Artiste aux multiples talents, Aloïse Sauvage nous parle de la féminité, du breakdance, et de sa vulnérabilité lorsqu’elle évolue sur scène. Rencontre avec un talent brut qui ne cesse de surprendre.
Après quelques clips de pop-rap et un rôle dans le film 120 battements par minutes, Aloïse Sauvage aura carte blanche lors de la soirée « À définir dans un futur proche #4« , ce samedi 23 juin à la Maroquinerie. Elle sera entourée de nombreuses artistes, telles Regina Demina, Constance Debré, Ari de B, Sarah Stern et Natalie Beder, Fanny Sage pour nous créer une constellation de talents. On s’y voit ?
Manifesto XXI – La soirée du 23 juin propose une nouvelle programmation de femmes artistes qui déconstruiront et exploreront la notion du féminin. Est-ce que la féminité est une notion qui occupe une place dans ton travail ?
Aloïse Sauvage : La féminité est une notion qui m’intéresse et m’interpelle forcément car je suis une femme. Ce n’est pas particulièrement une thématique sur laquelle je mène une recherche approfondie mais elle fait partie de moi, donc je la prends naturellement en compte. Je ne revendique pas un type de féminité. Je revendique la féminité comme étant plurielle : comment moi, en tant qu’individu(e) je la ressens.
Est-ce qu’il y aurait forcément un « caractère féminin » propre à toutes les femmes ? Evidemment, je suis persuadée que non. Et c’est un peu rageant lorsqu’on associe forcément des mots à un ressenti féminin et/ou masculin ; comme si l’énergie vive et combative était forcément une « énergie masculine », par exemple. Que faisons-nous en 2018 de notre définition de la féminité, des clichés qui lui sont liés et de la vision très binaire de ce qu’elle représente ? C’est tout l’enjeu.
Ton style vestimentaire est en quelque sorte du streetwear, notamment avec ta tenue de scène (short et basket). C’est quoi le message que tu essayes de faire passer ?
Je ne fais passer aucun message si ce n’est celui de m’habiller comme je l’entends. Sur scène, je voulais une tenue qui me ressemble mais qui puisse être totalement différente d’un vêtement trop quotidien. Personnellement, j’aime pouvoir me présenter sur scène en ayant une tenue « originale », comme pour marquer symboliquement le passage de la vie « normale » au plateau scénique.
Disons que ma tenue en ce moment rassemble un peu tout ce que j’aime : un côté streetwear vintage associé à une touche plus « classe », mode, un peu plus féminine justement.
Je pense que mon style n’est pas vraiment calculé et qu’il a simplement été influencé par ce que j’ai vécu, notamment ma pratique du breakdance. Les danseurs/danseuses aiment être bien habillé(e)s ! Sur scène, je me sens simultanément invincible et vulnérable. Tu dois, en tant qu’artiste, assumer quoiqu’il arrive quelque chose de très fort. Et tu te rends bien compte que si tu dézoomes sur ce qu’il se passe, tu es quand même toute seule face à des milliers de personnes.
C’est David contre Goliath (même si les gens ne viennent pas pour te tuer, au contraire, et bien heureusement). Et, quelle que soit ton habileté à être sur scène, tu es obligé(e) d’être « invincible ». En même temps, c’est le moment où j’analyse chaque micro-mouvement qui sort de mon corps, celui où je suis la plus sincère, où j’improvise, où je sais que je peux me tromper, où je vois les gens de visu et en direct. Cela rend très vulnérable, mais tant mieux si l’extrême sincérité est de la partie.
Est-ce que le mouvement féministe t’intéresse ?
Le féminisme est un peu mis à toutes les sauces et je me demande toujours ce qu’on entend dès lors quand on me pose la question. Je dirais que pour moi le féminisme rejoint l’humanisme. En fait, j’aimerais jusque qu’être une femme soit quelque chose de complètement banal et de normal dans la société. Acquis. Évident. Égalitaire. Qu’être une femme = être un être humain. Donc que l’égalité hommes – femmes ne soit même plus quelque chose à débattre. Les choses changent, mais ça me rend dingue qu’il y ait encore besoin de se battre pour cela en 2018. Il y a en plus vraiment des raisons de se battre… Donc bien sûr que je défends tout cela. Je défends en soi tous les mouvements qui poussent à l’égalité entre les individus.
On dit de toi que tu es une artiste avec plein de casquettes (ou claquettes) : selon toi, est-ce qu’il y a un domaine qui te manque, que tu aimerais bien avoir ?
Du temps.
Pour tenter ce que je veux et surtout pouvoir me recentrer sur l’art. Pour continuer à développer cette identité plurielle qui me parle par la liberté d’action qu’elle engendre. Si il faut citer quelques exemples, j’aimerais beaucoup composer ma propre musique, danser tous les styles de danse, être championne d’arts martiaux, pratiquer la méditation comme personne etc. Tout ce qui pourrait me donner l’opportunité d’être davantage mobile, me donner de la force pour continuer à partager ensuite des émotions, elles-mêmes se baladant à travers différents médiums, différents moyens d’expression.
Article : Clothes Barbie