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Freddie Mercury, de l’immigré queer à la rockstar universelle

Freddie Mercury, de l’immigré queer à la rockstar universelle

Icône de la pop culture et légende du rock, Freddie Mercury vit toujours à travers ses innombrables tubes. Presque trente ans après sa mort, sa vie privée a été étudiée sous tous les angles faisant de lui une figure queer et un modèle d’immigration réussie. Pourtant, de son vivant, le chanteur évoquait très rarement ses origines et encore moins sa sexualité. Pourquoi fait-il aujourd’hui l’objet d’une relecture ? Les artistes queers et racisé·e·s peuvent-iels prétendre à un universalisme sans être renvoyé·e·s à leur condition ?

Lorsqu’en 1991, Freddie Mercury chantait « The Show Must Go On », se doutait-il de la prophétie portée par ces quelques paroles ? Sûrement, tant sa musique et celle de son groupe ont perduré au fil des décennies. En effet, qui n’a jamais chanté à tue-tête « Bohemian Rhapsody » avec ses ami·e·s ou « We Are The Champions » après la victoire de son équipe de foot préférée ? Se doutait-il également du role model qu’il deviendrait à travers les années pour un jeune public, qui parfois ne l’a jamais connu ? La figure d’un homme immigré et queer qui a su imposer sa musique dans le monde entier et être adulé par des foules à travers le globe ? Cité en immigré modèle et représenté en figure gay dans la pop culture, de son vivant Freddie Mercury évoquait extrêmement peu ses origines et n’a jamais fait de coming-out public. Pourquoi le chanteur est-il alors devenu une figure politique et un symbole ? Son parcours et sa postérité posent en fait une question toujours brûlante d’actualité : est-il possible pour un·e artiste non blanc·he et queer de vivre, de produire un art universel, sans être renvoyé·e à sa condition ?

Farrokh Bulsara dans l’ombre de Freddie Mercury

« Somebody to Love », « Killer Queen », « Bicycle Race » ou encore « Don’t Stop Me Now », derrière tous ces tubes se cache un homme : Freddie Mercury. Performeur iconique, diva rock et musicien de génie, il a amené son groupe mythique Queen en haut des charts et à travers le monde entier. Après avoir rempli les plus grands stades du globe, dont celui de Rio en 1985 où 300 000 spectateur·rice·s se sont réuni·e·s pour chanter « I Want to Break Free » qui deviendra leur hymne en pleine dictature militaire, Freddie Mercury finit par nous quitter en 1991, emporté par le sida. Avant de devenir la star planétaire qu’il a été, Farrokh Bulsara, de son nom de naissance, voit le jour le 5 septembre 1946 sur l’île de Zanzibar.

Manifesto 21 - Freddie Mercury
Farrokh Bulsara enfant à Zanzibar (Source : dailymail.co.uk)

Issu de la communauté parsie (communauté de réfugiés perses qui s’est installée en Inde suite la conquête de la Perse par les musulmans entre le VIIe et le VIIIe siècle) et élevé selon la religion zoroastrienne, il est envoyé en Inde à l’âge de 7 ans et devient élève au sein de l’internat St. Peter’s School. Selim Rauer, auteur de la biographie Freddie Mercury aux éditions Fayard, relate : « Il a grandi dans une grande et belle maison avec du personnel et avait une nounou qui s’occupait de lui. » Lors de l’émission Blockbuster sur France Inter consacrée au groupe Queen, Thomas Jamet, spécialiste des marques et des médias affirme que l’artiste avait confié qu’il lui suffisait de tendre la main pour qu’un verre de jus lui arrive très naturellement. L’île de Zanzibar ne tarde pas à être secouée par une révolution, et le jeune Freddie Mercury débarque en Grande-Bretagne avec sa famille. De son vivant, le chanteur évoquait très peu les premières années de sa vie. D’ailleurs le biopic qui lui a été consacré en 2018 (et qui est devenu le troisième plus gros succès de la 20th Century Fox) le montre comme honteux de ses origines, jusqu’à changer son prénom. À ce sujet, Selim Rauer rectifie : « C’était déjà le cas en Inde. Ses camarades au sein du St. Peter’s Boys School l’ont renommé Frederick et ses parents ont fini par adopter ce prénom de façon assez naturelle. » Il ajoute : « Freddie Mercury est issu d’un double exil, celui de sa communauté parsie pour l’Inde et ensuite le sien pour la Grande-Bretagne. Il avait compris l’importance de la possession de sa propre histoire. » Une enfance gardée secrète car « elle était sûrement hantée par de nombreux secrets et traumatismes » pour le jeune Farrokh.

