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Wet Leg, la success story surprise

Wet Leg, la success story surprise

Wet Leg, premier album de la formation anglaise du même nom, était peut-être l’un des albums les plus attendus de l’année dans la petite communauté du rock français. Les premiers titres avaient excité les fans de ce son insolent dont les membres fondatrices ont le secret. On est revenu sur la genèse du groupe avec Rhian Teasdale et Hester Chambers, leadeuses de Wet Leg. 

« On est tellement heureuses, on se sent tellement chanceuses ! » répètent sans arrêt Rhian et Hester alors qu’on les a rejointes dans les bureaux de Domino Recording Co, à Paris. C’est que les deux jeunes femmes ont du mal à réaliser ce qu’il s’est passé ces six derniers mois, après la sortie de leur premier single « Chaise Longue ». Éblouies, un peu sonnées mais surtout ravies, elles nous ont raconté leur parcours, tout juste revenues du Portugal.

L’île de Wight est une masse rocheuse d’un peu moins de 400 km2, battue par les vagues de la Manche et peuplée d’environ 140 000 habitant·es. Souvent comparée à un diamant pour sa forme et riche d’un patrimoine culturel immense (tant en musique qu’en littérature ou en peinture), l’île a de nouveau sorti de sa mine un nouveau petit miracle : Wet Leg. Très vite, leur musique a traversé la Manche, la Méditerranée, l’Atlantique, surfant sur la vague d’un succès soudain

Wet Leg
© Hollie Fernando

« On the chaise longue, all day long on the chaise longue ». S’il vous arrive de traîner dans quelques-uns des bars parisiens un tant soit peu rock and roll, vous avez forcément entendu ce refrain. S’il n’a pas rejoint la playlist de Tendance Ouest, dans le petit monde du rock ce titre a déjà bien usé les dj sets, méritant largement le sacre de « tube ». Avec un chanté-parlé qui imprime dans le cerveau une mélodie simple et efficace, un humour un poil cynique, une voix cristalline qui dénote avec les guitares acerbes qui parcourent le reste du disque et un joli cocktail d’influences pop, punk, rock et disco, Wet Leg balaye d’un revers de main la prétention et le sérieux pour une musique qui fera danser les plus mélancoliques. 

Wet Leg est né d’une suite de rendez-vous manqués. Rhian et Hester, amies depuis de longues années, s’activent dans des groupes en évitant soigneusement de jouer dans les mêmes. Jusqu’au jour où elles se retrouvent enfin à chanter ensemble, dans le groupe de leurs amis. Elles mettent peu de temps à comprendre la connivence qui les unit, et naît alors la nécessité de créer quelque chose toutes les deux. « On allait en festival, on absorbait beaucoup de musique ensemble, se rappelle Rhian. Je pense que ça nous a donné l’idée, et la certitude que l’on voulait créer un nouveau groupe toutes les deux. On voulait essayer quelque chose de nouveau pour nous, alors on a attrapé nos guitares, on a fait le pacte d’écrire des chansons pour Wet Leg. » 

Dans la foulée, Hester et Rhian signent chez Domino, enregistrent leur album et finissent par sortir un premier single. Tout se précipite. La vie se déroule sous leurs pieds, leur musique voyage avec elles sur les talons. Mais pour elles, tout ça est plutôt lunaire, difficile à concevoir. « C’est tellement drôle… Parce qu’on a vraiment commencé Wet Leg pour s’amuser. On avait l’espoir d’être programmées dans quelques festivals pour l’été prochain, parce que comme les billets de festivals sont excessivement chers, on s’est dit que c’était une bonne solution pour continuer à y aller sans dépenser. Et finalement on s’est retrouvées à aller en Amérique, à jouer pour des émissions de télé, on a fait la première partie d’artistes vraiment incroyables… » nous dit Rhian, les yeux brillants d’émerveillement. 

