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Quand l'Amérique élimine l'Iran : match épique ou politique, en coupe du monde ?
Quand l'Amérique élimine l'Iran : match épique ou politique, en coupe du monde ?


Il est plus facile de départager sports et politique, lorsque des fans, de l'Irak au Liban, du Yémen à l'Égypte et jusqu'en Afghanistan, portent des maillots de Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi, sans affiliation particulière à un pays. Force reste au football, à ses supporters et parieurs, pourrait-on dire. Il en va différemment, dans les yeux du monde arabe, si on vit dans un pays sous influence iranienne ou qui lutte contre celle-ci. Mais, en règle générale, le sport reste un des rares domaines où les gens peuvent rester libres de ne pas prendre parti pour des raisons politiques. 

Des joueurs pris entre le marteau et l'enclume

À cause de l'actualité, il aurait été difficile d'aller chez un bookmaker parier un rial sur la réussite de l'Iran en coupe du monde. L'équipe est démotivée de l'intérieur et survit selon les aléas de la politique intérieure.

L'ensemble des matchs était politisé, du simple fait que les supporters iraniens eux-mêmes refusaient de soutenir ouvertement leur équipe, ou que les membres de celle-ci renonçaient à chanter l'hymne national, par respect pour les foules réprimées, à cause de la dernière vague de soulèvement contre le régime. Ne pas le faire aurait provoqué un rejet populaire, une fois retourné à leur vie de tous les jours en Iran. Même s'ils risquent individuellement des sanctions de la part des autorités. 

Que dire de l'attitude du pays-hôte ?

Des forces de l'ordre qatariennes ONT arrêté des opposants iraniens arborant des maillots exprimant leurs opinions contre le régime. Certains, dans les tribunes, portaient des T-shirts frappés du nom de l'égérie, la jeune kurde Mahsa Amini, et de son âge : 22. La police arrachait de force des slogans "Femme, Vie, Liberté" à ceux qui les arboraient. 

Les autorités se réfugient derrière le fait que ces mots d'ordre seraient contraires au "règlement de la FIFA". Mais le sport peut-il rester "neutre" quand la conscience humaine est révulsée ?

De Beyrouth à Bagdad, l'humour contre le sens du tragique ?

Certains pays sont déchirés par les influences régionales, où les États-Unis ont été présents comme forces d'occupation à certaines époques et où l'Iran compte dans la domination confessionnelle (chez les chiites, notamment). 

Mais exercer son humour en de telles situations est une autre façon de rester libre. Un mème a été largement diffusé avant le match du 29 novembre, entre les États-Unis et l'Iran. Le dessin plaisantait sur "la première fois qu'ils joueront en dehors du Liban". Un autre utilisateur de Twitter s'est amusé à dire que celui qui remporte la phase de groupes "prend l'Irak".

Quand la neutralité du sport ne suffit plus

Pour de nombreux Libanais, on ne peut ignorer qu'être d'un côté ou de l'autre, devant un écran qui retransmet un match, vous classe définitivement comme un fidèle (à sa communauté) ou un ennemi. Selon qu'on est Chrétien ou Chiite, Sunnite ou Druze, on pourra ou devra prendre position, même s'il n'est question que de football. C'est la même chose à Gaza, où on est "reconnaissant" du soutien apporté par Téhéran et totalement indifférent au sort des Iraniens qui osent se révolter -et qui le rendent bien aux résidents de l'enclave-. 

Pour un habitant du Kurdistan irakien, il est clair qu'il faut condamner ce régime qui maltraite et tue les gens dans la rue, au nom de l'appartenance kurde de Mahsa Amini, âgée de 22 ans, tuée par la police des mœurs le 16 septembre 2022, au prétexte qu'elle aurait porté son voile "de façon inappropriée". 

Un match tendu et une blessure du héros du jour

Selon le New York Times, Christian Pulisic a décidé du sort du match en marquant à la 31ᵉ minute. Âgé de seulement 24 ans, Pulisic joue en Premier League à Chelsea. Au sein de son club britannique, il a pu être le premier Américain à disputer une finale de Ligue des Champions, en remportant le titre avec Chelsea en 2021. Il a lui-même été un artisan de cette victoire en marquant en demi-finale.  

Sa présence en équipe nationale américaine était donc indispensable. Il détient un rôle pilote dans le groupe des attaquants. 

Mais, contre l'Iran, il est entré en collision avec le gardien iranien, s'effondrant ensuite sur la pelouse, sans pouvoir se relever. Conduit à l'hôpital, on lui a découvert une ecchymose pelvienne, qui reporte son propre sort dans cette compétition internationale à une évaluation au jour-le-jour. Il est revenu sur le terrain jusqu'à la mi-temps, mais on a préféré le remplacer à la mi-temps. Les États-Unis affrontent, plus tard, les Pays-Bas. Ils n'ont pu vaincre en se passant de leur meilleur attaquant...

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