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Seul Ensemble : on a découvert la « musique nuage »

Seul Ensemble : on a découvert la « musique nuage »

Manifesto 21 - Seul Ensemble

À l’occasion de la sortie de son premier EP Crise d’angoisse, nous avons appelé Luca Bonanno, l’homme derrière Seul Ensemble : une musique électronique aux inspirations aussi bien techno qu’ambient ou jungle, à l’atmosphère aquatique. À découvrir dans ce disque virtuel composé et sorti en plein confinement.

L’an dernier, on vous faisait découvrir la southfrap, nouveau dérivé du frapcore du côté de Marseille. Dans ses rangs, un dénommé Seul Ensemble (Luca Bonanno) qui avait défrayé la chronique avec son remarqué « ghetto edit » d’IAM sur la compil inaugurale du projet collectif. Depuis, l’artiste et co-fondateur du label LLLCLUB vient de sortir un EP sombrement intitulé Crise d’angoisse. Attention au faux-ami : les morceaux qui le composent sont plutôt une bouffée d’oxygène. Des atmosphères très aériennes, des ambiances de fêtes qui se font terriblement manquer. Le projet de Seul Ensemble, qui a débuté lors de ses études des beaux-arts à la Villa Arson à Nice, marque une étape clé avec cette première sortie.

Manifesto XXI – Qu’est ce qui t’a poussé à faire de la musique quand tu étais à la Villa Arson ?

Seul Ensemble : J’ai toujours été baigné dans la musique. Mon père était musicien par exemple. Mais tout a vraiment commencé lorsque j’ai rencontré Julien (Knut Vandekerkhove) pendant ma première année. C’est devenu mon acolyte dans le label que l’on a créé tous les deux : LLLCLUB. On voulait proposer un moyen de faire écouter aux autres la musique que l’on faisait.

Les limites permettent de construire des choses plus rapidement que lorsqu’on n’en a pas.

Seul Ensemble

Tu sors des morceaux sur soundcloud depuis presque un an. Qu’est-ce qui t’a poussé à sortir enfin ton premier EP Crise d’angoisse ?

Cet EP, c’est le résultat d’une nouvelle façon de travailler, beaucoup plus simple. Avec les précédents morceaux, je pouvais passer plusieurs mois à travailler sur un titre. C’est pour ça que je n’ai pas sorti énormément de choses. Pour Crise d’angoisse, j’y suis allé avec beaucoup moins de pression. J’ai fait les morceaux assez vite, au début du confinement, pour le sortir fin avril. C’était une volonté de créer quelque chose de bout en bout dans une période imposée.

Dans la musique électronique, y a-t-il une réelle complexité à s’imposer des barrières dans le temps ou dans le matériel utilisé ?

Je suis un peu en train de me chercher entre les deux extrêmes : composer avec et sans limites. Les limites permettent de construire des choses plus rapidement que lorsqu’on n’en a pas. Alors que quand on ne s’impose pas de barrières dans le temps, on peut se permettre plus d’expérimentations.

Pourtant, dans cet EP, on retrouve des morceaux avec des inspirations jungle, techno ou encore ambient. On sent donc que tu expérimentes pas mal de choses. Est-ce que sa composition a été un laboratoire pour tester dans quoi tu souhaites te spécialiser plus tard ?

Je n’ai jamais été axé sur un style de musique en particulier. J’ai toujours essayé d’incorporer plusieurs genres différents. Quand j’étais aux beaux-arts, j’avais un travail sonore et plastique, et j’essayais toujours d’y incorporer des références à d’autres artistes qui n’appartenaient pas à mon genre principal. C’est ce que je continue à faire dans ma musique : faire appel à des souvenirs. Notamment ceux de la rave ou en puisant dans des samples. En ce qui concerne les samples, je me sers rarement des originaux : j’utilise des morceaux qui les utilisent déjà. Du coup je sample des morceaux déjà samplés.

On est donc clairement sur le niveau 2 de l’inception ?

Tout à fait. (rires) Je trouve ça plus logique d’utiliser des choses qui sont plus proches de moi. Plus proches de mon expérience musicale.

Je souhaite que ma musique reste ouverte.

Seul Ensemble

Tu dis que que tu fais appel aux souvenirs de la rave. Son âge d’or, c’est une période que tu aurais aimé vivre ?

À la fois je suis complètement fasciné par cette période, mais à côté je ne regrette absolument pas celle dans laquelle je vis. Je suis assez ravi d’avoir accès aujourd’hui à toutes ces informations auxquelles je n’aurais pas eu accès à cette époque, grâce à Internet. C’est quand même plutôt cool de pouvoir digger des morceaux, enregistrés à l’autre bout de la planète, tout en restant derrière son ordinateur.

Le champ lexical de ton univers est assez adapté à ce que beaucoup vivent en ce moment : Seul Ensemble, « Crise d’angoisse », « Sensual Deprivation »… C’est ta manière de décrire la situation actuelle ?

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Pas tellement. Par exemple, j’ai fait exprès de rendre des morceaux joyeux, alors qu’à la base ils ne l’étaient pas. Ça m’a fait rire. Crise d’angoisse est beaucoup lié au contexte actuel, mais j’ai plutôt choisi ce nom par rapport à la pochette de l’EP faite par Louise Mervelet. Ce n’est pas l’intention que j’y donne en tous cas. Mais ça ne me dérange pas du tout qu’on le lise comme ça à l’écoute. Je souhaite que ma musique reste ouverte.

Manifesto 21 - Seul Ensemble
Cover de Crise d’angoisse (© Louise Mervelet)

Sur soundcloud, tu tagges souvent tes morceaux #comédie. Pour toi c’est essentiel de faire rire les gens avec ta musique ?

C’est quelque chose que j’ai appris durant mes années d’études. Au début j’avais une tendance à renier cette forme d’humour dans l’art. Je ne trouvais pas ça important. Mais j’ai vite inversé cette vision en faisant des trucs « drôles » au cours de mon parcours scolaire. Je me suis par exemple déguisé en lapin rose pour la remise de mon diplôme. Tant que ça ne prend pas le pas sur le reste, amener une part d’humour est compatible dans la musique électronique. Une amie m’a un jour dit que quand elle écoutait ma musique, elle avait l’impression de voir défiler des nuages. Du coup le nom est resté et je tagge parfois mes morceaux de #MusiqueNuage.

Pourtant, quand on écoute l’intro d’« Éternuement héliotropique », on a plus l’impression d’être dans les fonds marins que dans les nuages. On ressent une grande inspiration d’Eric Serra, qui a composé la BO du Grand Bleu de Luc Besson.

Merci. Je suis assez sensible à ça : mon artiste préféré c’est DJ Stingray. C’est de la techno de Detroit, mais en plus rapide et avec beaucoup de sons aquatiques. Ça m’a surement inspiré dans la façon de composer ma musique.

Après la sortie de cet EP, quels sont tes futurs projets ?

Juste avant le confinement, j’avais commencé à travailler sur un live. Mais je ne sais pas encore si je vais jouer ce live (quand ce sera possible) ou si je le sortirai comme une sorte de pièce. Une chose est sûre : j’ai envie de défendre ce projet sur scène. Et avec mon label LLLCLUB on travaille sur un projet multimédia.

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