Entre l’élaboration du plan festival gratuit et la tournée internationale, Rhian et Hester ont enregistré un album, loin des oreilles curieuses, encore préservé dans le cocon de la création. En pleine effervescence démiurgique, elles ne prennent pas le temps de se poser la moindre question, et disent être seulement très excitées et reconnaissantes d’avoir cette opportunité. Hester raconte : « Je crois qu’on n’a jamais trop réfléchi à ce que ça serait quand d’autres gens que nous écouteraient cet album. On s’est efforcées de n’avoir aucune attente. C’est certainement pour ça qu’on est si heureuses aujourd’hui. On a décidé de ne se mettre aucune pression, nous voulions vraiment créer un “safe space” pour travailler. Et ça ne peut pas être un “safe space” si on se met de la pression. » 

Wet Leg
© Hollie Fernando

« Et il y a eu le concert au Supersonic, qui était complètement fou » reprend Rhian. Programmées dans le cadre du Pitchfork festival, à 22h30, elles sont attendues de pied ferme et passé 20h30, plus personne ne peut entrer, la salle est pleine. Paris ne les a pas trahies, Paris les attendait. Ainsi que toutes les villes qui ont suivi. « C’était notre premier concert hors d’Angleterre alors on ne savait pas trop à quoi s’attendre. Mais on ne s’attendait certainement pas à ça. L’ambiance était super, les gens étaient réellement contents, dansaient, faisaient du crowdsurfing, iels ont presque envahi la scène ! C’est tellement fou, de voyager, de se retrouver dans ces pays et de voir que les gens connaissent les paroles de nos chansons ! C’est une expérience très bizarre… Je n’ai sincèrement aucune idée de la raison de ce succès. Il s’est passé tellement de choses ces derniers mois, nous avons eu bien plus que tout ce dont on avait rêvé ! » Dans un rire, Hester ajoute : « Ce n’est pas ce qu’on avait commandé ! » 

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Le secret de leur succès, au-delà de leur propension à composer des tubes, c’est aussi une écriture sincère, qui met les auditeur·ices dans une position similaire à celui ou celle qui lit le journal intime de quelqu’un·e par-dessus son épaule. Si leur musique parle un langage qui dépasse les frontières, c’est qu’elle relate une vie simple, quotidienne, intime. Les chansons de Wet Leg, c’est les galères de tous les jours, les déceptions sentimentales, tous les paradoxes qui nous traversent toustes. « La façon la plus naturelle d’écrire une chanson, nous confie Rhian, c’est de donner de soi. Il faut y injecter quelques détails vraiment honnêtes, sinon on finit par écrire de façon artificielle. » Et Hester rebondit : « Écrire des chansons peut avoir un côté libérateur, comme le journal intime. Ensuite, on s’est beaucoup amusées à créer, en quelque sorte, ces personnages qui vivent dans nos chansons. Pour ce qui est de la composition, on aime explorer au maximum les possibles. Moins de frontières pour plus de fun ! C’est très libérateur de se laisser aller à l’exploration. Et puis j’ai l’impression que finalement, il en ressort toujours quelque chose qui nous ressemble. »

Aujourd’hui, l’album est sorti, scellant enfin la promesse faite à leur public. Oui, elles sont au rendez-vous, elles ont vendu la peau d’un ours qu’elles avaient chassé bien comme il faut. Et pour la suite ? La promesse d’être heureuse, conclut Rhian : « On prend chaque jour comme il vient, parce que notre calendrier est très chargé ! Mais on est très excitées de faire enfin naître l’album. Parce qu’une fois que c’est fini, que c’est sorti, ce n’est pas comme si on allait écouter notre propre album en boucle… C’est nouveau pour tout le monde mais nous on l’a enregistré il y a plus d’un an, alors on s’en est déjà un peu détaché, d’une certaine manière. Donc on a hâte de commencer de nouvelles choses ! On voudrait faire des doubles concerts, avec d’autres groupes ! Et puis on va être heureuses. On va instaurer une règle, et cette règle est d’être les plus heureuses possible ! Je vais apprendre à crier. » 

Image à la Une : © Hollie Fernando

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