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Plongée dans le mystère Carbone, nouveau club techno

Plongée dans le mystère Carbone, nouveau club techno

Image à la Une : © H A Ï K U
A la rentrée, Carbone, un nouveau club techno plein de mystères a ouvert ses portes dans le 10ème arrondissement de Paris, à Gare du Nord. Je me devais d’aller y faire un tour pour vous.

Ça faisait un moment qu’on me parlait des teufs à la « Caserne » (où se trouve Carbone) un endroit non loin de chez moi à Stalingrad (un choix géographique de vie pour le moins étonnant quand on a la chance de me connaître). Bien que passant souvent devant, j’avais du mal à situer le lieu, jusqu’à ce que je capte que l’entrée de la Caserne se trouve littéralement à côté de l’inscription « Sapeur Pompier ».

À la rentrée, les injonctions à mon égard s’intensifient : « Meuf, tu connais Carbone ? » , « Mais nan t’es toujours pas allée à Carbone ? Il faut absolument que tu y ailles ! » J’ai l’impression qu’on me prend pour une espèce de Régine toujours avide de night alors que j’ai juste besoin de 10 h de sommeil par nuit et que me remettre d’un after me prend deux bonnes semaines. Bref, ce vendredi-là, c’est le grand soir. Je décide de m’y rendre. Je me saisis de mon téléphone pour appeler la Hotline, unique façon d’avoir des infos sur le club. Je compose le +33 7 56 81 51 56 et une voix m’annonce : « Bienvenue à Carbone, jeudi 27 Antidote Party, vendredi 28 Claudio PRC, samedi 29 soirée Antiverse ». Ça part.  

Nouveau hub mode, tendance et éco-friendly

Le club est à l’initiative de trois entités : Entourage Paris, Culture, et l’agence H A Ï K U. Je décide d’aller glaner quelques informations. Ce n’est apparemment pas une volonté d’être mystérieux·ses mais plutôt d’être indépendant·e·s et d’amener les gens à chercher l’information plutôt que de la leur livrer sur des réseaux sociaux qui sont Facebook ou Instagram. Iels souhaitent aller à l’essentiel : les gens qui sont intéressé·e·s appellent la hot-line pour avoir le line-up. Cette démarche signifie un parti pris aussi par rapport à l’offre actuelle de sorties. L’idée est de sortir de cette surenchère au booking, de faire venir des djs locaux et de permettre aux gens de découvrir de nouvelles choses. Il n’y a pas de prévente, pas de timetable. Tu viens et tu découvres.

J’arrive devant la caserne et je trouve ça joli. De l’extérieur, on peut voir de grandes fenêtres dans les étages qui diffusent des lumières douces, un peu de toutes les couleurs. Ça doit être le resto ou les bureaux. Car la Caserne se découpe en trois parties : un espace où des marques plutôt éco-responsables ont leurs locaux (l’idée est que ce spot devienne un hub “sustainable et fashion” pour notre petite planète qui en voit des vertes et des pas mûres); le restaurant Ora et donc Carbone. Pourquoi ce nom d’ailleurs ? Car le Carbone est à la base de toute vie sur terre et que le club, par définition, se trouve en sous-sol. A l’étage du dessus, il y a le restaurant Ora qui est végétarien. Aussi, c’était une façon de faire un petit coucou aux pompiers, anciennement installés dans cette caserne. J’en viens d’ailleurs à me demander comment un club peut être écoresponsable ? Les gens qui prennent trop l’avion se voient refuser l’entrée ? (J’ai vraiment mal au dos à force de porter tout cet humour.) Et bien non, ce n’est pas la bonne réponse. Figurez-vous qu’à Carbone, toutes les lumières sont recyclées. Matière Noire qui s’est chargé d’allumer la boîte a utilisé d’anciennes LED qui servaient de déco de Noël aux Galeries Lafayette. Carbone a aussi mis des purificateurs d’air au bar. Iels ont évité au maximum de produire ou de faire produire des choses. La seule chose toute neuve, c’est leur système son, du L-ACOUSTICS dont iels sont assez fièr·e·s.

« La sécu, c’est un point sur lequel on n’est pas encore parfait »

Bon, assez tourné autour du pot, il est grand temps d’entrer dans le club et, ça, ce n’est pas une mince affaire. À la première entrée, dans la rue, les agent·e·s de sécu et la physio sont cools et souriants. On entre, on descend quelques escaliers, c’est au bout de ces marches que le public achète ses places. Déjà les lumières sont rouges et les murs bruts, on est dans une ambiance minimaliste. First step. À noter ici que, comme dans de nombreuses soirées, les photos et vidéos sont interdites. Si tu veux voir à quoi ça ressemble, il faut venir.

Puis encore des escaliers jusqu’aux portes du club. Là, la sécurité se livre à une fouille assez poussée, des pieds à la tête. En d’autres termes, il est très dur de faire rentrer de la drogue dans ce club. Si vous en avez, cachez-la bien (just kidding, ça va !). 

