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Les footballeuses sont des « Reines » selon Johanna Makabi

Les footballeuses sont des « Reines » selon Johanna Makabi

La Coupe du monde féminine de football s’achève, et c’est avec émotion que nous avons observé une passion nationale se créer ces dernières semaines. Avec « Reines », Johanna Makabi illustre parfaitement la beauté adolescente de ce sport, et surtout la puissance des filles.

Avec un match d’ouverture France-Corée du Sud qui a réuni plus de 10 millions de téléspectateur·ices, un jeu d’une indéniable qualité, et une liesse populaire indescriptible, les footballeuses ont su déchaîner les foules et imposer leur talent. Des femmes fortes, rapides, engagées, peu importe les nationalités – comme l’icône américaine Megan Rapinoe : ce sont des représentations qu’on ne peut sous-estimer pour toutes les petites filles, les femmes des générations suivantes, les futures sportives, qui se voient validées par le grand public et des médias qui les boudaient jusqu’alors, et ne leur accordaient que très peu de place dans leurs colonnes. Savoir que c’est possible, c’est déjà beaucoup. Et à cela nous rajouterons que, non ce n’est pas du foot féminin, c’est du foot tout court.

Après nous avoir offert son « Match » avec Moesha 13 et Cherry B Diamond, Johanna Makabi s’est plongée cette fois le temps d’une vidéo dans l’atmosphère du FC Gobelins, filmant les U16 dans leur environnement naturel : les terrains, les vestiaires, leur équipe. Une sororité éclatante qui réfléchit sur le vert du terrain et des maillots, des joies et des peines sportives d’adolescentes dans le collectif, des tirs puissants et des visages concentrés : si ça ce n’est pas de l’intense empowerment, on ne s’y connait pas. Et pour compléter et mieux saisir de l’intérieur comment ce nouvel engouement pour les footballeuses est vécu, nous sommes allées rencontrer Anissa Dellidj, jeune footballeuse professionnelle au LOSC Lille.

Reines © Johanna Makabi

Manifesto XXI – Peux-tu te présenter et nous dire comment tu t’es retrouvée à faire du foot ?

Alors moi c’est Anissa Dellidj, j’ai 26 ans et je fais du foot en club depuis l’âge de 10 ans. J’ai commencé dans la cour de récréation quand j’avais 6 ans environ, et je demandais à mes parents de m’inscrire à chaque fois. Mon père me disait tout le temps « ok, à la rentrée peut-être ». Ensuite mes parents ont divorcé et je suis allée dans un centre aéré sportif de ma nouvelle ville et l’un des animateurs était aussi coach de foot. Il a dit à ma maman qu’il fallait absolument m’inscrire en club au plus vite. Ce que nous avons fait à la rentrée de mes 10 ans ! 

Qu’est-ce qui te plait dans ce sport ? Et dans le sport de manière générale ?

Ce qui me plaît dans le sport c’est de pouvoir se réunir, j’apprécie plus les sports collectifs d’ailleurs, même si j’aime bien tous les sports de manière générale. Pour le football en particulier car c’est devenu une passion depuis toute petite, je ne suis pas certaine de pouvoir expliquer ce que je ressens lorsque je suis sur un terrain. Je ressens le soutien de ma famille et de mes fans. Je sais que beaucoup de ceux qui nous regardent font des pronostics sportifs mightytips dans les bookmakers pour nos victoires, et nous essayons de ne pas les décevoir.

J’aime aussi le fait de devoir me dépasser, d’aller toujours plus loin que nos prétendues limites.

Tu considères le terrain et l’entraînement comme des lieux d’empowerment pour les femmes ?

Les terrains de foot ne sont malheureusement pas encore épargnés par la discrimination. Ça avance, c’est sûr, mais nous avons encore du chemin à faire. La Coupe du monde en France cette année va beaucoup nous aider. Mais je vois bien que beaucoup de femmes, comme moi, font en sorte de montrer qu’elles en sont capables. 

Que penses-tu de l’expression “foot féminin” qui est parfois décriée ?

Foot féminin ne veut rien dire, si ce n’est de préciser que lorsque vous viendrez à ce match, ce sera des femmes sur le terrain.

Mais dans ce cas, pourquoi ne pas mettre masculin derrière le nom de leur club ? En fait, j’essaye de ne pas faire de distinction, le football c’est un sport, il ne devrait être écrit nul part que c’est pour les hommes ou pour les femmes. Comme tout dans la vie d’ailleurs.

Reines © Johanna Makabi

Comment tu as ressenti le manque d’exposition médiatique (jusqu’à la Coupe du monde) des footballeuses comparé aux footballeurs ?

Le football pratiqué par les femmes ça leur paraît peu commun, la preuve lorsque je rencontre des gens et que je leur explique que je joue au foot il y a toujours cette expression de surprise sur leur visage. Mais finalement beaucoup d’entre eux s’intéressent et me demandent plus de détails. La médiatisation ça prend du temps, je vois en tant que joueuse que c’est en train de prendre de l’ampleur ! Et c’est bon signe pour l’avenir, regarde combien de personnes se sont mobilisées pour cette Coupe du monde. C’est magique, et ça va continuer dans le bon sens je pense !

Quelles opportunités n’ont pas les footballeuses par rapport aux footballeurs ?

Les footballeuses sont déjà au top, c’est juste que les mecs sont plus physiques et rapides !

Mais nous on a la technique, le cerveau, et aussi le fait qu’on se roule moins par terre pour un petit bobo ! (rires)

Comment as-tu vu évoluer le foot ces dernières années ?

Ces dernières années le football a pris plus d’ampleur, c’est le sport préféré au niveau mondial et ça n’est pas pour rien. Encore une fois, pour les filles ça a bien évolué. Je me souviens quand le LOSC était encore Templemars (FCTV : Football Club Templemars Vendeville), on avait dû séparer le club des filles et des garçons car les filles rapportaient plus d’argent au club car nous étions en D2, et les garçons du club bénéficiaient de notre argent. C’était déjà une belle avancée de voir ça !

Tu le vois comment ce soudain intérêt pour les footballeuses avec la Coupe du monde ? Opportunisme ou vraie avancée ? 

Je perçois ça de la bonne manière. Même si les nouveaux supporters ne sont que nouveaux, il faut bien un début à tout ! Je pense qu’ils ont vraiment apprécié suivre cette Coupe du monde. C’est juste dommage que la France ne soit pas allée plus loin car cela aurait pu être encore plus évolutif dans la mentalité des Français, et on aurait pu montrer au public que des femmes aussi peuvent ramener la coupe à la maison… Mais ça sera pour la prochaine fois ! 

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