Effectivement, selon les recherches de l’auteur, Freddie Mercury aurait découvert son homosexualité lorsqu’il était enfant et aurait eu une relation amoureuse avec un jeune garçon, ce qui était parvenu aux oreilles de ses parents et qui aurait provoqué un énorme malaise chez lui. Quand bien même, en privé, le chanteur se définissait comme anglais d’origine perse : « Beaucoup d’Iraniens sont très fiers de cette identité qui renvoie au prestige de l’Empire perse, c’est une façon de dire qu’il n’y a pas de soumission », ajoute Selim Rauer.

Manifesto 21 - Freddie Mercury
Farrokh Bulsara au sein de l’internat à St. Peter’s Boys School. Le troisième en partant de la gauche.

Quand l’opéra-rock et le lyrisme oriental se rencontrent

En grandissant à Zanzibar puis en Inde, Freddie Mercury a bénéficié d’une ouverture sur différentes cultures : arabe, musulmane, indienne et africaine. S’il est connu pour être celui qui a introduit l’opéra au grand public, on peut également trouver des sonorités et des procédés venant d’autres cultures. « Dans “Bohemian Rhapsody” ou encore dans “March of the Black Queen” il y a quelque chose de l’ordre de la complainte et du chant liturgique » analyse Selim Rauer. D’ailleurs, pour lui, il y a fort à parier que le jeune Mercury ait entendu de la musique égyptienne comme celle d’Oum Kalthoum : « Ce qu’il compose dans ses premiers albums, c’est très sophistiqué : il y a quelque chose dans l’utilisation des instruments à cordes, et puis la façon dont il utilise sa voix qui était à la fois éraillée, qui murmurait, et puis tout d’un coup pouvait avoir de grands élans assez glorieux. » Dans la discographie de Freddie Mercury, le titre « Mustapha », présent sur le septième album de Queen sorti en 1978, constitue une référence directe aux origines du chanteur. Il s’agit d’un pastiche reprenant la forme d’un appel à la prière musulmane, peut-être entendu lorsqu’il était enfant à Zanzibar.

Un coming-out posthume ?

L’autre sujet que le chanteur n’a jamais évoqué de son vivant est sa sexualité. Alors que la presse à scandale anglaise faisait ses gros titres sur les relations privées de Freddie Mercury, c’est réellement le lendemain de sa mort que le monde a eu la confirmation de l’homosexualité du musicien, et à travers les déclarations du guitariste de Queen, Brian May, sur un plateau de télévision. Ayant eu des relations amoureuses avec des hommes et des femmes, on peut aujourd’hui le définir comme bisexuel, même si cela est encore discuté chez certains fans. Qu’est-ce qui relie Freddie Mercury à la culture queer, lui qui n’a jamais revendiqué une quelconque appartenance ? Dans une scène rock majoritairement masculiniste, voire sexiste, Freddie Mercury a montré « une virilité autre » selon Maxime Donzel, réalisateur du documentaire Tellement gay. S’inscrivant sur la scène glam rock dans les années 1970, il a arboré de nombreux costumes colorés, pailletés et moulants. La décennie d’après, Freddie Mercury a continué à se jouer des codes avec son célèbre travestissement dans le clip de « I Want to Break Free ». Selim Rauer revient sur ce clip qui a valu au groupe d’être censuré par la chaîne MTV aux États-Unis. « Freddie Mercury a subi l’homophobie de très près. Le travestissement dans le clip de “I Want to Break Free”, qui à l’origine était une idée du batteur Roger Taylor, a été pris comme une déclaration de “queerness”. L’Amérique un peu facho, blanche, patriarcale et sexiste s’est dit : on ne va sûrement pas faire écouter ça à nos enfants » déclare-t-il.

Maxime Donzel cite l’attrait particulier de Mercury pour l’opéra comme un élément de la culture queer : « Il y a eu des études sociologiques sur la passion des homosexuels pour l’opéra. » Le réalisateur cite notamment le livre Anatomie de la folle lyrique de Wayne Koestenbaum en affirmant : « Il y a quelque chose de non viril dans la passion de l’opéra chez les hommes qui relève de l’ordre de l’émotion et de l’empathie. » Il ajoute à cela : « Quand bien même il n’était pas out, il n’a pas eu peur de ressembler aux gays de son époque en arborant le total look cuir et la moustache, il a même plutôt l’air de s’assumer et d’avoir confiance en lui. » Cette confiance, Mercury l’a transmise à ses fans qui ont trouvé en lui une force pour s’assumer, et c’est le cas de Linnéa. À 21 ans, la jeune suédoise est une fan de la rockstar qu’elle cite en role model : « Je me suis assez vite identifiée comme queer, mais je ne savais pas où me placer. J’avais peur de paraître différente, et quand j’ai appris plus de choses sur Freddie, ça m’a aussi aidée à en apprendre plus sur moi et à expérimenter les différentes personnes que je suis. » Linnéa ajoute à cela : « Pour moi, Freddie était totalement une personne queer. Regardez la façon dont il s’habillait, dont il bougeait sur scène : clairement, il vivait sa meilleure vie queer. »

