Le duo norvégo-islandais Ultraflex revient avec son second album, Infinite Wellness (Street Pulse Records), une véritable plongée dans un univers audio/visuel DIY flamboyant et teinté d’ironie.
Ultraflex est l’union née du coup de foudre mutuel entre Kari Jahnsen (NO), aka Farao, et Katrín Helga Andrésdóttir (IS), aka Special-K. Si leur premier album Visions of Ultraflex s’inspirait de l’électro disco soviétique et est-européenne des années 80, Infinite Wellness élargit ses influences pour faire évoluer la tracklist entre disco, italo et funk, mélangée à des sensibilités new age, des accords de jazz inattendus et des torsions mélodiques. Avec leur fausse innocence et leur charme sournois, les deux artistes nous embarquent dans leur univers brumeux et vibrant, révélé par leurs clips expérimentaux kitchs et conceptuels. Rencontre par écrans interposés avec Kari et Katrín, respectivement depuis Berlin et Reykjavik.
Ce projet est censé être une chose positive dans nos vies et ça nous apporte beaucoup de wellness, infinitely.
Kari Jahnsen
Manifesto XXI – J’aimerais parler de la façon dont vous vous êtes rencontrées. Certaines interviews mentionnent que c’était sur Tinder. Est-ce vraiment le cas ?
Kari (avec un sourire au coin des lèvres) : Eh bien… Oui, peut-être.
Katrín : On a plusieurs histoires sur l’origine de notre rencontre. L’une d’elles est qu’on s’est rencontrées sur Tinder, une autre, que nos parents sont sortis ensemble. Chacun·e peut choisir celle à laquelle iel veut croire.
Comment avez-vous commencé à travailler ensemble, et comment le groupe s’est-il créé ?
Kari : En 2019, on a écrit une pièce commandée par les festivals de musique électronique scandinaves Extreme Chill et Insomnia. On s’est tellement amusées qu’on a décidé de tout enregistrer et de sortir un album. C’est comme ça que le projet a commencé.
Comment vos projets personnels influencent-ils la façon dont vous travaillez ensemble sur Ultraflex ?
Katrín : On fait toutes les deux de la musique depuis très longtemps avec nos projets solo, avec d’autres groupes, donc je pense qu’on prend tout ce qui est à disposition dans la boîte à outils pour l’infuser dans Ultraflex.
Kari : Avec l’expérience de ces autres projets, on sait aussi ce qu’on ne veut plus faire. Avec Ultraflex, on a aussi voulu éviter tous les aspects épuisants/énervants/non inspirants de nos précédentes expériences.
Les scènes musicales de vos pays respectifs influencent-elles aussi le projet ?
Kari : Oui, beaucoup ! Je peux peut-être mentionner quelques artistes norvégiens : un projet norvégien/allemand qu’on aime beaucoup s’appelle Easter, sinon Okay Kaya – qui est une amie, elle a fait certaines de nos vidéos et a été une grande source d’inspiration et de soutien pour notre premier album.
Katrín : Je pense à Smerz aussi. La scène berlinoise nous a aussi inspirées, parce que Kari y vit, qu’on y a passé beaucoup de temps et que j’y vivais quand on a commencé à travailler ensemble. Il y a Sean Nicholas Savage qui y vivait, je crois qu’il a déménagé depuis, Jane de TOPS. En Islande, je dirais qu’on est plus influencées par les personnes les plus proches de nous, nos ami·es. Jóhanna Rakel, qui a réalisé les clips pour « Under The Spell » et « Never Forget My Baby » sur le dernier album. Il y a un groupe que j’aime beaucoup mais que je n’ai écouté que récemment donc je ne sais pas dans quelle mesure il a inspiré cet album : c’est russian.girls qui font un genre de musique électro rave des années 90. On écoute aussi toutes les deux le podcast de Björk.
Quand votre processus de création a-t-il commencé pour cet album ?
Kari : Il y a assez longtemps, en janvier 2021. Katrín était à Berlin pendant un mois et c’était pendant le confinement strict, où rien n’était ouvert. On n’avait le droit d’avoir la visite que d’une seule personne à la fois. On a travaillé sur des idées de nouvelles chansons pendant un mois, puis je suis allée en Islande au printemps 2021, et on n’a pas terminé l’album, mais on est allées très loin dans toutes les chansons. Puis, à l’automne 2021, on a fait le mixage. Je pense que l’album a été terminé à Noël.
Katrín : Ou même un peu plus tard, car je me souviens qu’on a sorti « Relax » avant d’avoir fini de mixer le reste de l’album, c’était en mars ou quelque chose comme ça.
