Digital Kabar : la compil’ de Maloya électronique réunionnais

Digital Kabar, Electronic Maloya from La Reunion since 1980 (InFiné)

Juillet, les aspirations à avoir du soleil jusque dans les oreilles s’intensifient, et c’est la moiteur des summervibes qui le veut. La compilation Digital Kabar (InFiné) recense et rassemble dix-huit titres de Maloya réunionnais depuis 1980, traversés par les sonorités électroniques et les codes des autres genres qui sont venus métisser cette musique traditionnelle de l’île de La Réunion.

Avec le Séga, le Maloya est le genre musical emblématique de l’île de la Réunion, solidaire de l’ambiance festive à laquelle on l’associe souvent. Le Maloya est musique, chant et danse à la fois. Le genre s’est transmis de génération en génération, digérant les mutations des métissages successifs. Hybridation poésie et slam, rock, raggae, jazz et musique électronique ; djembés, synthés, et batteries s’ajoutent ainsi aux instruments traditionnels : le roulèr (tambour basse), le kayamb (hochet en radeau), le sati (une caisse en métal frappée avec des baguettes) et le triangle. Depuis 2009, le Maloya figure sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité certifiée par l’Unesco.

Type de fête célébré à La Réunion en diverses occasions, le kabar transpire aussi dans le quotidien réunionais, autrefois clandestin, aujourd’hui manifeste, à la fois sacré mais aussi profane, parfois médité, et très souvent improvisé. Digital Kabar est une compilation de Maloya électronique, née de l’amitié entre InFiné et le festival Les Electropicales, de la fascination d’une équipe dédiée à la cause musicale indépendante pour la scène musicale de l’île et sa diversité.

Le Maloya s’est structuré au fil des siècles dans les plantations sucrières de l’île (peuplée trois siècles plus tôt seulement). Il croise les sonorités populaires venues avec les esclaves de Madagascar, d’Inde ou du Mozambique. C’était une musique de Noirs pauvres – et de pauvres tout court – mêlée de croyances invoquées pendant des nuits de transe sans fin.

Au paroxysme des tensions en Algérie, la France étouffe les voix indépendantistes et le Maloya est interdit sur le territoire de la République. C’est une censure ouvertement politique face à une culture ouvrière devenue le porte-étendard du jeune Parti communiste réunionnais. Les textes en créole s’assimilaient sur l’île à des tracts politiques redoutablement efficaces.

La transe, la danse et l’oubli… L’esprit qui secoue le Maloya est, au final, assez similaire à celui de la techno-house. L’association entre le kayamb et les machines n’est donc pas si étonnant, malgré le rythme ternaire du premier genre et binaire des musiques clubs, ce qui les rend plus difficile à enchaîner dans une même composition.

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Difficile n’a jamais voulu dire impossible, et Digital Kabar nous donne les meilleurs exemples de mariage entre le genre et la pop, le hip hop, le minimalisme, l’acid house, la dubstep…


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