Maxime Donzel souligne également que la relecture queer d’un personnage comme Freddie Mercury passe aussi par son décès. « Il n’est pas mort de n’importe quelle maladie. Le sida a décimé une très grande partie des communautés gay et trans. La propagation du sida a été accompagnée de politiques homophobes atroces. En mourant du sida, Freddie Mercury prend la forme d’un martyr pour les personnes queers. Il est la première star de cette envergure à mourir du sida. » Freddie Mercury devient alors, par sa mort, celui qui sensibilise le grand public à cette maladie.

Freddie Mercury ou le fardeau de la représentation

Le cas de Freddie Mercury interroge la perception que la société peut avoir sur l’art. Est-il possible pour un·e artiste non blanc·he et queer de vivre, de produire un art universel, sans être renvoyé·e à sa condition ? À ce propos, Keivan Djavadzadeh, maître de conférence en Sciences de l’information et de la communication à l’université Paris VIII, nous parle du « fardeau de la représentation » de l’historien Kobena Mercer. « On part du principe selon lequel certaines catégories de la population sont peu représentées dans les médias : à partir du moment où vous en avez une qui est présente et qui a la possibilité de faire entendre sa voix, on attend d’elle que chaque prise de parole serve à rendre compte de la multiplicité de la communauté dont elle est issue. » On peut faire l’hypothèse que cela aurait pu être le cas de Freddie Mercury, s’il avait revendiqué une quelconque appartenance. Sur la scène rock des années 1970 et 1980, Freddie Mercury représentait une exception du point de vue ethnique et esthétique. Selim Rauer cite comme contre-exemple David Bowie chez qui cependant « l’aspect queer et non conventionnel était une construction intellectuelle, tandis que chez Mercury il s’agissait de son identité ».

Freddie Mercury sur le tournage de « It’s a Hard Life » © MikeMaloney/Mirrorpix/Getty Images

De plus, Keivan Djavadzadeh relève la différence de traitement qu’une identité supposée ou proclamée peut avoir. Pour cela, il cite le monde du rap : « On voit clairement que dans le paysage médiatique, les rappeur·se·s blanc·he·s et les rappeur·se·s racisé·e·s ne sont pas logé·e·s à la même enseigne. » Pour lui, quand Freddie Mercury s’inscrit dans le rock qui lui-même est un genre musical blanchi, il fait une musique qui sera moins associée aux minorités raciales. Par ailleurs, il est à noter qu’il est le seul non blanc et non hétérosexuel de son groupe. Il y a une idée très présente aux États-Unis, celle du crossing-over, qui revient à passer du côté du grand public et qui est très difficile à atteindre pour les artistes noir·e·s et racisé·e·s. Pour illustrer ce propos, Keivan Djavadzadeh prend l’exemple de Beyoncé : « Quand elle sort l’album Lemonade en 2016, dans lequel elle affirme ses identités africaines-américaines et tient un discours politique, le traitement qu’elle va recevoir sera différent, ce qui provoque beaucoup de moqueries sur le fait que l’Amérique découvre qu’en fait Beyoncé est noire. »

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Selim Rauer souligne que la star « avait conscience qu’on pouvait lui faire payer très cher le moindre écart. Il représentait un empire financier à lui seul et avec Queen dans l’industrie musicale ». L’une des grandes ambitions de Freddie Mercury était de démocratiser l’opéra, en cela il souhaitait parler au plus grand nombre. « C’était peut-être sa façon de ne pas vivre dans l’altérité. Les artistes racisé·e·s vont être systématiquement renvoyé·e·s à leurs origines, à leurs différences, tandis qu’un·e artiste blanc·he ne sera jamais renvoyé·e à sa blanchité. Il/elle sera considéré·e comme normal·e » note Keivan Djavadzadeh. Selim Rauer parle également d’une éthique chez Freddie Mercury, celle de ne pas utiliser son histoire personnelle et celle de sa famille pour en faire un élément de marketing.

