Créé en octobre à la Commune, Aubervilliers, pour le Festival d’Automne, _jeanne_dark_, le dernier spectacle de l’autrice, metteuse en scène et performeuse Marion Siéfert, sera présenté dimanche dans le cadre du festival Parallèle à Marseille. Crise sanitaire oblige, on ne pourra le découvrir qu’en live sur Instagram, mais l’avantage, c’est que ce format fait partie intégrante du projet, pensé avant même que la distanciation sociale ne s’impose dans nos vies. Et c’est bien là que réside l’aspect le plus génial et novateur de cette pièce d’une grande intelligence.
Après Le Grand Sommeil en 2018, Marion Siéfert retrouve la performeuse virtuose Helena de Laurens qui interprète Jeanne, sorte d’alter-ego de l’autrice. Âgée de seize ans, cette adolescente harcelée dans son lycée de banlieue pavillonnaire d’Orléans décide de s’emparer d’Instagram pour se mettre à nu face à ses followers. Le double dispositif de la pièce est extrêmement bien pensé : seule sur scène, constamment filmée par un smartphone-miroir, Helena de Laurens interagit en direct avec les followers de Jeanne qui suivent le live depuis chez elleux. Avec humour et tendresse, Marion Siéfert pose, par une habile mise en abyme, un regard dénué de raillerie sur l’omnipotence des réseaux sociaux dans la vie des adolescent·es d’aujourd’hui. Le spectacle aborde ainsi des thèmes fondamentaux liés à la construction de soi à cette période charnière de la vie : la sexualité, les relations sociales et familiales, l’image de soi, etc… Par ce biais, Marion Siéfert nous invite subtilement à déconstruire les rapports de force qui sous-tendent notre société.
En attendant de suivre le spectacle dimanche à 16h depuis le compte Instagram de _jeanne_dark_, on a discuté avec Marion Siéfert pour en savoir un peu plus.
Manifesto XXI – Bonjour Marion, pouvez-vous nous parler de la genèse de _jeanne_dark_ ? Comment êtes-vous arrivée à cette forme dans laquelle le live Instagram fait partie intégrante de la pièce ?
Marion Siéfert : L’idée naît du sujet : la parole d’une adolescente de seize ans qui vit aujourd’hui, en 2020 [au moment de l’écriture, ndlr]. Pour écrire ce personnage, je me suis inspirée de ma propre adolescence, de mon expérience personnelle. J’avais besoin de trouver un angle d’attaque précis, une adresse théâtrale suffisamment singulière, un espace de jeu pour Helena [de Laurens]. Le spectacle à ce stade-là n’avait rien de théâtral : ça aurait pu être un film, un roman, un journal intime… Je me suis alors demandé : « qu’est-ce qui fait théâtre aujourd’hui dans la vie la plus quotidienne d’une personne de seize ans ? » Pour moi, c’était le live Instagram. Je m’intéressais déjà aux réseaux. J’y pensais évidemment dès lors que mon personnage avait seize ans en 2020. Pour cette pièce, j’avais vraiment envie d’entrer dans la tête de quelqu’un·e, d’être dans un espace quasi mental. Je me disais : « il faut qu’il y ait le téléphone, et tout ce qu’on peut faire avec… » Les feeds Twitter c’est génial, mais on pourrait en écrire un roman. La forme qui se rapproche le plus du théâtre c’est le live : il y a une urgence, une prise de parole. À partir de là, je me suis dit qu’il fallait prendre ça au sérieux, ne pas créer un simulacre de direct mais vraiment s’emparer de cet outil.
L’idée du live vient donc du personnage, il fallait tout faire par rapport à Jeanne. Elle ne parle pas aux spectateur·ices de théâtre mais aux gens qui la suivent sur Instagram. L’idée était que ce soit un live suffisamment intéressant pour tenir des personnes en haleine pendant 1h30, et proposer pour la première fois à ma connaissance un spectacle entièrement sur Instagram, avec cette adresse particulière. Ça impliquait pour moi d’aller vers une écriture très dialoguée, pour qu’Helena puisse jouer des personnages, des cadrages ; pour que Jeanne puisse rejouer différentes personnes de son quotidien qui peuplent sa vie. À partir de là, l’élaboration a été très longue, on a travaillé cadrage après cadrage…
Qu’en est-il de la figure de Jeanne d’Arc ?