Je demande aux teufeurs et teufeuses leur sentiment sur cette fouille assez inhabituelle pour un club techno, en tout cas à Paris, et je reçois deux sons de cloches. Alice a 25 ans, elle est graphiste et porte une minijupe en skaï : « Je fais pas mal de soirées techno et c’est vrai que c’est un peu abusé de fouiller autant. Si ce n’était que ça, ça irait, mais la sécu est même présente sur le dancefloor, passe entre nous… J’ai l’impression d’être surveillée et c’est assez dommage, c’est le seul point négatif que je pourrais trouver à ce club. » 

Juliette a 29 ans et c’est une professionnelle du monde de la nuit. Pour elle, le niveau de sécurité est plutôt positif : « Un club qui fait attention à la drogue, c’est un bon club, il ne faut pas être teubé. Moi qui bosse dans la nuit, je ne trouve vraiment pas ça déconnant. Iels sont peut-être un peu zélé·e·s, mais j’imagine que c’est un nouveau lieu, qu’iels doivent avoir des autorisations particulières et qu’à la première couille, l’endroit saute. » Ici, si un·e membre de la sécurité trouve un produit illégal, deux solutions s’offrent à toi : tu la gardes et tu vas faire la teuf ailleurs, ou alors tu t’en sépares et tu peux rester. 
Je demande aux équipes du lieu si iels ont eu des soucis de sécurité depuis l’ouverture ou bien si iels sont simplement très vigilants ? Iels me répondent qu’effectivement, il y a le fait que ce soit un nouveau club, que le bâtiment appartient à la Mairie de Paris, et donc, qu’iels sont très surveillé·e·s.

Sur le dancefloor, chemises colorées et harnais noirs

La clientèle d’ailleurs, ça dit quoi ? Eh bien, c’est assez éclectique. La plupart des gens auxquels je pose mes petites questions viennent pour la première fois. Iels ont entre 18 et 40 ans. Dans le fumoir, je croise Marc-Antoine qui tente de me définir la population du club ce soir-là : « Je trouve que c’est un savant mélange entre des chemises colorées et des harnais noirs. De toute façon, la fête à Paris, c’est ça. » Benjamin, 30 ans, fait une thèse en sciences politiques et il porte des petites lunettes toutes rondes. Lui aussi me partage son sentiment sur le club : « On m’a parlé de ce nouveau club, et je me suis dit que j’allais passer une petite tête, une demie-heure à tout casser. C’était il y a quand même deux ou trois heures ! J’aime beaucoup l’esthétique du lieu qui est très brut, et l’ambiance avec ces lumières rouges. » Une ambiance, minimaliste, c’était l’idée et, visiblement, nombreux sont les fans de béton dans le monde de la techno. C’est l’architecte Nicolas Sisto qui s’est chargé du design du lieu. Et quid des prix ? Rosa, une fêtarde de 23 ans me dit que « ce sont des prix parisiens. » Somme toute, l’entrée est à 15 euros et la bouteille de Cristalline de 33 cl à 5 boules (et ça ce n’est pas très écolo !). 

La plupart des gens qui sont ici ce soir, c’est parce qu’iels ont entendu parler du club par des potes. Effectivement, zéro event sur les réseaux, c’est par le bouche à oreille que se font les allées et venues dans cette nouvelle discothèque. Gabriel, 19 ans, en deuxième année d’archi connaissait déjà le lieu : « J’étais venu à la Caserne avant que ce soit le club Carbone. C’était pour une soirée Interlope Magazine. Je trouve le lieu et l’esthétique très niche, underground. Mais il y a quelque chose où je dirais qu’il y a “trop de pas assez”. La hot-line est un peu trop mystérieuse, on a du mal à capter toutes les infos, bien que la programmation soit cool. J’ai aussi du mal à comprendre toutes les DA différentes : les soirées Antidotes le jeudi, les soirées du club le vendredi et Antiverse le samedi. Je pense que le club cherche encore ses marques, mais dans l’ensemble, c’est plutôt bien ! »

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Est-ce une bouffée d’air frais, un vent de nouveauté pour la techno parisienne ? Sarah, 39 ans et inconditionnelle du bar techno le Liebe me répond : « Je trouve que ça donne tellement un coup de fouet aux soirées parisiennes, ça me fait penser à Berlin ! Avec le système son qui est ouf, une infrastructure de la Mairie qui est dédiée à la techno… » D’autres sont plus tempérés : « Je trouve que l’esthétique de Carbone est hyper jolie, vraiment ça me touche. Notamment le travail des lumières. En revanche, j’ai du mal à trouver une ambiance, une symbiose dans le public. Le lieu est vraiment cool, mais de là à dire que ça va révolutionner la techno à Paris, peut-être pas non plus » me dit Juliette, la pro de la night.

Affaire à suivre, donc. 


« Tous les jours c’est samedi soir », c’est la chronique de Manifesto XXI sur la nuit et la fête. Ici, pas d’analyse musicale ni de décryptage de line-up. L’idée est plutôt de raconter avec humour ce monde de la fête que l’on connaît tout bas. Qu’est-elle devenue après plus d’un an de confinements ? Qui sort, et où ? Et bien sûr, pourquoi ? Manon Pelinq, clubbeuse aguerrie, entre papillon de lumière et libellule de nuit, tente d’explorer nos névroses interlopes contemporaines, des clubs de Jean-Roch aux dancefloors les plus branchés de la capitale.

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Article mis à jour le 16/11/2022 à 11h47

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