© Ziyed Yusuf Ayoub

On peut enfin voir la relecture de la figure du frontman par le prisme d’un changement d’époque. Ce qui devait être tu hier ne l’est plus aujourd’hui. Keivan Djavadzadeh interroge le biopic qui met l’accent sur les origines du chanteur : « Le film s’inscrit dans son époque. S’il avait été réalisé quinze ans plus tôt, est-ce qu’on aurait autant mis l’accent sur ses origines ? Aujourd’hui, il y a aussi cette peur du whitewashing de la part des studios, et ça a dû être le cas avec Bohemian Rhapsody. » En ce qui concerne l’identité queer, Maxime Donzel précise qu’aujourd’hui, on agite une menace pour les artistes queers d’être réduit·e·s à leur sexualité pour les encourager à se taire : « Pour moi, c’est une méthode de contrôle. C’est comme si on disait la même chose aux hétérosexuel·le·s. La culture hétéro est quand même lourdement marquée par le besoin de rappeler sans cesse qu’ils sont hétéros et de mettre en scène des histoires d’amour hétérosexuelles. »

Aux questions : l’art se doit-il d’être politique ? Les artistes doivent-iels être engagé·e·s ? Freddie Mercury semble avoir trouvé une réponse qui lui est propre. Son art lui servait de défouloir, et était pour lui un safe space dans lequel il pouvait apporter ses identités hybrides et multiples. Son biographe Selim Rauer conclut : « En étant universel, il a normalisé quelque chose qui ne l’était pas. Il est rentré dans la conscience et dans l’imaginaire collectif. Pour une personne de sa génération et de son époque, il a très bien su manœuvrer et a été efficace dans ce qu’il proposait. »


Image à la Une : © Ziyed Yusuf Ayoub

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  • L’article « REDDIE MERCURY, DE L’IMMIGRÉ QUEER À LA ROCKSTAR UNIVERSELLE » est une pure démonstration d’opportunisme idéologique, tordant sans vergogne la réalité pour servir une narrative politiquement biaisée. Sous couvert de rendre hommage à un artiste légendaire, l’auteur force une relecture anachronique et ridicule de la vie de Freddie Mercury, manipulant les faits pour les faire entrer de force dans une grille de lecture moderne qui ne lui rend absolument pas justice.

    Tout d’abord, prétendre que Mercury est devenu une figure queer et un modèle d’immigration réussie alors que lui-même n’a jamais revendiqué publiquement ces identités, c’est une insulte à son parcours. Mercury a choisi de préserver sa vie privée, notamment sa sexualité et ses origines, non par honte mais parce que cela ne regardait personne. Réinterpréter cette discrétion comme une preuve de honte est non seulement faux, mais également méprisant. C’est une tentative évidente de projeter les obsessions identitaires contemporaines sur une époque qui avait des dynamiques totalement différentes.

    Ensuite, l’article donne l’impression que Freddie Mercury aurait consciemment construit son image autour de son identité ethnique et sexuelle, ce qui est une absurdité totale. Mercury était avant tout un artiste, un musicien exceptionnel, et non un porte-étendard politique. Réduire son immense talent et son succès mondial à ses origines parsies ou à son orientation sexuelle est une réduction insultante et simpliste. C’est ignorer que son succès était avant tout dû à son génie créatif, son charisme et son travail acharné.

    L’article est aussi pathétiquement obsédé par l’idée que Mercury a « normalisé » une certaine forme de queerité, oubliant commodément que son plus grand succès réside dans son universalité, justement parce qu’il ne s’est jamais laissé enfermer dans aucune case identitaire. Il a transcendé les étiquettes et c’est précisément ce qui lui a permis de toucher un public si vaste. Le réduire à une simple figure politique, c’est un manque de respect flagrant pour son héritage.

    La comparaison avec des artistes contemporains comme Beyoncé est particulièrement malvenue et révèle l’incompétence de l’auteur à comprendre les différences contextuelles et historiques. Utiliser des exemples modernes pour forcer un parallèle avec Mercury montre une ignorance crasse et une mauvaise foi évidente. Chaque artiste évolue dans son propre contexte, et amalgamer ces contextes distincts ne fait que diluer le propos et discréditer l’article.

    Enfin, la prétendue influence de ses origines culturelles sur son œuvre est exagérée à outrance. Oui, Freddie Mercury a intégré des éléments variés dans sa musique, mais c’était avant tout un signe de son ouverture d’esprit et de son génie artistique, pas une revendication identitaire forcée. La musique de Mercury est universelle et c’est ainsi qu’elle doit être appréciée, non à travers le prisme déformant de l’obsession identitaire contemporaine.

    En somme, cet article est une tentative lamentable de récupération idéologique, manquant totalement de respect envers l’artiste qu’il prétend honorer. En tordant les faits et en projetant des obsessions modernes sur un génie intemporel, l’auteur ne fait que prouver son incapacité à comprendre et à apprécier la véritable grandeur de Freddie Mercury.

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