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Paul Descamps : surréalisme numérique et peinture 2.0

Paul Descamps : surréalisme numérique et peinture 2.0

Sous le pseudonyme tout à fait fascinant de France Graal sur Instagram, se cache un jeune homme nommé Paul Descamps qui abrite dans sa tête des mondes et des galaxies inexplorés. Ici, les mangas post-internet rencontrent la gravure médiévale, l’aquarelle cohabite avec le dessin numérique et la BD croise le chemin de l’art contemporain. Iconoclaste, ce peintre qui n’en est pas un dézingue les frontières du « cool », du fashion et de l’art qui s’auto-kiffe pour nous embarquer dans des voyages imaginaires qui évoquent des rêveries d’enfants. Heroic fantasy ou jeu vidéo ? Illustrations bibliques ou peintures new age ? Nul besoin de trancher pour se laisser porter par les histoires surréalistes de Paul Descamps.

Je lisais la Bible aussi à une certaine période et je voulais créer ma propre religion. C’était il y a deux ans, j’ai écrit une vingtaine de petites paraboles, pas mal sur l’amitié et la nature je crois.

© Paul Descamps

Manifesto XXI – Peux-tu nous parler un peu de ton parcours ?
Paul Descamps – Coucou, je viens du nord de la France, d’une famille très aimante qui m’a bien toujours laissé faire du dessin ou des machins. Je crois que petit je ne faisais que du dessin et du roller, c’était trop bien. C’est juste au collège que j’ai arrêté, parce que je croyais que c’était la honte et à cause des remarques des profs, genre « ne dessinez pas dans vos cahiers gnagna… » C’était horrible. C’est injuste de faire ça alors que le dessin nous rend tellement heureux.

Après j’ai essayé de faire de la psycho à la fac mais j’étais méga perdu, je n’osais pas me dire que le dessin ça pouvait être sérieux. Heureusement après on m’a dit que les écoles d’art existaient. En attendant, j’avais un peu trouvé une alternative au dessin parce que je trainais beaucoup sur internet et je faisais du photomontage de mangas sur les forums, enfin des petits trucs, mais c’est ça qui est pas mal aussi : il y a toujours moyen de trouver un endroit où faire ce qui nous fait du bien. Maintenant je suis très heureux.

© Paul Descamps

As-tu fréquenté une école d’art ? Que penses-tu de ces institutions ?
Oui, j’ai eu la chance d’aller aux Arts Décoratifs de Strasbourg et c’était merveilleux ! J’ai rencontré tellement d’ami.e.s que j’aime profondément, dont j’adore le « travail » et en qui j’ai une confiance aveugle. C’est un endroit incroyable où plein de petits bonhommes remplis d’envie se rencontrent et se mettent à bouillonner ensemble. C’est facile de construire des amitiés. C’était vraiment une belle parenthèse.

Après, au niveau administratif, ça devient un peu pourri en mode start-up mais on peut quand même utiliser cette structure tant qu’elle est là. J’ai l’impression qu’il y a ce merveilleux chaudron à amitiés qu’est l’école d’art et qu’il faut en profiter le plus possible. Que l’important c’est les étudiants, et un peu les profs, et qu’on peut faire tout ce qu’on veut dedans.

© Paul Descamps

Entre onirisme, surréalisme et gravure médiévale, ton univers est un mélange d’influences hors du temps : comment en es-tu arrivé là ?
J’ai lu un peu de BD étant petit mais surtout énormément de mangas et je pense que des illustratrices comme les CLAMP par exemple faisaient déjà pas mal référence à des dessins style art déco. J’ai une influence de mangas qui avaient déjà digéré d’autres influences. J’adore Jojo’s Bizarre Adventure (regarder un épisode ici, ndlr) et je pense que mon travail est très influencé par celui d’Araki. Enfin en tout cas, découvrir Jojo m’a complètement libéré de plein de trucs.

