J’ai rencontré Pi Ja Ma pour la première fois sur scène, aux Francofolies de la Rochelle 2017. Un duo de jeunes artistes, Pauline de Tarragon la chanteuse et directrice artistique, Axel Concato le compositeur, et les musiciens qui les accompagnent. Une douce introduction à un Lescop habité, dans ce théâtre Verdière, coupé du vas-et-viens de la horde du festival. Pauline a la voix d’une conteuse, de celle qui nous berçait enfant et que l’on regrette dans nos innombrables insomnies de grand. Pi Ja Ma est une rêverie, un personnage imaginaire. Embarquez pour une interview avec Pauline 21 ans, du rêve à la réalité, du dessin pour enfants au harcèlement de rue. Ô réalité cotonneuse et incisive !
Manifesto XXI : Pi Ja Ma, c’est un personnage que tu as inventé ?
Pauline : C’est un moi sur scène, qui fait vraiment ce qu’il veut. Une sorte de personnage, très inspiré de faits réels. Quand il y a un personnage, on se permet plus de choses, on a des maquillages, des tenues, puis on peut danser un peu n’importe comment.
Comme c’est un peu un personnage que tu as imaginé, que tu dessines, j’ai voulu partir dans un monde de rêves. Dirais-tu que la nuit porte conseil ?
J’ai un rapport hyper étrange à la nuit. Ça me terrorise depuis que je suis toute petite et en même temps, la nuit je deviens surexcitée, je vais vouloir sortir jusqu’à la dernière minute.
Voire même du petit matin.
Mais après quand le jour arrive, ça me rend hyper triste, d’un coup. J’ai très longtemps eu peur de dormir sans la lumière, quand j’avais dix-huit ans je mettais une lumière, comme les bébés. La nuit je peux dessiner pendant quatre heures d’affilée, j’ai tout le temps envie de faire mille trucs.
Tu n’arrives pas à dormir ?
Si, ça par contre, le sommeil chez moi c’est instantané. Limite un peu maladif, quand j’ai envie de dormir, ma tête tombe et je dors. J’aime bien aussi, quand tu es contrarié.e ou que tu as peur, tu t’endors et au réveil ça va beaucoup mieux, c’est un peu mon don. Je rêve vachement aussi, ça me donne pleins d’idées.
Quelle est la meilleure chanson pour s’endormir ?
Indian Summer des Doors. J’ai découvert ce groupe à seize ans en hallucinant. Pourquoi les gens n’écoutent pas les Doors à longueur de journée ?
Tu avais un rêve d’enfance ?
Un peu nul, je voulais être secrétaire. C’est bizarre parce que j’étais un peu garçon manqué, je me déguisais, moitié princesse moitié pirate. J’ai toujours aimé les stylos et j’imaginais tout le temps que j’étais secrétaire chez Air France. Je prenais souvent l’avion, pour aller voir mon père qui habitait à Paris, ma mère à Lyon et j’avais cette pochette qu’on te donne où tu mets tes tickets, etc, j’adorais jouer à la secrétaire avec ça. Faire des trucs cadrés, parfois j’aimerais avoir des horaires.
Tu n’as jamais eu un emploi similaire ?
J’ai été serveuse pendant le festival d’Avignon. C’était dur, je me suis rendue compte que les gens te prennent vraiment pour une sous-merde, comme si tu n’existais pas. Surtout les clients, les mecs. Certains venaient me tirer par la jupe pour commander. Je n’osais pas trop m’énerver à l’époque, du coup je fondais en larmes dans les plats, des empanadas.
Quel est ton rêve le plus fou ?
Chaque année j’ai un rêve. L’an dernier c’était faire un livre pour enfants, je pensais le faire à 25 ans, que c’était compliqué et en fait le livre est sorti dans l’année. Ce serait plus un idéal : avoir zéro angoisse. En général je suis plutôt chill, mais dans ma tête c’est “pourquoi on vit ? pourquoi on meurt ?”, avec les histoires d’attentats, je sors du métro quatre fois par jour. Je me suis faite agresser l’année dernière, un mec qui a attrapé une bouteille d’un litre de bière par le goulot et me l’a explosée derrière le crâne. Il y a aussi l’histoire des filles qui se sont faite égorger à Marseille en attendant leur train, moi qui prend souvent le train à Avignon, ça aurait pu m’arriver.
Tu fais quoi pour te détendre face à tout ça ?
Par exemple hier, j’ai fait de la méditation. Après c’est dur de ne pas s’endormir. J’avais regardé une vidéo Youtube, avec un mec qui me guidait, mais j’avais envie de rigoler, il était vraiment trop drôle. C’est dur parce que tout le monde me dit “tu sais plus tu as peur, plus il va t’arriver des choses”. Sinon j’essaye de penser à des paysages et ce qui me fait vraiment peur, je le dessine.
Tu rêves d’un monde meilleur ?
Oui, surtout pour la place des filles. Devoir se justifier tout le temps, par exemple quand chaque personne se serre la main et on me fait la bise, parfois c’est un peu « je te touche le cou », moi ça ne me plaît pas beaucoup et donc souvent je fais ça (mime un mouvement de recul) et tu te sens obligée de te justifier, “Tu serres la main à tout le monde, pourquoi à moi tu vas venir me coller ta bave sur la joue ?”.
Il y a d’autres faits beaucoup plus violents, par exemple tu es une fille en short à Paris, tu te sens ultra menacée. Je n’en mets plus, mais l’autre fois dans le métro j’aidais un aveugle à descendre, une vieille passe et me dis “salope !”, pleins de mecs qui passaient à 5 centimètres de moi en mode “attends je me sers, je regarde et je me casse”. C’est aussi pour ça que j’aimerais continuer à faire des livres pour enfants. Je travaille avec des enfants et je vois, dès qu’un garçon choisit un crayon de couleur rose c’est “le gros pd”. Avec les réseaux sociaux tu as l’impression qu’ils sont hyper en avance, du coup ils sont cons en avance ?
Retrouvez Pi Ja Ma aux Inouïs du Printemps de Bourges, mercredi 24 janvier à la FGO-Barbara.
Article : Albane Chauvac
*fautes 😉
Interview intéressante mais pas mal de faites d’orthographe, c’est dommage !