C’est vraiment le point de départ, la démarche c’était plutôt « ok, qu’est-ce qu’on fait de Jeanne d’Arc ? » (rires) On avait décidé avec Helena de faire une pièce sur Jeanne d’Arc il y a longtemps. Je sais que c’est un personnage qu’elle rêvait de jouer, mais je n’avais pas envie de faire la Jeanne d’Arc historique au théâtre. Il fallait trouver quelque chose qui ait du sens pour moi. Quand on a déterminé que ça allait être sur Instagram, on s’est dit que ce serait le nom de son compte, d’où « Jeanne dark », qui est le premier jeu de mot auquel on pense, c’est le plus évident.
La sexualité est liée à beaucoup d’angoisses.
Marion Siéfert
Jeanne d’Arc est surnommée « la pucelle d’Orléans », et votre pièce parle de virginité.
Oui, j’ai beaucoup lu sur elle, c’est vrai que la question de la virginité est un enjeu énorme pour elle, déjà à son époque. Si elle n’avait pas été vierge, elle n’aurait jamais pu faire tout ce qu’elle a fait, elle n’aurait jamais été prise au sérieux. Elle aurait été une envoyée du Diable et non de Dieu. Sa virginité était une des conditions pour que sa parole soit prise au sérieux. Aujourd’hui, la virginité, c’est encore tout un sujet, c’est toujours un délire ! À mon époque, quand j’étais adolescente, c’était aussi une question : « quand est-ce que ça y est, quand est-ce que je passe de l’autre côté ? » Mentalement, même si plein de gens parviennent à le déconstruire, ça reste un rite de passage, une sorte de repère mental, ça divise un peu les adolescentes en deux clans, celles qui l’ont fait et celles qui ne l’ont pas fait. Ce sont des souvenirs très précis que j’avais, liés à beaucoup d’angoisses. De manière générale, la sexualité est liée à beaucoup d’angoisses. Quand des personnes de l’âge de Jeanne viennent voir la pièce au théâtre, je ressens, chez les filles comme chez les garçons, cette angoisse-là. L’idée c’est que Jeanne parle pour tout le monde, elle dit ce que les gens pensent tout bas, elle aborde les sujets tabous.
Ce que j’aime bien, c’est qu’on retrouve une forme d’anarchie qu’on a un peu perdue au théâtre.
Marion Siéfert
Jeanne s’adresse directement aux personnes qui visionnent le live et interagit avec elles. Quelle place accordez-vous à l’improvisation d’Helena ?
C’est plus une question de puissance et de niveau d’énergie. L’improvisation demande énormément d’énergie et beaucoup d’entrainement. On n’a pas pu s’entrainer à cette interaction avec les commentaires pendant les répétitions de la pièce. Du coup, c’est un travail qu’on mène au fil des représentations, et en même temps ça demande beaucoup d’énergie à Helena de trouver la bonne réplique au bon moment, de répondre avec son personnage, de gérer ces interactions-là. Je ne veux pas la limiter, je lui dis d’en faire plus, quitte à casser des choses qu’on a mises en place ou des repères qu’elle a. Toute la complexité est de redéfinir des repères et de remettre en mouvement certaines choses.
Les représentations sont donc toujours uniques.
Oui, les spectateur·ices et les commentaires du live amènent beaucoup. Même si Helena ne réagit pas énormément, la représentation est de toute façon différente parce que les gens, elleux, ne réagissent pas du tout pareil d’un soir à l’autre.
Je pense que personne ne peut avoir de version complète de la pièce, c’est comme des facettes qui s’agencent et s’excluent l’une l’autre.
Marion Siéfert
Avez-vous déjà eu affaire à des haters ou des trolls ?
