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Discussion épique avec La Vague, duo pop-rock de notre post-époque

Discussion épique avec La Vague, duo pop-rock de notre post-époque

Nous les avons connus grâce à leur titre « Hardcore Melancholia » et le clip WTF assorti. Thérèse et John se connaissent et jouent ensemble depuis longtemps. C’est après une première composition originale que l’aventure commence vraiment, que le groupe prend forme petit à petit, et que le rêve de quitter son taf pour la musique devient réalité. La Vague, c’est l’image d’une force à laquelle on ne peut pas résister, et peut-être une certaine métaphore de l’urgence à s’échapper d’un système pauvre de sens…

Manifesto XXI – Comment avez-vous choisi ce nom, La Vague ? Il fait écho à beaucoup de choses actuelles dans la musique française.

Thérèse : C’est un secret ! Mais c’est venu très très vite, en une minute.

John : Oui, c’est un secret, mais qui n’a rien à voir avec la chanson de La Femme. Rien à voir avec le surf, le film allemand Die Welle ou le single d’Izia…

Thérèse : Ni avec le single d’Yseult, ni avec le bar de Palavas-les-Flots…

John : C’est vrai que tout le monde a eu la même idée en même temps ! On manque cruellement d’originalité. Ça l’a fait plusieurs fois depuis deux ans, des idées qu’on avait, qu’on ne mettait pas tout de suite en pratique et qui sortaient deux mois après. C’est vrai qu’à un moment, les artistes partagent un certain nombre d’idées communes. Donc La Vague, c’est un secret. En fait, tu vas nous poser des questions, on va te raconter des trucs de ouf, mais on ne va jamais répondre à tes questions. (rires)

Dans vos influences, on retrouve M.I.A., Ratatat et Las Aves. Qu’est-ce que vous admirez particulièrement chez les uns et les autres ?

John : Las Aves, c’est un groupe français qu’on regarde beaucoup, car on aime beaucoup leur direction et on se reconnaît dedans, même si la musique n’est pas la même.

Thérèse : Ce sont des Français qui chantent en anglais, qui partent du rock, quelque part, et qui en font autre chose.

John : Qui mélangent du RnB et du rap, et c’est une direction dans laquelle on va. C’est très poussé leur truc, surtout sur leur dernier album. Ils ont su prendre un peu de tous les styles, quitte à se retrouver inclassables. On sent bien le fait de vouloir être pop, mais une pop sophistiquée.

M.I.A. ?

Thérèse : Oui, tu te tournes vers la bonne personne. (rires) C’est une nana qui m’a énormément inspirée, je trouve que c’est génial de mélanger du hip-hop, du rap et de l’électro avec des sonorités orientales. Elle a un style de ouf. Elle a un flow incroyable, et ses textes ont du sens, ce qui est important pour moi en tant qu’auteur. Il y a énormément de gens qui se fichent des textes, qui ne savent pas ce que les chansons racontent, mais ce n’est pas mon cas. Souvent, j’entre par la voix dans une chanson et par les paroles. M.I.A., elle raconte des histoires, elle défend des causes, elle jette de gros pavés dans la mare… OK, elle fait des campagnes pour H&M aussi, mais bon… Je crois qu’à sa place, j’aurais fait la même chose pour continuer à faire ce que j’aime.

Le débat de la mode éthique, on adore, mais c’est encore une autre conversation ! Et votre dernière influence, Ratatat ?

Thérèse : Je les aime beaucoup depuis longtemps, je les écoute depuis le début.

John : Ce sont des Blancs qui mélangent leur musique de Blancs avec des trucs de la musique noire. Il y a un truc hip-hop dedans, quoi ! Il y a à la fois des gros solos de hard très années 1980 avec de l’harmonizer, et c’est fou comme mélange. Ils sont décalés et je kiffe leur son de guitare ; forcément, je suis guitariste. Ils ont réussi à remettre des solos de guitare épiques dans des compos.

Thérèse : Leur clips aussi, ils sont hilarants. Il se foutent eux-mêmes de leur gueule. On fait de la musique sérieuse de façon pointue mais il y a beaucoup de second degré. Genre : « On est des gens normaux et on rigole de trucs débiles aussi ».

Quel est ton instrument de base, Thérèse ?

Thérèse : C’est le piano. En fait, je suis un petit bébé de conservatoire. Solfège, tout le tralala qui va avec, mais je me suis rendue compte que cette éducation ne me convenait pas du tout. Même si ma plus grosse erreur a été d’arrêter le piano à mes 18 ans. J’en avais marre de la discipline que ça imposait, mais je ne regrette pas le piano parce que même si je n’ai pas un niveau de piano hyper sophistiqué, ça me permet de composer, d’arriver avec ma mélodie, mes accords de base, puis je donne ça à John et je lui dis : « Bah vas-y, fais-en une chanson ». (rires) Au moins je peux étayer une idée, c’est quand même plus facile de travailler comme ça.

On parlait tout à l’heure de cette tendance globale du mélange des genres, de l’hybridité. Quel regard portez-vous là-dessus ? Pourquoi ça arrive maintenant ?

