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Godzilla Overkill. Douce mélancolie des entrailles

Godzilla Overkill. Douce mélancolie des entrailles

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Une voix robotiquement émotionnelle sur un piano faussement naïf : le premier clip réalisé par Lola Margrain et Léonie Floret pour le single « Le cœur au coin des yeux » de Godzilla Overkill est une rêverie obscure. La poésie y est pleine d’une belle amertume, entre dandinements en jupe et fracas lancinants. L’artiste y apparaît le cœur non seulement au coin des yeux, mais déchiré, offert. Avec angoisse, le parallèle des abats rouge sang évoque une mélancolie d’une douce violence. Comme une plongée dans les entrailles d’un homme à l’âme ouverte, presque mort de solitude, les mots durs sont égrenés au fil des plans.

Bataille intime, la plainte est mécanique, détachée. La douleur : magnifiée. Les nappes électroniques en arrière-plan sonnent comme un miracle envisagé, une sérénité recherchée, des plaies pansées. Avant-goût métallique de l’EP PADRE PIO qui sortira le 7 décembre, avec une release-party le 14 décembre à l’Olympic Café, ces images fascinent autant qu’elles perturbent. Rencontre avec le talentueux Godzilla Overkill.

Manifesto XXI – Ton EP s’appelle Padre Pio, pourtant en ce moment l’Eglise n’a pas trop la cote. Qu’est-ce qui t’inspire dans le christianisme ? (hormis les prêtres pédophiles)

Ça m’inspire plutôt des mauvais souvenirs. Quand j’étais petit, un prêtre ma refusé l’hostie lors d’un enterrement. J’ai dû aller me rasseoir, penaud. Peut-être qu’il a lu sur mon visage les stigmates du païen que j’allais devenir. À ce jour je ne sais toujours pas si je dois le détester pour l’humiliation ou l’applaudir pour son côté visionnaire. Il n’en reste pas moins qu’il a enclenché ma rupture avec l’Eglise catholique.

Je n’ai pas de problème avec la spiritualité, mais l’Eglise catholique en tant qu’institution ça me dégoûte. Il suffit de regarder un peu le passé – notamment comment cette religion qui se prétend d’amour a pu répandre autant de mort – pour comprendre qu’ils ne sont pas plus proches de Dieu que n’importe qui d’autre. La seule chose qui m’attire dans la religion c’est qu’elle puisse être de l’opium. Mais après vérification c’est encore une fois un mensonge.

Comme le Padre Pio, tu te considères comme un charlatan ? Qu’est-ce qui te plait là-dedans ?

Dans le cas de Padre Pio, ce qui m’intéresse surtout c’est qu’à un moment donné il a été considéré par l’Eglise comme charlatan, pour être ensuite canonisé post-mortem, il est donc devenu Saint. Cet écart entre le rejet et la quasi déification me fascine. C’est sous le poids du peuple, qui lui a voué un culte aveugle, que l’Eglise a plié. Il a un côté artiste maudit, qui, tellement sûr de sa foi, n’a jamais lâché et a obtenu la reconnaissance ultime pour un Homme de foi. Son abnégation force le respect, en plus il a une tête de grand-père à qui on a envie de faire des câlins.

Je pense qu’on peut facilement transposer ça à l’art. Une abnégation envers quelque chose qui demande énormément d’énergie, complètement incertaine et peu gratifiante.

Si tu devais être l’objet d’un culte, tu l’imagines comment ?

Ce serait un culte d’opulence, avec des dorures, de l’art divin, des sculptures de marbre immenses. Beaucoup de contes qui retracent mes aventures où je vacille entre bien et mal, vices et vertus. Tu l’auras compris, je rêve d’être un dictateur.

C’est quoi le miracle de ta vie ?

De me dire qu’il y en a un qui arrive. Et de mettre à profit l’ennui en l’attendant.

Cet EP est plutôt émo, dans le bon sens du terme. Il faut souffrir pour écrire ?

Non je ne pense pas que ça soit indispensable. Mais bon, je trouve que le bonheur est trop rare pour être vendu. Et la tristesse est plus agréable à contempler qu’à ressentir. Si j’arrive à transformer toute la tristesse en bonheur, je n’aurais plus rien à chanter, et j’en aurai enfin fini de cette maladie, je pourrai mourir en paix.

D’où vient toute cette souffrance ?

Je ne dirais pas que c’est de la souffrance. Plutôt de la mélancolie, c’est plus adéquat, la mélancolie, car elle a un aspect rêveur. Puis c’est plus poétique la mélancolie, on a pas besoin d’y trouver une raison, c’est juste un état, elle est juste là. Je pense que ça se transmet, ça doit être de famille.

Crédits : Lola Margrain et Léonie Floret

Dans “Le cœur au coin des yeux” tu dis “Je m’en branle d’être virile” et “Je me dandine en jupe”. Tu essayes de déconstruire la masculinité ?

Je suis assez égocentrique pour en avoir rien à foutre de déconstruire quoi que ce soit. Dans cette chanson j’explique juste qu’à un moment donné je prenais mes côtés féminins comme quelque chose à rejeter puis petit à petit j’en ai joué et maintenant je me dandine quand j’en ai envie.

Je suis fasciné par les dandys, qui sont dans l’imaginaire collectif des monstres de séductions – auprès des femmes comme auprès des hommes- et qui ont pourtant parfois des traits et des attitudes très féminins. De toute manière je pense que je prêche des convertis, les gens qui écoutent ma musique sont déjà plutôt ouverts d’esprit. Je ne déconstruis rien à part mon compte en banque.

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Dans le clip de ce même son, il y a un véritable voyage au milieu des abats d’animaux. Quid du végétarianisme ? Où est passée toute cette viande ?

Pour être tout à fait honnête, j’adore la viande, et pour être tout aussi honnête j’adore les légumes. Par contre je n’aime pas trop les fruits, au grand dam de ma mère. C’est pour ça que j’attends avec impatience qu’on puisse manger de la viande synthétique à un prix abordable, qu’on meurt tranquillement d’un cancer et qu’on foute la paix aux animaux.

Par rapport au clip, on a récupéré des restes de viandes dans les boucheries, qui étaient destinés à être jetés. J’espère que ces restes auront nourri les chats et chiens errants du quartier.

Quelle est la symbolique de ces abats ?

Pour avoir une réponse plus précise il faudrait demander à Léonie et Lola. Mais selon moi c’est un clip qui met tout d’abord en avant une ambiance, plutôt intimiste et sombre, ainsi que des textures ; la viande crue, l’huile…

Le dernier son de l’album qui sortira en décembre, “Comme un amour krokodil”, sonne comme une lueur d’espoir, une déclaration sanguine d’amour. Un miracle est-il finalement possible ?

Un miracle est bien évidemment possible, mais je n’en parlerai jamais. Je ne voudrais rendre personne jaloux. Après, dans « Comme un amour krokodil », si on écoute bien les paroles ça compare l’amour à une sombre drogue composée de liquide de refroidissement – googlez « krokodil » si vous ignorez la peur. Parce que quand on accepte que ça fasse mal, c’est qu’on est vraiment déterminé.

Mais il est vrai que c’est la plus lumineuse, elle montre peut être que la réponse à tout les maux c’est la tendresse. Et un peu d’argent pour acheter des fleurs.

RELEASE PARTY LE 14 DÉCEMBRE À L’OLYMPIC CAFÉ

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