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Vox Low va faire trembler le Paris Psych Fest 2018

Vox Low va faire trembler le Paris Psych Fest 2018

On s’attendait à rencontrer quatre blousons noirs limite un peu bourrus – voire incontinents (cf. leur bio sur Born Bad Records) –, on est accueilli par des tee shirt aussi haut en couleur que l’humour des torses qui les portent. Leur son est dark. Leurs sourires, lumineux. J.-C. (Jean-Christophe Couderc, voix/synthés), Ben (Benoît Raymond, basse/synthés), Math (Mathieu Autin, batterie/percus) et Guillaume (Léglise, guitare/synthés), ce sont quatre garçons qui ont le vent en poupe, depuis qu’ils naviguent sous pavillon Vox Low.

« Là, on pourrait faire un kick à la New Order », dixit J.-C. en descendant de la scène de Mains d’œuvres (Saint-Ouen) où le groupe, en résidence, s’applique à peaufiner le live du Psych Fest, malgré les quelque 30 dates qu’ils ont déjà dans les pattes, « parce que c’est une date importante » (J.-C.). Vox Low est en effet programmé ce samedi 1er septembre à la Machine du Moulin Rouge, le même soir que la tête d’affiche de cette cinquième édition, Ariel Pink. Le live, c’est ce qui a donné vie à cette formation qui existe telle quelle depuis 2015 et qui, depuis, se hisse en tête d’affiche à la force tranquille de ses basses épaisses et entêtantes, de ses kicks pulsés, de sa voix pénétrante et de sa guitare « saignante », sans oublier ses synthés psychés. Non contents d’avoir été remixés par Ivan Smagghe (« I Wanna See The Light », Astro Lab Recordings), les quadras peuvent se vanter d’avoir été propulsés par Andrew Weatherhall, qui les a programmés avec succès au festival Convenanza (Carcassonne) en 2015. Un premier album self-titled chez Born Bad Records, sorti en février dernier, aura suffi à transcender l’expérience Think Twice, menée par J.-C., Ben et Math au début des années 2000. « Now We’re Ready To Spend » donne le ton des neufs tracks hypnotiques et trippants qui composent un album où dark wave et scansions techno tiennent l’auditeur en haleine jusqu’au dernier morceau, « Rejuvenation », 7 mn de plaisir progressif qui sont l’occasion pour le groupe de renouer avec son affection pour les formats longs. Ils nous parlent live, vélos d’appartements et projets à venir.

Manifesto XXI : Rejouer au Psych Fest, trois ans après vous y être produits pour votre premier concert, vous bouclez une boucle ?

Jean-Christophe : C’est ça. Quasiment trois ans jour pour jour, puisque c’était en juillet et là, c’est en septembre…

Vous faites évoluer le live ?

J.-C. : Au début, les positions sur scène ont changé et le live a évolué…

Benoît Raymond : Mais depuis quelques mois on essaye de garder la même ligne. Ce sont les mêmes morceaux, déjà.

J.-C. : Depuis la sortie de l’album on a intégré « You Are a Slave », « Rides Alone », des morceaux de l’album qu’on ne jouait pas, avant, sur scène. Et puis on garde toujours « Something Is Wrong » [qui avait édité sur le label de Jennifer Cardini, Correspondant, ndlr] en dernière position : lui, pour le coup, peut vraiment varier.

Vous vous attendiez à avoir des jeunes dans votre public ?

J.-C. : On commence à constater que ça devient intergénérationnel. Mais c’est vrai qu’au tout début on s’attendait à faire une musique de quadras. On s’adressait avant tout à nous-mêmes (rires) et aux gens qui nous ressemblent un peu dans leurs choix musicaux. En fait, lors de la release party à la Station [le 18 mars dernier, ndlr] on s’est aperçu qu’il y avait des kids : ça allait de 18 ans à 55 piges, 60 piges… Les gens étaient là pour nous, c’était super flatteur et super motivant. En plus, ça a été sold out quatre jours avant : on s’y attendait pas du tout. La jauge n’était pas énorme – 290 places, je crois –, mais on s’attendait à vendre 150 places, remplir avec des copains… et, d’un coup, c’est sold out ! On voyait des messages « cherche place » et, devant l’entrée, il y avait une trentaine de personnes qui attendaient, dans la neige, en espérant quand même pouvoir rentrer. Là, tu te dis qu’il se passe un truc…

Vous dansiez sur Ivan Smagghe avant qu’il vous remixe ?

J.-C. : Smagghe, à l’époque de Nova, quand il avait son émission « Test » [une quotidienne en prime-time qui a duré 4 ans, ndlr], c’était un truc que j’écoutais régulièrement. C’est un puits de culture. Et il avait le goût d’aller chiner des trucs un peu improbables. Et ce qu’il a fait avec Black Strobe (avec Rebotini et David Shaw), c’était super aussi. C’est gratifiant d’être remixé par un mec comme ça.