John : On est dans une époque qui n’est plus celle de l’adolescence. Le monde moderne, c’est quoi ? C’est après 39-40, bon, les Trente Glorieuses ; tout ça a donné naissance à des trucs. Bon, ça a commencé avant, avec le blues, mais il y a tout un tas de musiques qui sont apparues et c’étaient des nouveautés ! Aujourd’hui, il n’y a plus de lames de fond comme ça. On a peut-être du mal à s’en rendre compte, mais c’étaient des trucs nouveaux, révolutionnaires ! Et je pense qu’aujourd’hui, on est dans une post-époque qui digère ses classiques. C’est même frappant aujourd’hui, comment le rap revient à ses classiques. Avant, c’était vraiment une musique nouvelle ; aujourd’hui, on voit qu’il commence à remâcher ses classiques.

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© Marta Bevacqua

Et on est condamnés à remâcher ou vous imaginez quelque chose d’autre ?

John : Moi, je pense que la révolution viendra d’ailleurs. Elle viendra peut-être de Chine… Ou des États-Unis, des Anglo-Saxons, comme d’hab’. Aujourd’hui, les mecs qui sont intéressants sont des gens comme Die Antwoord, ils ramènent quelque chose de chez eux. La scène française est cool aussi, il se passe plein de choses, « pour une fois ».

Thérèse : C’est lié à toutes les mutations politiques qu’on subit. Ce n’est pas étonnant. Il y a une violence en ce moment en France et en Occident globalement, il y a un vrai déchirement. Entre choisir la France de Macron ou celle de Mélenchon, celle de Le Pen. C’est ce qui se passe à l’intérieur de nous, nos nous intérieurs se battent. Et ça ressort dans la musique.

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John : Les choses ont beaucoup changé en France en quinze ans. Il y a eu Ed Banger, la French Touch, ils ont commencé à jouer aux États-Unis. Le rock, le rap, le financement des musiques actuelles. L’État s’est mis à donner un peu d’argent, il s’est aperçu qu’il y avait quelque chose à faire grâce à la French Touch, grâce à tous ces mecs, parce qu’ils ont commencé à faire du blé. Les Anglais ont plein de groupes de rock, mais c’est aussi parce que l’État met de l’argent… Ils sont conscients du soft power, les Américains aussi.

Revenons un peu sur le clip d’ »Hardcore Melancholia » : comment ça s’est organisé ?

On a bossé avec une agence qui s’appelle Adesias, qui a fait dernièrement le clip de Gush, « Everybody’s God ». Ce sont des copains et comme souvent dans le projet, ce sont de belles coïncidences, et on avait envie de bosser ensemble.

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Clip Hardcore Melancholia © La Vague

Est-ce qu’il y a un symbole derrière la pieuvre que tu as sur l’épaule, Thérèse ?

Thérèse : C’est hyper drôle parce que tu n’es pas la première personne à nous poser la question ! Tout le monde se pose la question. Si j’étais vraiment bâtarde, je répondrais : « Je ne vous le dirai pas ». Mais en fait, je ne vais pas le faire. Je crois que c’est précisément le seul élément du clip qui n’a aucun sens, et c’est le truc qui choque tout le monde. Après, chacun ses interprétations ; mais en vrai, on s’est juste dit que c’était marrant d’avoir un poulpe. Ce n’était juste pas hyper marrant pour moi parce qu’il ne sentait pas bon.

John : Comme quoi, moins tu en dis sur un clip, mieux c’est.

Est-ce qu’il y a un lien entre les chansons ou est-ce qu’il faut les prendre une à une ?

Thérèse : En fait, c’est comme la vie de quelqu’un. Tu as quatre chansons, la première dit « Carpe Diem » de façon ironique. « Hardcore Melancholia » parle de cette génération burn out qu’on est, tout simplement. Avec une petite lueur d’espoir : a priori, ça se passe mieux, mais jusqu’à quand ? « Maybe I Forgot » parle de la perte de l’innocence. « Say Goodbye » parle de ces couples qui n’arrivent pas à se séparer. C’est la vie du trentenaire adulescent qu’on est, quoi !

Dernière question : est-ce que ça vous fait plaisir si je dis que l’écriture musicale est assez romantique ? Beaucoup de choses chez vous m’ont fait penser à ce qu’on peut entendre chez Nightwish, Linkin Park… Dans cette énergie adulescente, justement.

John : Tu as bien vu le truc ! J’aime beaucoup la musique des années 1990, c’est avec ça que j’ai commencé ; et oui, il y a cette énergie-là. Style plutôt Deftones, mais clairement, j’ai beaucoup écouté ces groupes-là et j’en garde quelque chose, même si je ne fais pas sonner pareil. Parce qu’on est en 2017, qu’il y a plein d’arrangements…

Mais il y a ce petit truc dans la guitare qu’on aime bien, à la fois enthousiaste et un peu rageux.

Thérèse : Bah c’est John en fait, tu l’as bien décrit ! C’est un révolté romantique.

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