Oui, on a eu tout ça, mais c’est ce qui me plait aussi ! Il y a un côté assez cruel, qui est déjà présent dans le geste du personnage de Jeanne : c’est une fille qui se fait harceler au lycée, et qui prend quand même la parole pour se confronter à ses agresseurs. D’emblée, elle est entière, elle commence à sortir ses armes sans savoir si elles vont fonctionner. Il y a quelque chose de très fragile. Quand il y a des haters, des gens qui trollent, ça se réintègre extrêmement bien à la fiction. Il faut réagir, ou ne pas réagir, ou réagir une fois pour toutes… Ce sont des stratégies de performance. Ce que j’aime bien, c’est qu’on retrouve une forme d’anarchie qu’on a un peu perdue au théâtre. Il y a tout un autre public, certaines personnes qui suivent la pièce n’iraient jamais au théâtre par exemple. Là, iels sont représenté·es, iels se représentent. C’est aussi un piège pour elleux, parce qu’iels se retrouvent dans un dispositif qui n’est pas exactement le même que celui d’un live « normal » d’Instagram.
Du coup, quelle est la place du public dans la salle, de celleux qui assistent physiquement à la représentation ?
C’est une question de point de vue. Lorsqu’on est dans la salle de spectacle, on assiste au film et à sa mise en scène : on est plus à distance de la fiction. On a à la fois la fiction et la manière dont elle est fabriquée, mais en même temps on ne peut pas commenter. Alors que quand on est sur Instagram, on est à l’intérieur de la fiction. Dans le live, il y a quelque chose de plus immédiat dans le rapport : Jeanne s’adresse à elleux, iels peuvent répondre, commenter, s’exprimer, se parler entre elleux… Mais comme iels savent que c’est un spectacle, iels imaginent comment c’est au théâtre. Il y a un autre espace, qui est aussi imaginaire et qui est toujours construit par l’un·e et par l’autre. De la même manière, celleux qui sont qui sont dans le théâtre se demandent comment c’est d’être chez soi, face à ça, qui sont les gens dont iels voient les paroles… Tous ces espaces-là sont concomitants. Je pense que personne ne peut avoir de version complète de la pièce, c’est comme des facettes qui s’agencent et s’excluent l’une l’autre.
J’avais envie que ça se passe aujourd’hui, qu’il y ait une forme d’immédiateté avec la jeunesse actuelle. Je voulais aussi m’adresser à elle, que ce soit avec les codes, les références, le monde d’aujourd’hui.
Marion Siéfert
Considérez-vous la pièce comme une transposition autobiographique ? Avez-vous re-fictionnalisé la matière intime d’où vous partez ?
Je pense que j’avais besoin d’exprimer certaines choses, des émotions, de dire d’où je venais, qui j’étais, d’aller loin dans l’exploration de ce qui m’avait construite. Je n’avais pas envie de me gêner. Après, il y a une transposition nécessaire. Je n’avais pas envie que ce soit un regard rétrospectif, ça ne m’intéressait pas de faire le récit de ma vie, d’être dans un souci de véracité. Je me suis servie de sentiments, d’émotions qui étaient encore extrêmement précis en moi. J’avais envie que ça se passe aujourd’hui, qu’il y ait une forme d’immédiateté avec la jeunesse actuelle. Je voulais aussi m’adresser à elle, que ce soit avec les codes, les références, le monde d’aujourd’hui. Tout ça mis ensemble, ajouté à la nécessité de la scène et du jeu d’Helena, forcément, ça compose quelque chose d’autre. On fait du théâtre, donc on va dramatiser des choses, en exagérer certaines, en amoindrir d’autres, ça devient une matière que je travaille pour que ça ressemble à quelque chose que j’ai envie d’exprimer. Je ne peux pas revenir à la personne que j’étais à seize ans, beaucoup de choses se sont passées depuis. Il y a donc ces strates de temps avec lesquelles il faut jouer, et qui permettent la distance.
Pensez-vous que les réseaux sociaux sont une de sorte de journal intime à ciel ouvert pour les adolescent·es d’aujourd’hui ?
Ça occupe un peu cette fonction-là oui : on peut montrer une autre facette de soi, des barrières morales peuvent sauter. Pour certaines personnes, qui ont un rapport intuitif aux réseaux sociaux, ça peut être un terrain de jeu. Évidemment, les règles changent énormément entre les différents réseaux, et évoluent dans le temps. Mais j’ai l’impression que pour la jeunesse, il y a la possibilité de parler de soi différemment, de jouer avec une partie de soi qu’on ne va pas forcément mettre en avant dans la vraie vie. La différence par rapport au journal intime, c’est qu’on est en interaction avec d’autres, c’est un endroit de rencontres aussi – hasardeuses, plus ou moins fortuites… Pour des personnes timides, c’est aussi un endroit qui permet d’oser, de prendre un temps différent pour faire connaissance avec quelqu’un·e par exemple.
