Le mois dernier, une centaine de sarcophages vieux de plus de deux millénaires étaient découverts dans la nécropole de Saqqarah dans la région de Memphis en Égypte. Ce mois-ci c’est un tout autre type de trésor culturel qui nous parvient du pays des pharaons avec le nouvel EP de Rozzma, Khatar Sayeb.
L’Égypte a une importance cruciale dans le développement des musiques arabes contemporaines. Terre de la wasla et des cérémonies rituelles zār, c’est au Caire qu’eut lieu en 1932 le Congrès des musiques arabes, visant à élever les musiques savantes nord-africaines et orientales au même titre que celles occidentales. C’est également sur ces terres que dans les années 1970-1980, des artistes intégrèrent des instruments occidentaux à leurs compositions, en signe de contestation face à la musique patriotique officielle.
Rozzma – qui signifie « une pile » dans le sens d’un amas – est un artiste égyptien d’une nouvelle génération, celle des musiques actuelles, attachée à la mixité culturelle et aux influences internationales. En 2015, il fit son apparition sur YouTube avec le titre éclectique « Baby », dans lequel l’un de ses amis danse, face cachée par le masque du pharaon Toutânkhamon rajouté en post-production.
Deux ans plus tard, c’est le début de la gloire avec sa reconnaissance de l’autre côté de la Méditerranée. Il fit la connaissance d’Acid Arab avec qui il échange sur la plateforme SoundCloud. Les DJs français qui ont amorcé une redynamisation de la scène nord-africaine dans l’hexagone lui proposent de collaborer en le programmant en première partie lors de leurs représentations à travers l’Europe mais également en étant le premier artiste signé sur leur label Acid Arab Records. Ainsi en 2017 sort son premier EP, Donya Fakka, qui allie sonorités urbaines et traditions musicales du monde arabe. Interrogé lors de sa sortie par VICE, l’artiste défendait la touche « 100% africaine » de ses productions.
Cette fois, c’est sur le label britannique XL Recordings (qui compte parmi ses artistes Arca, Jack White, Radiohead ou Thom Yorke) que paraît le nouvel opus 4 titres de l’Égyptien, Khatar Sayeb, traduit par « danger latent ». L’artiste et producteur dont l’objectif musical est de confronter le passé au présent, a choisi d’emplir ses chansons d’un esprit positif en le consacrant au confort que l’on peut trouver au sein du danger. « Il s’agit de trouver une part de confort dans toute situation, aussi extrême ou malheureuse qu’elle soit, afin de réussir malgré des pronostics parfois décourageants », explique-t-il.
Rozzma est de ces artistes cherchant à adapter les traditions musicales au champ des musiques actuelles. Il souhaite lier « le sauvage du préhistorique et le chaos du moderne », pour une production originale dans un pays coincé entre tradition et modernité où s’entrechoquent les grands ensembles urbains et les pyramides millénaires. Ses morceaux sont parsemés de synthés distordus aux mélodies caractéristiques couplés avec une approche électronique de la composition, de rythmes traditionnels associés à une production contemporaine immersive dans laquelle le chant se retrouve souvent altéré par l’utilisation d’effets vocaux comme l’autotune. Il n’est pas question ici de DJing mais d’une réelle élaboration faite main par Rozzma.
Comme le confiait l’artiste lors d’une interview de 2017 précédemment citée : « Il n’y a pas vraiment de place pour ma musique ici [en Égypte, ndlr]. Elle est trop futuriste, j’ai besoin de la faire valider à l’étranger avant d’être pris au sérieux dans mon pays. » La sortie de ce nouvel opus devrait conforter sa notoriété et, on l’espère, lui permettre de légitimer la scène des musiques actuelles dans son pays d’origine.
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Photo en Une : © Mahmoud Shiha