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The Weather Station, une mise en scène lumineuse de la séparation

The Weather Station, une mise en scène lumineuse de la séparation

The Weather Station dévoilait vendredi dernier Ignorance, son 5e album. Quittant le territoire d’une folk traditionnelle pour s’approcher d’un univers pop-indie absolument impeccable, ce nouvel opus se présente comme un projet riche musicalement, et d’une grande maturité. 

Tamara Lindeman, artiste canadienne à l’origine du groupe de musique The Weather Station, nous présentait vendredi dernier le 5e album du groupe : Ignorance. Le projet a pris forme quand Tamara Lindeman a rencontré Marcus Paquin, un producteur multi-instrumentiste. Son travail en tant que producteur fut notamment récompensé lorsque le groupe Arcade Fire a reçu le « Grammy du meilleur album de l’année » pour l’album The Suburbs. Cette collaboration entre les deux artistes a été placée sous le signe de la liberté que chacun·e accorde à l’autre, laissant la possibilité à Tamara Lindeman d’être plus ambitieuse en studio. 

Depuis la fondation du groupe en 2006, The Weather Station a vu arriver, puis partir, plusieurs instrumentistes. En conséquence, les sonorités du groupe diffèrent sensiblement d’album en album, sans pour autant s’éloigner de son identité folk. Ignorance ne déroge pas à la règle du renouvellement sonore, puisqu’il se place en rupture des instrumentations classiques et de l’arrangement brut de son prédécesseur, dont le titre éponyme The Weather Station semblait indiquer un retour aux origines folk du groupe. Ambitieux, baroque et libre, Ignorance ne se refuse aucun qualificatif. Il se présente comme l’un de ces albums-trophées, résultat d’un savoir acquis au fur et à mesure des années de pratique et d’un lâcher-prise certain.

Ses mélodies sont ravissantes et tous les ornements qui les enrichissent achèvent de nous enivrer. Le titre « Separated » voit ainsi ses accords de piano dominants complétés par des arpèges à la guitare acoustique, des micro-mélodies volatiles d’orgue, de puissantes montées de cordes, ce qui laisse l’impression que le morceau est en constante progression, que sa matière est foisonnante. La richesse de l’album ne tient pas seulement à la qualité des mélodies mais aussi à la diversité des familles d’instruments représentées. Des instruments à bois aux instruments à cordes, des claviers aux percussions, Ignorance restitue la sensation d’un album-opéra façon No Shape de l’artiste américain Perfume Genius

Si Tamara Lindeman a opté pour des compositions enjouées, radieuses, il n’en reste pas moins que cet album raconte une crise de doute, de remise en question des rêves, de mise à l’épreuve d’une réalité fantasmée par rapport à une réalité vécue. Dans son écriture, l’artiste privilégie la forme interrogative pour partager ses inquiétudes. Ainsi dans le titre « Wear » la chanteuse s’interroge sur sa place dans une relation et la façon dont elle est perçue par son partenaire : « Why can’t I be the body graceful in the cloth of it? Why can’t you wan’t me for the way I can not handle it? Am I ever understood? Am I hidden by this hood? » Dans le titre « Atlantic », Tamara questionne cette fois-ci son sens perceptif : « How can I touch this softest petal, softest stem, softest leaf, bending, green, in my hand? » Plus généralement, les interrogations soulevées par la chanteuse ont pour point commun une réflexion sur la volonté de s’extraire du monde pour se retrouver dans son imaginaire, en sécurité. 

Cette crise de doute trouve son origine dans une séparation amoureuse, le fil narratif et conducteur de l’album. Tamara Lindeman évoque un homme infidèle partagé entre son engagement auprès de sa compagne et l’envie de voir sa maîtresse. Ainsi « Tried To Tell You » expose distinctement la situation : « It was getting late, you were afraid of yourself. Afraid that you might call her, that you could not help youself. » Et de continuer à lister les causes de cette séparation dans « Separated » : « Separated by all the arguments you lose. Separated by all the answers you could not choose. Separated by the results you can’t disprove. » Tamara Lindeman ne porte pas la culpabilité de l’échec de la relation. Au contraire, elle rend responsable son compagnon d’avoir été incapable de sauvegarder la préciosité de leur amour.

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© Jeff Briek

Finalement le choix de traiter la séparation au travers de mélodies lumineuses tend à souligner le contraste entre l’attente d’une relation idéale et sa réalité amère. Tamara Lindeman transforme ce chagrin en une musique accessible, facile à toucher. Cette pop baroque est rédemptrice : en mettant à nu ses peurs, ses craintes et ses doutes dans ce fracas magnifique, Tamara Lindeman s’affranchit du mal qui lui colle à la semelle. 

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