Pour Jeanne, Instagram, c’est un lieu de crise, elle pète un câble en direct (…) [elle] « part en live » (rires) !
Marion Siéfert
Penser les réseaux sociaux en termes de terrain de jeu, est-ce que ça signifie qu’Instagram est une scène comme une autre ?
Oui, c’est une scène ! Les réseaux sociaux ont des codes différents. Instagram, ce n’est pas vraiment le lieu de l’honnêteté, c’est le lieu du faux-semblant, de la vitrine… Ce que fait Jeanne dans la pièce, c’est qu’elle l’utilise à contre-emploi : elle l’utilise pour parler d’elle et de son malaise sans tabou… Les gens réagissent à ça aussi en voyant la pièce, il y en a qui la rappellent à l’ordre ! Pour Jeanne, Instagram, c’est un lieu de crise, elle pète un câble en direct. On est dans l’accident, dans quelque chose qui déraille. C’est quelqu’un qui « part en live » (rires) !
Ça rejoint l’idée de l’anarchie dont vous parliez tout à l’heure…
La crise de Jeanne est pensée et maitrisée, c’est le spectacle que nous avons construit. Mais ce que j’aime bien, c’est qu’il y a tout une part du spectacle que je ne maitrise pas du tout. Pour moi, une représentation, c’est une mise en danger, on ne sait pas ce qu’il va se passer, il y a un rapport avec le public qui est aussi un rapport de force. Si ça ne passe pas, ça ne passe pas, on le sent tout de suite et c’est terrible. Souvent, on cache ça derrière des politesses, des convenances… Ce que j’aime bien, au contraire, ce sont les émotions franches et sincères. Sur Instagram, la prise de parole n’est pas très policée, il y a toute cette culture internet dans laquelle les gens se lâchent et ne prennent pas de gants avec les commentaires, même si ça pose beaucoup d’autres problèmes, dont parle la pièce aussi, comme le harcèlement.
En tout cas, je laisse la possibilité aux spectateur·ices d’entrer en scène, sur un mode qu’iels maitrisent aussi, donc iels ne vont pas se sentir gêné·es. C’est ça qui me plaît : entendre leur pensée en temps direct, dans tout ce qu’elle peut avoir de génial, ou au contraire de raté, mais de chaotique, bordélique… On se met à avoir des commentaires sur les commentaires, les gens ne sont pas d’accord… C’est cette pluralité-là qui m’intéresse. En confrontant réellement l’histoire de cette fille à une communauté beaucoup plus large, on se rapproche un peu plus de la société d’aujourd’hui que s’il n’y avait que le public de théâtre qui était présent.
Ça permet d’être dans une constante et perpétuelle remise en question, ça devient très méta !
Oui, et c’est passionnant ! Il y a des incompréhensions, parfois certain·es spectateur·ices ne comprennent pas les commentaires parce qu’ils sont écrits dans un langage crypté par exemple. Il y a plein de questions qui se posent, les différences en termes de générations, de classes sociales, de la familiarité avec les réseaux, du rapport homme-femme… Tout ça apparait dans les commentaires, il y a de la méchanceté, de la bêtise, etc. Parfois c’est désarmant, mais c’est comme ça ! Certain·es sont heurté·es par les commentaires, le prennent au drame, et d’autres sont habitué·es, il y a différents degrés…
Je n’ai pas envie de faire un art qui reste marginal. (…) C’est toujours important de se demander à qui on pense quand on crée et par rapport à qui on crée.
Marion Siéfert
Pensez-vous qu’utiliser les réseaux sociaux est un enjeu important du théâtre aujourd’hui ? Est-ce nécessaire de se servir de ces outils pour opérer un renouveau ?
