entend aux premières écoutes peut être en fait assez travaillée, ré-agencée, re-mixée. Sur ce disque on a travaillé avec Camille Jamain pour le mixage (notre ingénieur du son live) et on s’est octroyé jusqu’au dernier moment pas mal de libertés quant aux prises initiales. C’était hyper fun à faire.

Paul : En improvisant en live on s’éloigne en effet des prises de tête que peuvent apporter des discussions sans fin sur l’enchainement de couplets A,B,C, de tel ou tel progressions d’accord, etc. On se concentre plus sur notre connexion avec la musique en temps réel. Pas de filet ! Le moment imprévu, et peut-être unique, où l’on est ému par une harmonie qu’on créait tous ensemble sera directement sur le disque, sans passer par une étape de réécriture. C’est risqué, et c’est pour ça que personnellement je ne tenterai pas de faire de l’impro tout seul devant le publique !

Romain : FOUDRE! est vraiment construit autour de cette notion de sérendipité, et il y a quelque chose de l’ordre du magique quand on se retrouve à faire des progressions harmoniques à plusieurs ou des enchaînements impossibles sans n’avoir rien préparé en amont. Capter un live c’est aussi une façon d’arrêter les choses … je suis un éternel insatisfait, et je peux me lasser très vite. Si ça ne passe pas au bout de 3/4 prises en général je passe à autre chose, le live m’évite de me retrouver dans cette position. Mais j’ai toujours aimé l’imperfection dans l’art, le grain dans la photographie, les collages naïfs, les ratures… cela rend les choses vivantes. 

Je trouve que l’expérimental au sens large du terme n’a jamais été aussi présent… dans les séries, le cinéma, les jeux vidéo… mais cela reste une musique souvent exigeante, qui demande de l’attention, pas super (voir anti) festive… dans un monde du divertissement et de l’immédiateté c’est normal que cela reste une musique niche.

Romain (Barbot)

On ne va pas se répéter, 2020 fut une année noire pour le live. Avez-vous voulu trouver des alternatives à cette castration gouvernementale ?

Frédéric : Finir ce disque de FOUDRE! en était une. Cette pause générale forcée a, pour beaucoup j’imagine, poussé à prendre un peu de recul. Pour moi c’était reconfigurer mon home-studio et développer d’autres projets quand c’était possible, musicaux et photos. C’est plutôt en tant que spectateur que les lives me manquent le plus : envie de sueur et de vertige.

Paul : En effet ce disque a été une belle alternative ! La musique à l’image en a été une aussi. Hélas rien ne remplace jouer dans une salle à grand volume sonore, une source très grande d’inspiration finalement. En tout cas, je n’ai pas fais « d’album confinement » de mon côté…

Romain : J’ai eu la chance d’avoir quelques commandes pour des installations, mais je n’ai pas pu faire beaucoup de musique de mon côté. Un premier confinement à jouer au professeur des écoles, puis ensuite il a fallu rattraper le temps perdu avec mon activité d’artiste-auteur / graphiste qui heureusement n’a pas trop souffert de la situation. Mais j’ai trouvé cette période peu propice à faire de la musique introspective

Paul Régimbeau (Mondkopf, Autrenoir, Extreme Precautions) et Frédéric D. Oberland (Oiseaux-Tempête, Le Réveil des Tropiques, The Rustle Of The Stars), vous êtes membres de FOUDRE ! et fondateurs de NAHAL Recordings. Qu’est-ce qui vous unit ?

Frédéric : Oulala… L’amour du noir ? … Plus sérieusement, l’amitié et la même passion d’un art artisanal qui nous fait vibrer ?

Paul : Au départ le Boulevard de Clichy, puis l’amitié !

Vous expliquez via un texte sur votre site que NAHAL provient de la mythologie du labyrinthe. Ce terme serait associé au passage menant au nouveau monde. Le mystique vous fascine ?

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Frédéric : Polythéiste volontiers, de dieux qui n’existent pas. Avec tout plein de cosmogonies et de symboles pour déchiffrer l’univers.

Paul : Croire en autre chose que la matérialité des choses, sans forcement de dogme, est important je crois.

NAHAL est aussi devenu le terme associé au service militaire et au programme d’Armée de défense d’Israël. Apparemment, il y avait un groupe de musique et de chant associé à cette jeunesse. A la fin de « Liberation of the Mystics II », vers 5:50, on a la sensation de tirs à l’arme à feu. Quelle est votre approche au combat ?

Frédéric : Résolue contre toute forme de colonisation, d’aliénation, d’oppression quelle qu’elle soit, où qu’elle soit… Jamais militaire, ni policière, ni armée d’autre chose que d’amour et de courage. Jeune toujours, ça c’est sûr ! Tu l’auras compris, notre NAHAL n’a rien à voir avec cet acronyme guerrier.

« Black Swan I » et « Black Swan II » représentent une urgence sonore et une accumulation d’instruments qui disruptent la tranquillité de pensée. Pensez-vous que la théorie du Black Swan et le tumulte ou le chaos puissent être bénéfiques ?

Frédéric : Bien sûr, primordial le chaos, tant attendue cette danse secrète qui pulse en rouge sur la pochette de notre Future Sabbath.

Paul : Le chaos n’est pas bénéfique, il n’est pas maléfique, il est là. Il faut être concentré et ouvert, il faut reculer et avancer, il faut danser avec !

Pour finir en beauté, avez-vous des vœux particuliers pour 2021 ?

Frédéric : Que collectivement l’on prenne conscience que les marges et les utopies ne sont pas celles que l’on croit : que ce qui nous oppresse globalement est le fruit d’une minuscule minorité de pluri-millionnaires et de leurs intérêts qui jouent au jeu du « c’est pas moi, c’est vous » en ne lâchant que des miettes, et de moins en moins. Évidemment je ne pense pas ici à QAnon ou aux théories du complot décérébrées mais à une vraie redistribution des richesses, à une révolution écologique. Santé, vieux-monde.

Paul : En finir avec la folie des grandeurs de certains… Justice sociale !


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Image d’en-tête : Éline Guillerm

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