Omega Point de Sébastien Guérive est un album qui traduit, avec une exécution quasiment parfaite, le sentiment que bon nombre d’entre nous éprouvons depuis maintenant une longue année. Une anxiété inconfortable qui gangrène l’esprit, la peur de l’inconnu, le rêve du renouveau, la réminiscence du « comme avant », ce moment d’insouciance dont on ne mesurait pas la préciosité : tout y est dit. Mais plutôt que d’alimenter l’aliénation que chacun·e mesure depuis l’hiver dernier, Omega Point est une ouverture bienveillante sur l’avenir, une respiration nécessaire pour débuter l’écriture d’un nouveau chapitre.
Sébastien Guérive est un artiste instrumentiste, compositeur et ingénieur du son installé à Nantes. Sa carrière débute en 2001 avec la parution de La Pensée errante, son premier album. Depuis, l’artiste explore les possibilités infinies de transformations de la matière sonore qu’offre la musique assistée par ordinateur tout en bâtissant, pierre après pierre, un édifice sonore solide et cohérent. Le langage musical de Sébastien Guérive est limpide. Sans utiliser le moindre mot, l’artiste français exprime son propos à travers des ensembles de synthétiseurs et de textures élémentaires, épurées, essentielles. La musique qu’il compose résulte d’un collage alliant des atmosphères d’ambient, des textures de sound design et des mélodies minimalistes. Le tout prend la forme d’une musique profondément cinématographique.
D’entrée de jeu, le titre « Omega II » nous plonge dans une chambre sombre aux murs tapissés par la crainte, au parquet rayé par une attente semblablement interminable. Le synthétiseur principal joue d’abord une note répétée, qui se transforme parfois en une mélodie minimaliste, soutenue par des strings grinçants, sidérants. Et puis la mélodie se met soudainement à dysfonctionner. Par des effets de sound design, elle laisse place à un chaos sonore prenant dont la puissance nous scotche. « Nashira » et « Omega VIII », les deux titres qui succéderont, achèvent de dessiner les lignes d’un décor lourd et pesant, rappelant par exemple les films de Belà Tarr, des paysages décomposés, désolés et désolants, dans lesquels errent des personnages sans but, sans perspective, sans croyance.
Si le début de l’album dépeint une sombre atmosphère, le titre « Bellatrix » fait office de rupture. Nom propre attribué à une étoile, le terme provient du latin et signifie « la guerrière ». Le morceau de Sébastien Guérive ne pouvait pas mieux porter son nom puisqu’il restitue cette sensation de prise de recul, d’évasion au loin. Le reste de l’album se présente comme la lente émergence d’un inconscient enfoui qui finit par enivrer. Cette ouverture soudaine nous transporte vers des paysages sublimes, nous sommes placé·e·s en position de spectateurices observant le spectacle de la Terre qui tourne dans la nuit de l’espace depuis une navette spatiale dernier cri.