Vous avez d’autres parrain.e.s « gratifiant.e.s »…

J.-C. : Il y a surtout Andrew Weatherhall, qui nous a propulsés.

B.R. : C’est le live aussi. C’est grâce au festival à Carcassone qu’on s’est dit qu’il y avait un truc à faire. Le Psych Fest 2015 a été un test, là ça a été une confirmation. Le Psych Fest c’était chaud, dans tous les sens du terme : il faisait 40 °C, c’était la canicule, on avait le trouillomètre à zéro, la scène était minuscule, on avait eu que 40 mn pour l’installation et les balances… c’était rock’n’roll mais on l’a fait…

J.-C. : Après ce concert on en a fait un deuxième au Trabendo, pour une soirée Gonzaï, ça tenait toujours la route. Puis ce troisième, à Convenenza – pour lequel on a encore plus bossé. On a cravaché. Et on a fait un super concert, avec un public parfait. Ça nous a donné envie de continuer : Weatherhall qui nous présente comme son « favorite combo of the moment »…

La rencontre avec Born Bad ?

J.-C. : C’est un label auquel on aurait à peine pensé. Parce qu’on se disait qu’il était plus orienté rock, rockab’, Frustration, très très new wave… et qu’on était un truc trop hybride pour lui. Donc : merci J.-B. [Jean-Baptiste Guillot, ndlr], son ouverture d’esprit et son goût de l’aventure. Il est venu nous chercher dès 2015, avant même Convenanza. Il a écouté les morceaux et nous a envoyé un petit message.

Comment travaillez-vous avec Jean-Baptiste Guillot ?

B.R. : Quand les morceaux ne lui plaisent pas trop, il te le dit. Et on en tient compte… ou pas.

J.-C. : Par exemple, le morceau « We Can’t Be Blamed », il n’en voulait pas, au début. Il nous disait : « Oh mais ça, vous êtes capables d’en faire au kilomètre ! » Et, finalement, il est très content qu’il soit dessus. Il trouve que ça a du sens et qu’il est bien. Pour nous ça avait du sens que ce morceau, qu’on aime beaucoup, soit dans l’album. Et il nous a dit : « Ok, faites votre truc. On verra à la fin ce que donne le tracklist sur l’ensemble »…

B.R. : Pour le tracklist il nous a bien aidés, en revanche.

J.-C. : Ça fait chier de le dire, mais le tracklist répond un peu à une logique « marketing », dans le sens où, comme il nous l’a dit : « La façon dont les gens écoutent les disques à l’heure actuelle, il faut que le premier claque ; que le deuxième en rajoute une tarte dans la gueule ; et que le troisième, tu te fasses pas chier. » « Rejuvenation », c’est un morceau pour lequel on a aussi argumenté, parce qu’on a l’habitude de faire des morceaux très longs, entre 8 mn et 10 mn. Là, il nous a dit que c’était pas possible de ne mettre que quatre morceaux sur l’album. Donc on s’est contraint à resserrer, mais on lui a dit qu’il en fallait un qui soit un peu trippant. On s’est dit qu’en conclusion de l’album ce serait parfait.

Si je vous disais qu’on peut l’écouter en intraveineuse cet album ?

J.-C. : On est hyper fiers et contents de l’accueil qu’a eu cet album, parce qu’au bout d’un moment on a plus de recul dessus. On a bossé, on l’a fait. À un moment, il faut lâcher le truc. On sort du studio et on se dit : « On est contents des mix, on s’arrête. » Quand tu lis les interviews des musiciens, là-dessus on a toujours le même discours : au bout d’un moment t’es obligé de lâcher, sinon tu ne t’arrêtes jamais. De refaire des mix. De revenir corriger. Et c’est vrai que, contrairement aux albums de Think Twice, pour ma part j’en suis ressorti plus satisfait.

B.R. : Évidemment !

J.-C. : Il n’y a pas eu de regret au bout d’un mois du genre : « Ah ! putain ce morceau on a foiré le truc ». Je pense qu’on a mieux bossé, qu’on est plus matures.

B.R. : Et plus efficaces.

J.-C. : Il y avait une bonne étoile, en plus. Et puis il y a nos copains, Pierrot [Pierre-Yves Casanova, ndlr] et Nico [Nicolas Borne, ndlr], chez qui on a fait ça, au Shelter Studio. Ce sont des super geek-ingés son-musiciens qui nous ont bien aidés.

M.A. : Ça joue aussi, ils ont un super studio.

J.-C. : Ils ont amené un truc. Surtout, ils ont cru au projet – de toute façon, ils ne marchent qu’à ça. Ils ont ajouté leur pâte dans la prod, certains synthés… Ce sont de très bons copains mais, surtout, ils sont sans concessions. Si le projet ne leur avait pas plu ils auraient été sympas, mais là, ils se sont investis parce que l’album leur plaisait. Ce n’est vraiment pas l’argent qui les motivait.

