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Magon. L’indépendance comme étendard

Magon. L’indépendance comme étendard

Après un premier long-format plutôt remarqué, qui ancra le lancement de son projet dans le circuit de la scène rock indé hexagonale en 2019, Magon, chanteur et musicien israélien, signe aujourd’hui son retour avec Hour After Hour, un deuxième opus vacillant entre inspirations rétro de choix, expérimentations sonores planantes et partis pris pour un rock concrètement urbain et délibérément expérimental.

À l’origine, Magon, artiste, chanteur, multi-instrumentiste, compositeur et interprète, s’est fait connaître au sein du duo franco-israélien de « cosmic pop » engagé, Charlotte & Magon, qui pris forme à Tel-Aviv vers la fin des années 2000. Après la sortie de trois EPs et autant d’albums en l’espace de dix ans, le groupe se scinde en deux entités : VoxaxoV d’une part, Magon de l’autre. En 2019, alors que la formation de rock psychédélique des Hauts-de-Seine, Butterscotch Hawaiian se sépare, on retrouve deux de ses anciens membres, Gauthier Havel et Alexis Séférian, à la basse et à la guitare du nouveau projet éponyme de l’irréductible Magon. De cette association qui est avant tout le projet personnel lancé par le chanteur, comme son nom l’indique, émergea un premier album en novembre 2019, marqué par des sonorités s’apparentant à une élaboration post-punk aussi grise qu’aérienne mais tout aussi grisante que bien ficelée : Out In The Dark (December Square).

Magon pour la release party d’Out In The Dark au Silencio de Paris. 12 novembre 2019. © La Voix Sauvage

Suite à des mésaventures liées à des soucis d’ordre personnel sur leur ultime tournée de promotion d’Out In The Dark, le groupe subit une refonte avec le remplacement des deux instrumentistes issus des Butterscotch. C’est donc plus ou moins épaulé par une nouvelle formation (le batteur initial, Ferdinand de Fournoux, reste en dépit du remaniement), que Magon enregistre seul son nouvel album intitulé Hour After Hour, dont il est également le producteur. Pour ce retour discographique, le projet a pris une couleur autrement différente, sensiblement moins sombre en laissant une plus grande place à l’expérimentation, et en tout cas, confirmé les qualités de compositeur de l’artiste.

© Laurie Bisceglia

Cet opus de dix titres se caractérise principalement par une écriture intime (« Change » à propos des aléas de sa vie quotidienne ou « Alexa » qui fait référence à sa muse et compagne, mère de son enfant né l’année passée) et réfléchie, contée à travers un chant parlé auquel se joint parfois la voix d’Alexa, interpelant naturellement l’auditeur ; accompagné par une instrumentation sans prétention dans laquelle la basse tient une place centrale (particulièrement sur « Hour After Hour » et « Yeah (I Feel Like Nothing) »), mais dont le résultat est néanmoins remarquablement orchestré, autant dans ses riffs solides au son cristallin que dans ses phases expérimentales distordues ou bourdonnantes (à l’instar de « Yolanda ») — atout qui n’est pas sans rappeler les sonorités des meilleures compositions du mythique et intemporel Velvet Undergound.

Cette musique qu’a forgée Magon sur Hour After Hour pourrait être baptisée « psychédélisme urbain », ou peut-être plus prosaïquement « rock urbain expérimental », tant elle se détache de l’hédonisme carillonnant rattaché à la tradition psychédélique impulsée par la génération flower power (qui suggère, en résumé, d’aller prendre de l’acide à poil dans un champ) et qu’elle donne a contrario, lors de l’écoute, à visualiser l’aliénation contemporaine des grands ensembles urbains dans lesquels l’individu chargé de sentiments s’efface au profit de la masse. Une image renforcée lorsqu’on s’imagine que Magon chante son introspection sur un disque qui se retrouvera chez un disquaire dans le même bac qu’une multitude d’autres productions s’attaquant à des sujets aussi divers que variés dans un océan de musiques bigarrées.

Finalement, après un premier opus qui lui a permis d’inscrire son nom dans le paysage musical rock en France, la carrière de Magon aurait pu dégringoler suite aux restructurations de son groupe mais s’en est tout de même très bien sorti avec ce come back qui renforce la crédibilité du projet et l’ancre définitivement dans la fragile scène rock made in France. Si les concerts reprennent au printemps (soyons optimistes), la release parisienne d’Hour After Hour est planifiée pour le 17 mars à la Maroquinerie, ce qui laissera par ailleurs l’occasion de découvrir sa nouvelle formation sur scène.

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Photo en Une : © Alexa Rotarescu


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