Avec son live contemplatif de la Villette Sonique, Mondkopf a prouvé une fois de plus qu’il méritait sa place parmi les grandes figures françaises de l’ambient. Pendant une décennie, l’artiste s’est toujours réinventé sur le fond comme sur la forme, en produisant des albums ou bien des compositions pour le cinéma. L’occasion pour nous de discuter avec lui cinéma et fin du monde.
Manifesto XXI : Depuis presque dix ans, tu sors de nombreux projets où tu te réinventes à chaque fois. Comment fais-tu pour mettre de côté ce qui est déjà exploré et construire ces nouvelles ambiances à chaque coup ?
Mondkopf : Honnêtement, je n’y réfléchis pas. J’essaie à tout prix que ma musique se compose dans un flux le plus naturel possible. Et je crois aussi que cela reflète mes envies du moment, mes écoutes, des besoins de retranscrire des choses par la musique. À aucun moment je m’impose d’emblée une ambiance particulière : je m’amuse avec mes machines, je dialogue avec elles. Et puis parfois ce sont aussi des hasards de rencontres : je vais rencontrer quelqu’un avec qui j’ai envie de collaborer. Par exemple pour mon dernier album, c’est une réalisatrice qui est venue me voir pour me demander de faire la musique de son film. Et je me suis plongé dans son univers pour essayer de le retranscrire le mieux possible.
Je n’arrive pas à faire une oeuvre de commande. Je préfère dire que je vais apporter ma sensibilité à ces scènes.
Ce n’est pas la première fois que tu composes de la musique pour des films (Bridgend en 2015 et Le silence des sirènes aujoud’hui). C’est un exercice que tu affectionnes ?
J’adore le dialogue entre la musique et l’image. A la base, je voulais être réalisateur. Et j’ai vite compris que ce n’était pas pour moi, car il faut donner des ordres, gérer une équipe… Alors que moi, ce que j’aime, c’est juste créer, dans ma chambre, seul. Lors de mes débuts, j’essayais à travers mes albums de raconter des histoires aussi. Maintenant, je préfère plutôt décrire des paysages, sans scénario particulier. Ça rejoint un peu le film de Diana (Le silence des Sirènes) qui a d’ailleurs aussi fait les images pour mon live. Pour revenir sur la composition de B.O., c’est très différent par rapport à un album solo. Tu dois t’adapter, c’est parfois difficile car la vision du réalisateur ou de la réalisatrice peut ne pas matcher avec la tienne. Ça, je le mentionne dès le début : je préfère dire que je vais apporter ma sensibilité à ses scènes.
Comme une sorte de chef d’orchestre, n’y a-t-il pas d’ailleurs de nombreuses similitudes entre producteur de musique électronique et réalisateur de cinéma ?
Je donne des ordres à des machines du coup [rires]. Comme un réalisateur avec son chef-op, il y a comme je le disais toujours une histoire de dialogue entre moi et mes machines. Mais je ne dirais pas qu’il y ait tant de similitudes que ça en fin de compte. Quand tu es réalisateur, il y a beaucoup plus de questions financières qui entrent en jeu, qui moi me dépasseraient.
Dans ton dernier opus How Deep Is our Love, il y a quatre morceaux fleuves qui installent une véritable ambiance de fin du monde, mais avec des moments de grâce et d’émotion. Si la fin de notre société été amenée à disparaître, c’est cette ambiance que tu imaginerais ?
Je l’espère. Ça me fait beaucoup cogiter et ça me ferait mal de me dire que la fin peut être juste qu’une fin. Genre tout s’éteint, c’est fini. Alors j’essaie d’être positif sur cette réflexion, de se dire que la nature restera là et continuera à évoluer et vivre. La chose est moins difficile à avaler qu’une apocalypse où il ne restera plus rien. Les plans de Diana pour le film m’ont beaucoup influencé là dessus. On y voit des paysages vierges et de temps en temps, un ou deux humains. Peut être des nouveaux humains, qui se diraient que peut être la prochaine fois il faudra protéger tout cela…
Avec les années, tes projets se sont adoucis, ils prennent plus de recul et sont plus soutenus. La cause : l’âge ou l’expérience ?
Je pense que si on réécoute mes premiers morceaux, il y avait cette naïveté que j’essaie encore de garder aujourd’hui. Mais maintenant, je pense que mes morceaux sont moins « dark », moins abrasifs, avec quelque chose de plus serein. J’ai moins cette énergie aujourd’hui d’amener les choses tout de suite, je préfère prendre le temps d’amener les ambiances, et plus intensément. En revanche, j’ai toujours joué sur les contrastes entre les ambiances sombres et lumineuses, que ça soit avant ou maintenant. Sauf que maintenant j’essaie d’être plus affiné.
Je me dis que probablement sans rythmes, les gens vont se faire chier.
Contrairement à tes albums studios qui sont plus contemplatifs, tes lives sont très rythmés. Tu envisagerais de faire des lives plus adoucis ? Ou c’est tout simplement ta conception d’aborder cette performance ?
En live, quand je joue sur une grosse puissance sonore, je ne peux pas m’empêcher de profiter de ça, afin de créer quelque chose de plus « punchy ». Que les gens puissent un peu danser avec un esprit contemplatif. C’est peut être aussi encore un manque de confiance dans mes morceaux. Je me dis que probablement sans rythmes, les gens vont se faire chier [rires]. Alors je préfère en mettre, sans faire de compromis, car j’adore ça aussi. J’ai essayé d’en faire des lives sans kick, mais tu sens que le public est beaucoup moins réceptif.
Tu viens de participer à cette nouvelle édition de Villette Sonique. Quel est ton regard et ton sentiment sur ce festival ?
C’est une fierté. En plus j’ai joué le même soir que Tim Hecker. Je le suis depuis ses débuts. Puis concernant le festival, c’est un événement très important pour moi. J’ai découvert dans les années précédentes énormément de groupes talentueux, qui n’avaient jamais joué en France. Je n’en garde que des merveilleux souvenirs. En plus, comme à côté j’ai monté mon label, tous les ans on fait le Village Label avec notre stand. C’est un super moment pour échanger entre labels et avec les gens. C’est important d’offrir un festival avec une programmation pointue et gratuit.