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The L Word doit (terriblement) revenir

The L Word doit (terriblement) revenir

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Les rumeurs d’un reboot de la bonne vieille série The L Word vont bon train depuis juillet. À cette idée, c’est tout d’abord l’horreur de penser à nouveau aux tailleurs-pantalons blancs de Bette Porter et aux nippes de Shane qui jaillit. En effet, la série a beau être sortie entre 2004 et 2009, elle était déjà bien trop dans le futur vestimentairement parlant. Puis après l’horreur, la désolation. Oui, il est profondément nécessaire que cette série revienne. Peut-être sous une autre forme, sans tailleurs-pantalons, mais elle doit revenir, c’est certain.

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Ilene Chaiken, la créatrice de la série, a révolutionné la vie des lesbiennes, sachez-le. Des lesbiennes blanches, qu’on se le dise, mais elle aura tout de même donné un petit coup de pied dans la fourmilière de manière très avant-gardiste. The L Word, malgré ses scénarios progressivement rocambolesques et quelque peu questionnables au cours des saisons, demeure la pionnière ultime. Au beau milieu de la présidence Bush, qui repartait pour un second mandat toujours plus conservateur, en pleine période de « Don’t ask don’t tell« , nous voilà avec une série, à l’audience tout à fait correcte, qui ne comporte quasi que des personnages queer. Et en majorité des femmes.

Exit les petites victoires, les petits personnages secondaires qui disparaissent dans la masse hétéronormative, les rôles clichés. On y parle des problèmes réels auxquels sont confrontées les lesbiennes. On y parle de coming out avec justesse, et pas d’un coming out en douceur. On y parle de questionnement sur sa sexualité. On y parle d’homoparentalité, de féminisme, de bisexualité, de genre, de viol, de politiques homophobes, de couple interracial. Le sexe y est montré sans détour, et sans malaise. Tout cela du point de vue des femmes, sans tomber dans le pathos, avec beaucoup d’auto-dérision. Les femmes ne sont pas éclipsées par les hommes, hétérosexuels ou gays. Une révolution dans le monde si conservateur des séries télévisées.

Bien entendu, tout ça n’est pas parfait. La série n’aura pas été un modèle d’inclusivité racialement parlant, réservant le même sort à cette diversité qu’aux lesbiennes dans les séries d’aujourd’hui. La flamboyance de Pam Grier aura vite laissé place à la déception d’un casting quasi entièrement blanc. Beaucoup de femmes cisgenres très féminines, à la beauté normative, pour peu de place aux autres femmes qui demeureront des story-lines bien secondaires et éphémères. La transidentité aura aussi été traitée, mais de manière bien maladroite. The L Word parle tout de même de handicap, avec le personnage sourd de Jodie, mais il restera secondaire lui aussi.

Tout n’est pas parfait, bien au contraire, mais The L Word reste un acte de véritable activisme culturel. La série est vide d’hommes, et elle ne s’en excuse jamais. La série est entièrement du point de vue des femmes. Avec ses six saisons, The L Word a affirmé que c’était possible, qu’il y avait un monde autre que celui des hétérosexuels, et qu’il était auto-suffisant. The L Word a donné une existence à celles qui n’en avaient jamais réellement eu dans la culture populaire.

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Interloquée face à la relève de The L Word qui n’arrive pas.

Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Lip Service, un an après la fin de The L Word, tenta l’expérience sauce britannique sans grand succès, avec moins d’inclusivité et d’éclat. Puis quelques autres, sans audience. Quelques étoiles filantes, brillantes de représentativité comme The Fosters ou Orange is The New Black. Mais c’est le retour aux quotas, aux clichés, à la sexualisation, au papier-peint. Entre 2015 et 2017, 52 personnages bi ou lesbiens sont tués dans les séries américaines, pourtant bien plus inclusives que les séries françaises. Inutiles, effrayants, progressifs, on les fait disparaître. Etant donné le nombre peu fourni de personnages LGBT, la démarche devient problématique. Car dans les séries, les lesbiennes n’ont pas le droit au happy ending.

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Quid des jeunes lesbiennes aujourd’hui ? Si celles des années 2000 ont eu le bonheur de fantasmer sur ces créatures de Los Angeles, les six saisons sont désormais très datées. Comment voulez-vous qu’elles s’identifient à des femmes qui portent des tailleurs-pantalons blancs ? On ne le répétera jamais assez.

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Mettez-vous à leur place, juste un instant, faites preuve d’empathie. Vous êtes une jeune lesbienne. Vous cherchez à vous divertir loin de l’agitation des ouragans et des attaques nucléaires en suspens. Vous ne vous identifiez à personne dans les séries populaires. Vous vous infligez 75% d’intrigues amoureuses hétérosexuelles pour un personnage lesbien sans personnalité qui mourra probablement dans la prochaine saison. Vous vous demandez si c’est ça la vie d’une lesbienne. Pour peu que votre entourage soit homophobe ou intolérant, malgré la beauté d’Internet, vous ne démarrez pas très bien dans votre quête d’acceptation de vous-même.

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Avec The L Word, il aurait été permis de penser que le chemin dans la jungle hétérosexuelle avait été ouvert et débroussaillé. Les critiques faites aujourd’hui en 2017 sur les défauts de la série étaient déjà mentionnées à l’époque, la voie était donc bien là pour des séries encore plus inclusives à l’avenir. Mais non. Freinées par le manque de financement, par les producteurs frileux (et hétérosexuels), pas de nouvelle révolution pour les lesbiennes.

Alors si personne n’a le courage qu’a eu The L Word en son temps, qu’elle revienne en mieux. Qu’elle revienne faire une piqûre de rappel. Cela fait près de dix ans que l’on se tape presque exclusivement des histoires d’amour hétérosexuelles insipides, il est temps de faire quelque chose.

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