Vous avez gardé les vélos d’appartements (cf. le clip de « We’re Ready To Spend ») ?

J.-C. : Ils ne nous appartiennent pas. En fait, le clip a été tourné dans cette véritable salle : Sophie est notre vraie coach sportive – on lui a dit de s’inscrire dans les agences de casting. Elle a fait une seule prise en 10 mn. C’est un personnage, elle est intense.

Le clip se passe dans une petite salle du 20è arrondissement de Paris, qui est vraiment notre salle de sport. Guillaume et Math s’y sont mis, Ben, non [on aura aussi remarqué chez Ben une certaine propension à dire « non », ndlr]. On s’entraîne vraiment trois fois par semaine.

Un internaute qualifie votre album de « première branlée de l’année ». Au-delà, votre album a fait carton plein côté critique…

J.-C. : C’est super parce qu’en plus on appréhendait un peu, c’est toujours compliqué les critiques. Là, j’en ai pas vraiment vu de mauvaises, hormis Noisey qui nous a reproché d’incarner ce truc un peu mou du genou ambiant… après, on assume ! Parce que c’est volontairement lent, un peu hypnotique, avec des rythmiques droites. Effectivement, on ne voulait pas faire du math rock…

Vous vous connaissez depuis combien de temps, tous ?

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J.-C. : avec Benoît, depuis 16 ans. Math depuis 2007 et avec Guillaume depuis une dizaine d’années.

J.-C. et Ben, quand Math et Guillaume vous ont rejoint pour les bons soins du live en 2015, c’était une évidence ?

B.R. : Math oui, puisqu’il jouait avec nous dans Think Twice. Il est pas bon mais il est sympa. (rires) Et Guillaume, on cherchait quelqu’un pour la guitare et les claviers. On avait un fait un remix pour My Broken Frame [le premier projet de Guillaume, ndlr]. Et, comme il est capable de faire de la guitare et des claviers, et qu’il est un peu sympa… la mayonnaise a pris tout de suite. Il faut aussi parler du cinquième – et du sixième ! Le cinquième, Aurélien, c’est notre ingé son, qui est vraiment la cinquième personne du groupe. On partage tout : les galères, les galères de thune…

Mathieu Autin : C’est une exigence d’avoir toujours la même personne au son qui bosse avec toi, qui connaît les morceaux : il y a quand même pas mal de choses, des synthés à gérer.

J.-C. : Et il y a encore « Numéro Bis », qui s’appelle Aurélien aussi, qui est ingé son aussi, qui remplace Aurélien sur les dates où il ne peut pas être là. Pareil, il est pas très bon mais il est sympa aussi, puis il raconte des bonnes blagues.

Les influences de chacun ?

J.-C. : Le rock alterno, la new wave, la musique électronique.

B.R. : Moi c’est plutôt rock. Je suis le moins électronique de tous.

M.A. : Moi aussi rock. Et le hip hop.

Guillaume Léglise : Plutôt la pop indé et la musique électronique, parce que j’aime aller dans les clubs.

Vous préparez un deuxième album ?

B.R. : On bosse toujours sur des trucs, ça commence à s’accumuler. On verra quand le temps sera venu…

J.-C. : Quelques remixes sont en train de se mettre en place chez Born Bad. On ne sait pas encore exactement quand ça va sortir. Par un groupe qui s’appelle Abschaum, qu’on a rencontré au festival Nuits Sonores. On adore ce qu’ils font, c’est un peu psyché, garage. Ils vont faire une reprise – parce qu’ils ne sont pas du genre à faire des remixes. Toulouse Low Trax va aussi nous faire un remix. On adore cette prod. Je l’ai rencontré un soir de beuverie. Pilooski aussi. On le connaît très bien, c’est un copain depuis longtemps donc on a pensé à lui naturellement. Et enfin Orestt, qui avait sorti notre premier EP sur son label Evrlst, qui est un copain de longue date et un excellent musicien. Je pense que ce sera pour janvier-février. On aimerait faire une date anniversaire à la Maroquinerie pour la sortie de l’album, et sortir les remixes à ce moment-là. L’album, on va en discuter au début de l’hiver : ça aurait du sens qu’on le sorte deux ans après le premier [à l’hiver 2019, ndlr].

Un dernier mot sur cette édition du Psych Fest, vous irez voir d’autres artistes ?

En chœur : ah oui ! C’est ce qu’on fait toujours. On ira voir Volage, on connaît un peu et on adore ce qu’ils font.

G.L. : Et Faux Real aussi, deux frères que je connais un peu. Et Ariel Pink, que j’ai déjà vu en live et que j’adore.

J.-C. : Et puis The Oh Sees.

La prog du Paris International Psychedelic Festival.

L’album de Vox Low.

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