À propos du titre de l’album, que signifie le bien-être dans vos vies ? Avez-vous une wellness routine ?
Katrín : Infinite + Wellness [infini et bien-être en anglais, ndlr] était une combinaison de mots qu’on trouvait à la fois luxuriante, gracieuse et plaisante, mais aussi un peu ironique. Il y a beaucoup d’aspects du bien-être qui sont incroyables, mais qui peuvent aussi être un peu capitalistes. On fait toutes les deux un peu de yoga et on mange assez sainement.
Kari : Je pense qu’il en est aussi du projet en lui-même, de la relation de travail et de la relation amicale qu’on a entre Katrín et moi, qui consiste à s’amuser. Ce projet est censé être une chose positive dans nos vies et ça nous apporte beaucoup de wellness, infinitely (rires).
Katrín : C’est un bien-être pour l’âme, pas nécessairement pour le corps !
Avez-vous eu une ligne directrice pour cet album ?
Katrín : Je pense que pour le dernier, on avait davantage un cadre pour ce qu’on allait faire, celui-ci était un peu plus organique.
Kari : Au début, on pensait qu’il s’agirait plus d’un album sur le bien-être, étant donné qu’on pensait que tous les morceaux auraient des thèmes liés au bien-être. Mais finalement, ce n’était le cas que pour un seul, le premier, « Relax ».
Katrín : Le morceau a dû être écrit pendant le confinement, ou commencé à l’être à ce moment-là. Il parle de toutes ces choses qui nous manquaient vraiment dans la fête. C’est aussi une chanson sur la passion et la romance, et je pense qu’elle agissait comme une sorte d’évasion et de fantasme pendant le confinement.
La fête et la romance peuvent aussi faire partie du bien-être d’une certaine façon.
Kari : Oui, absolument. Sortir en club est une sorte d’activité thérapeutique pour moi, je ne le fais pas assez.
Quelle a été votre approche pour ce nouvel album par rapport au précédent, Visions of Ultraflex ?
Katrín : On a eu beaucoup plus de temps.
Kari : Oui, ça s’est étalé sur une longue période de temps, ce qui était bien et plus libérateur je suppose. J’ai aussi été enceinte pendant ce processus.
Katrín : Enceinte, puis mère d’un nouveau-né !
Kari : Donc on a eu le temps de réfléchir à des idées entre chaque fois qu’on s’est réunies.
Katrín : C’était bien ! Ça a permis de les faire fermenter. Le processus de mixage a aussi pris du temps, c’est comme si on avait pressé tout le jus de l’album.
En dehors de la musique, l’univers esthétique d’Ultraflex semble être une partie importante de votre projet. Quelle place accordez-vous à l’aspect visuel du projet ?
Kari : Il est aussi important que la musique. On a décidé dès le début qu’Ultraflex serait autant axé sur l’aspect visuel que sur la musique, donc les clips ne sont pas seulement censés représenter les chansons, ils sont censés être des œuvres en elles-mêmes. La pochette du vinyle a été réalisée par une graphiste islandaise extraordinaire, Greta Þorkels, dont le travail est une œuvre d’art en soi. Je pense que ça représente très bien les chansons, mais que c’est aussi une chose à part entière…
Katrín : Et qui pourrait vivre de manière autonome !
Comment choisissez-vous les artistes avec lesquel·les vous collaborez ?
Katrín : Ce sont surtout nos ami·es ou des gens avec qui on a déjà travaillé, car on fait toutes les deux de la musique depuis… toujours. Par exemple, Greta faisait partie de nos ami·es. La seule personne qui nous était totalement étrangère et qu’on a découverte sur Instagram est Lisa Mård, qui a fait le nail art pour le clip de « Relax ». Sinon, tout s’est fait par le biais de nos relations et de nos ami·es.
Pour finir, y a-t-il un·e artiste qui vous a particulièrement inspirées dernièrement ?
Katrín : On a tellement d’inspirations, presque trop ? Je peux dire Kari Bremnes. Pour la décrire, je dirais que c’est la musicienne que nos parents écoutent. On fait référence à elle dans l’intro de « Melting Away ». Je suis aussi très inspirée par Eartheater, je suis fan d’elle depuis un moment.
Kari : Il y a aussi Erika de Casier. On aime aussi beaucoup The Zenmenn, un groupe berlinois. J’ai chanté sur leur album, ils font principalement de la musique instrumentale.
Katrín : Finalement, ils font de la wellness music !
Relecture et édition : Pier-Paolo Gault