On a aussi eu la chance aux Arts Déco de Strasbourg d’avoir des cours magistraux sur l’histoire de l’illustration par M. Deloignon, des cours plus intimistes sur l’illustration médiévale par Mme. Gayko Roth et la chance de voir en mains propres des vraies gravures et des livres superbes que nous apportait M. Dégé chaque lundi. En fait chaque lundi on avait un cours qui s’appelait « Télé-achat » et l’idée c’était de ramener nos achats livresques de la semaine : BD, livres d’art, mangas, fanzines, etc… et lui, il rapportait toujours des livres assez rares, des gravures, des originaux, des choses que nous n’aurions pas pu voir ailleurs et qui ouvraient d’autres horizons.

© Paul Descamps

Quels autres supports utilises-tu à part la peinture sur toile ? J’ai vu que tu peins aussi sur du textile.
Avec mon ami Louka (Louka Butzbach, ndlr) on se dit qu’on fait de la peinture sur papier pourri. Je peins surtout sur des A4 un peu épais mais pas trop faits pour l’aquarelle. Mais cette année peut-être qu’on va investir : le vrai papier a l’air vachement mieux quand même. J’ai fait quelques trucs sur tissu aussi, des serviettes, des draps, mais c’était un peu plus grossier je trouve. J’aimerais bien faire des gros formats qui me tiennent à cœur sur du bon tissu, peut-être essayer l’huile.

© Paul Descamps

La peinture est un art qui est mis à mal par les réseaux, comme Instagram… Quel est ton rapport au virtuel ? Comment faire connaître son travail aujourd’hui quand on est peintre ?
J’étais pas mal sur les forums étant ado et je faisais des sortes de peintures photomontées numériques tous mes après-midis, alors je suis vachement dans le virtuel. Instagram n’est pas super glorieux pour l’art visuel mais en même temps j’ai l’impression qu’il n’y a jamais eu autant d’intérêt pour l’image et le dessin que depuis qu’il y a Instagram.

J’étais pas mal réticent à mettre mon travail sur Instagram avant, mais j’ai été en Erasmus loin de tous mes amis alors c’était un bon moyen de les tenir au courant. Ça rend un peu le truc réel : hop, c’est publié, ça existe un peu hors de toi, ça fait un petit effort, ça fait sortir du « juste pour soi », ça fait grandir.

J’aime bien qu’on puisse superposer ces deux couches de vie, virtuelles et réelles, ça fait deux manières d’échanger et de partager.

Mais j’aimerais mieux si on pouvait revenir à un format comme le forum où on peut vraiment échanger et s’expliquer, où on crée une sorte de communauté comme un petit village virtuel. D’ailleurs avec mon très bon ami Jeune GDB on avait essayé de relancer un forum, Planète Courage. Ça a un peu marché mais presque tous les membres étaient à Strasbourg et se voyaient tous les jours alors il n’y avait pas tant d’intérêt, mais peut-être que ça marchera cette année.

Moi je ne me considère pas du tout peintre. Je dirais que je fais des dessins, de la BD et des livres, et avec mes amis on fait les salons de micro-édition : Spin Off à Angoulême, Fanzines Festival à Paris, Vendetta à Marseille, Central Vapeur à Strasbourg… C’est un peu cette communauté-là : on fait tous des livres et on se retrouve aux grandes messes de la micro-édition pour se les montrer et se les échanger. Franchement c’est cool ce qui se passe en ce moment dans l’auto-édition, c’est vachement excitant !

Tu fais aussi de l’art numérique, de la peinture 2.0. J’ai été notamment intriguée par le dessin ci-dessus. Qu’aimes-tu là-dedans ?
En effet, je fais pas mal de choses numériques. Ça c’est un calendrier qu’on a fait à six mains avec Paul D’Orlando et Julien Calemard (dit « Marmar ») et on est chacun passé sur chaque image. Ces sont des images un peu chargées mais ça débloque un style, et je pense qu’on l’affûtera dans le futur. Sinon avec mes amis Louka Butzbach et Thomas Simon (dit « Toto ») on fait des livres en photomontages qu’on publie dans notre structure Art Majeur.

