Elles ne voulaient pas. Aucune. Elles l’ont dit, manifesté ou pensé. Et pourtant il y a eu rapport. Ça peut être très tranquille un viol, c’est ce que disait si bien le témoignage d’une ex-collaboratrice du député Denis Baupin, et c’est ce qu’illustre ce documentaire avec six témoignages de victimes. Le film expose les mécanismes de ce qu’on appelle souvent la « zone grise » du consentement, sans comprendre que cette expression banalise une ambiguïté qui ne devrait pas exister.
En finir avec la figure de l’allumeuse et du « non qui veut dire oui »
Les journalistes Delphine Dhilly et Blandine Grosjean ont imaginé ce film pour contrer les préjugés et stéréotypes que nous avons sur ce qu’est un viol. Entre les séquences de témoignages, elles se sont servi des chiffres d’une enquête réalisée par l’institut IPSOS et l’association Mémoire Traumatique et Victimologie (via Internet, du 25 novembre au 2 décembre 2015), révèle par exemple « qu’1 Français.e sur 5 (21%) estime ainsi qu’il n’y a pas viol lorsqu’une personne cède quand on la force. »
Et c’est peut-être ce qui devrait nous choquer le plus, c’est le temps que les victimes ont mis à qualifier l’agression qu’elles ont subi de viol, parce qu’il n’y avait pas eu de heurts mais un « Ok je cède… » ou un « Mieux vaut ça que… ». Dans les témoignages reviennent souvent des réflexions du type « Tu m’as allumé faut assumer » et toutes les femmes interrogées décrivent très bien les mécanismes qui les ont piégées : les milliers de petites voix qui se bousculent dans sa tête quand la situation bascule, le « pour faire plaisir »… Des mots ou expressions que l’on a déjà entendu ou pensé, et qui sont ici explicités et présentés comme anormaux, nocifs pour l’autonomie d’un individu. Pendant effrayant, les quelques hommes interrogés estiment que la séduction et le consentement passent par les non-dits « romantiques », les « mains dans les cheveux » et tutti quanti… Il y a même ce mec qui va jusqu’à dire qu’il insiste, parce qu’il « aime les filles compliquées ».
Tous ignorants des limites de la zone grise
Le contraste est fort entre les témoignages douloureux des victimes et les éléments de langage piochés chez des jeunes hommes, et cela souligne parfaitement ce qu’une victime dit très bien : « On n’est pas éduqués au consentement ». Que ce soit dans le respect du non, ou l’affirmation du rejet. Si tous ces viols ont pu se produire c’est que parce que par mécanisme d’auto-défense, le corps des femmes s’est figé pour encaisser… Et qu’aucun homme n’a compris que ce n’était pas normal. Le film ne veut accuser personne, et montre justement que le drame de tout ça, c’est que les agresseurs n’ont pas conscience de la domination, de la violence qu’ils ont exercé, jusqu’à s’en excuser après coup, après avoir réalisé la nature de leur acte.
Les témoignages s’enchaînent avec des tableaux impressionnistes de situations dans lesquelles ces agressions peuvent survenir : festivals, sorties entre potes, en boîte… Le tout, se conclut idéalement, peut-être même un peu facilement, avec un titre bien connu d’Odezenne pour soutenir l’affirmation du désir des filles, du désir partagé… Le témoignage de Mary 65 ans, au milieu de toutes ces jeunes femmes de vingt ans et quelques, dénote un peu. Ce témoignage souligne bien la différence entre le tabou total des années 60 sur les questions de sexualité et aujourd’hui… ou justement pas tant. Le film pose les bases saines d’un dialogue nécessaire, et après avoir eu ce premier aperçu sur les rouages du non consentement, on a envie d’aller plus loin et d’avoir la parole d’un de ces hommes agresseurs « repentis », ou aussi des témoignages de jeunes femmes ayant vécu des abus en couple.
Mardi 6 mars à 22h50 sur France 2 avec à la suite un débat avec Marie Darieusseq et Didier Fassin, ou déjà disponible sur la chaîne Youtube d’Infrarouge.