Je pensais plutôt cela dans le sens inverse, c’est-à-dire que je ne comprenais pas qu’on n’aille pas sur ce terrain-là. Je n’ai pas envie de faire un art qui reste marginal. Le théâtre a tendance à se marginaliser : il est très subventionné, donc il y a quelque chose d’un entre-soi, on se pense un peu à part, donc supérieur·es d’un point de vue intellectuel et artistique. C’est comme si on s’excluait de ce qui se fait aujourd’hui, du champ des artistes au sens très large. Je crois que je n’ai pas envie d’être marginalisée comme ça. Même si je ne pense pas encore y arriver, j’ai envie qu’on me regarde, qu’on regarde mon art comme quelque chose d’actuel, de contemporain. Il y a plein de stratégies pour ça, dont l’envie de s’adresser à beaucoup de gens et pas seulement aux programmateur·ices par exemple, c’est un peu les vices de notre système.
C’est toujours important de se demander à qui on pense quand on crée et par rapport à qui on crée. Quand je crée, j’ai en tête d’autres artistes, mais qui viennent d’autres champs que le théâtre, comme le rap, l’humour, la musique, le cinéma… J’essaye de comprendre ce qui se passe aujourd’hui, et le fait de faire un spectacle sur Instagram permet d’ouvrir le théâtre, d’y apporter quelque chose de très immédiat. Ce que j’aimerais, c’est que les gens ne soient pas intimidé·es d’aller au théâtre, qu’iels aillent voir une pièce par plaisir et pas seulement à cause de l’école, comme quand on va écouter un morceau de musique ou regarder un film qu’on aime…
Cette pièce permet de relativiser un point de vue qui se pense central, hégémonique, supérieur, étant toujours dans le vrai, dans le juste.
Marion Siéfert
C’est intéressant de le voir dans ce sens, d’assumer une part de responsabilité de l’élitisme et l’inaccessibilité souvent associés au théâtre.
Oui, je pense qu’il y a un effort à faire de notre côté, nous les artistes, on a notre part de responsabilité. Je pense aussi que faire Jeanne d’Arc, c’était faire l’histoire de ma propre construction et comprendre pourquoi j’étais allée vers le théâtre et pas un autre art – j’ai reçu une éducation catholique et bourgeoise. Instagram permet aussi d’aller vers ce type de questionnements-là. Je pense que la pièce décentre beaucoup de points de vue qui se pensaient comme omniscients, omnipotents, comme celui du père de Jeanne. Ça permet au point de vue du théâtre d’être relativisé : il n’y a pas que les spectateur·ices de théâtre qui regardent cette pièce, il y a aussi celles et ceux d’Instagram. C’est le même travail que j’ai fait de manière intime par rapport à ma famille, où le point de vue du père est celui qui donne le ton, qui est le garant de l’ordre familial. Jeanne remet en question le monde dans lequel elle a grandi, celui de sa famille, avec son ordre, sa cosmologie, ses valeurs…
Cette pièce permet de relativiser un point de vue qui se pense central, hégémonique, supérieur, étant toujours dans le vrai, dans le juste. C’est cette mise en tension qui est intéressante aussi avec la pièce : forcément, quand on est au théâtre face à cette pièce, on ne peut pas se dire qu’on maitrise ce qu’on voit. Moi-même je suis perturbée, donc je pense que tout spectateur·ice est perturbé·e. Perturber, ça permet de s’interroger, de réfléchir, de se remettre en question…
Pour finir, pouvez-vous nous citer quelques références ou artistes qui vous ont inspirée pour écrire cette pièce ?
C’est très éclectique, entre autres :
À écouter :
– Les premiers albums d’Eminem, pour la construction de son alter-ego, la question de la folie, le dévoilement de l’intimité sans fard, l’ambiguïté et le fait qu’il soit un des seuls rappeurs à parler de sa mère sans l’idéaliser. Chez lui, il y a autre chose que la maman et la putain. Ça me touche.
– Agartha de Vald (2017)
À voir :
– La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer (1927) pour son utilisation du gros plan et pour le jeu de Maria Falconetti.
– Carrie au bal du diable de Brian de Palma (1976)
– 36 Fillette de Catherine Breillat (1988)
– Je vous salue, Marie de Jean-Luc Godard (1985)
Image à la Une : © Matthieu Bareyre
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