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Vers novembre on sort notre prochain livre, Les Chroniques des Bretagnes galactiques, où on peut voir Vincent Lacoste (il n’est pas trop au courant) rallier les Bretagnes entres elles pour lutter contre l’oppressive France-Babylone qui les accuse d’avoir volé le Mont Saint-Michel.

Avant on avait fait Lubilosa, qui nous fait suivre un homme mystique dans sa poursuite d’un criquet malpoli et qui se retrouve piégé dans un imbroglio politique et confronté à une question terrible : pour ou contre la physique quantique ?

On avait aussi fait, juste avec Louka, un petit livre de contes illustrés en 3D sur l’amitié et les impôts.

© Paul Descamps

Tu as été exposé à Voiture 14, nouveau lieu d’art émergent situé à Marseille : peux-tu nous parler de cette exposition ? Que se passe-t-il à Marseille dernièrement ? Il semble y avoir toute une effervescence culturelle (voir notre enquête sur la southfrap).
J’ai l’impression qu’il y a une grande effervescence artistique en effet. J’ai eu trop de chance ! C’est grâce à l’amitié ça ! C’était une grosse expo, avec le collectif Nanisoka, les photos de Manon (Manon Couffon, ndlr) et un labyrinthe de photos, c’était cool ! Il y avait le collectif Hotte qui proposait un repas de recettes d’amis trop bon et généreux, avec un concert de piano et des dessins au gras.

Ça a l’air trop bien ce qu’il se passe à Marseille en ce moment, plein de petits trucs entre galeries et salles de concert ont l’air d’ouvrir, c’est excitant, il y a moyen de faire plein de trucs ! Myriam Mokdes de Voiture 14 est trop gentille et elle a plein de projets. J’aime bien cette idée de pouvoir faire la fête dans les lieux d’exposition, entouré de choses à regarder. C’est trop important la fête.

© Paul Descamps

On parlait de livres : à quel point tes lectures ont-elles inspiré ton travail ?
Plutôt pas mal ! J’essaye de toujours lire beaucoup, surtout de la BD et des mangas mais des livres avec que du texte tous les jours aussi. J’ai eu une grosse période Lautréamont, Jarry, Huyssmans… Des nobles dégénérés mystiques qui écrivent des beaux mots, ça m’inspirait beaucoup et ça me donnait envie d’écrire, et à un moment j’ai osé un peu le faire.

Je lisais la Bible aussi à une certaine période et je voulais créer ma propre religion. C’était il y a deux ans, j’ai écrit une vingtaine de petites paraboles, pas mal sur l’amitié et la nature je crois. Petit ma mère me faisait lire beaucoup de fantasy et de SF, c’était trop bien on lisait les mêmes sagas et on en parlait. Elle regardait aussi beaucoup de séries de SF à la télé, c’était assez inspirant ! Quand je suis parti de la maison pour faire mes études, elle m’a donné tous les livres de la bibliothèque familiale qui l’avaient marquée ou qu’elle trouvait importants. Mes parents sont des gros lecteurs alors oui, j’essaye de toujours lire beaucoup : il faut manger beaucoup je pense, il faut bien nourrir le cerveau.

Sinon, peut-être qu’on ne le voit pas trop là dans ce que je dis, mais j’adore les jeux de mots et l’humour et l’écrire et le parler, j’aime trop les tricks de langage, les petites sonorités rigolotes. Enfin voilà, j’adore lire et l’humour ! Avec mon père on fait toujours plein de jeux de mots un peu nuls quand on parle… On essaie tout le temps, c’est assez épuisant mais du coup on a une bonne culture de surface, on connait beaucoup de noms de gens mais on sait pas trop ce qu’ils ont fait.

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