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Franky Gogo. « Je suis un corps politique »

Franky Gogo. « Je suis un corps politique »

Manifesto XXI - Franky Gogo

Nouvelle signature du label féministe et queer CryBaby, sous licence [PIAS], Franky Gogo a dévoilé vendredi dernier son premier EP, Fast and Too Much. Une musique libérée et fière pour les invisibles qui y trouveront peut-être la bande-son de leur révolution.

Le premier chapitre de cette histoire s’inscrit dans la compilation du collectif lesbien Barbi(e)turix, dévoilée un an plus tôt, avec la reprise « Sweet Fanta Diallo » d’Alpha Blondy. Une page se tourne et c’est sur scène, dans la pièce L’Aventure invisible de Marcus Lindeen, que l’on retrouve Franky Gogo, interrogeant la stabilité et la permanence des identités. L’identité, ce qui est censée nous définir, et c’est bien ici que débute la révolution.

« Une révolution, c’est cela : une secousse du temps qui fait cesser la répétition assourdissante de l’oppression pour qu’un nouveau maintenant puisse advenir. Le temps de la révolution commence. Tout doit changer. Tu dois changer. Le temps de ceux qui avant n’avaient pas droit à l’histoire commence. » Voici comment s’ouvrait le communiqué de presse pour Fast and Too Much, par une citation de Paul B. Preciado, avec qui l’on avait discuté de cette révolution transféministe et antiraciste en cours.

La musique de Franky Gogo n’est pas lisse, car ce n’est pas le but. Certain·es cherchent toute leur vie l’accord parfait, tandis que d’autres créent de nouveaux espaces musicaux pour les laissé·es-pour-compte. On a eu la chance de plonger dans le monde de Franky Gogo et ce qu’on y a trouvé était rayonnant.

© Clémence Veilhan

Manifesto XXI – Tout d’abord, est-ce que tu vas bien ?

Franky Gogo : Je vais bien manger, je vais bien dormir, je vais bien courir nu, je vais bien manifester, je vais bien lancer une bouteille à l’océan frais, et qui réapparaîtra dans 11 ans sur les côtes du Brésil.

J’ai pu voir que tu avais joué dans L’Aventure invisible de Marcus Lindeen. Est-ce que cette nouvelle expérience scénique a influencé ta musique ?

Elle n’en a pas eu l’occasion car nous venions juste d’en entamer la tournée, stoppée en plein essor, en plein triomphe si l’on peut dire, par une pandémie mondiale. Mais c’est une pièce somptueuse, une aventure dense et terrible, et qui me gravit l’Everest pour toujours. 

Qui est « Franky Gogo » ?

C’est moi. Je suis à vous, je vous dis des histoires si fausses qu’elles sont vraies. Elles sont en or massif, donc très lourdes à porter. Vous m’aidez ?

Dans le communiqué de presse, il est dit qu’il s’est enfui de la Tea-Party dans laquelle sont piégé·es le chapelier fou et ses convives. Comment a-t-il réussi à échapper à ce schéma caricatural et normé ?

Il a ôté ses plus beaux vêtements, et en a partagé chaque pièce, chaque élément avec les convives. De cette façon, après s’être regardé·es mutuellement, iels ont trouvé qu’ils se ressemblaient toustes, et iels furent prêt·es à s’aimer. Alors c’est en restant près d’elleux qu’il s’est échappé le mieux.

Qu’est-ce qui est Fast and Too Much ?

C’est la façon qu’ont les personnes traquées, celles en marge, les laissé·es-pour-compte, les trop foncées, les pas assez lisibles, de s’aimer, de se saluer, de se reconnaître ou bien seulement de vivre, dans un espace auto-proclamé normal. C’est l’intranquillité.

Dans cet EP, on entend des dissonances, les morceaux sont déconstruits, les voix sont parfois rieuses. Tous les codes sont clairement mis à la poubelle. On sent une volonté de péter les normes. Qu’est-ce que tu as voulu transmettre comme message ?

Je donne à voir ce que je suis. Je suis le message. Je suis un corps politique. Vous êtes les bienvenu·es. Je suis mon propre code. J’apprends le tien. Voici le message. Je suis le message. Je suis mon messager.

Est-ce que c’est important aujourd’hui de produire de la musique qui n’entre pas dans des cases ?

C’est important de montrer que si cases il y a, alors il y en a autant que de personnes, et même plusieurs par personne, autant qu’on veut, qu’il s’en crée chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde. Comme ça, pas besoin d’entrer dans la case d’un·e autre.

© Clémence Veilhan

C’est aussi les montagnes russes. Il y a des choses très violentes, qui nous percutent en pleine face et aussi des choses plus douces, voire même mélancoliques. C’est un peu une description de la vie finalement, qui n’est ni plate, ni facile. C’est ce que tu as voulu exprimer ?

Pendant la fête réussie, la Peine arrive au moment où la Joie est à son faîte. Elles se regardent et se prennent dans les bras. Quelqu’un·e pleure, qu’il faut consoler. C’est de joie ? Dansons, mes ami·es, le temps file ! Puis le matin arrive…

Le premier morceau « Welcome to Minustown » est très nerveux, ça pose bien l’énergie générale de cet EP. Qu’est-ce que ça raconte ?

C’est un genre de court-métrage (il faut l’imaginer). Une ville tout en long, avec une grande et unique rue. On roule en voiture et on y voit les protagonistes. Iels s’ennuient, il n’y a là rien qui vaille. Alors on projette un casse.

Tu as sorti un premier clip « Fast and Too Much » qui présente Franky Gogo comme un personnage un peu cynique et excentrique, qui se rit de situations assez dangereuses et qui se termine finalement par une belle union collective. C’était quoi l’idée derrière ? 

Je ne suis jamais cynique, ou alors exterminez-moi. Comme dit plus haut, je voulais proposer au/à la spectateur·rice de ressentir au millionième l’intranquillité que les femmes, les trans, les racisé·es, les pédés/gouines connaissent tout au long de leur vie dans les situations qui paraissent aux autres banales. Mais je ne voulais pas être littéral. D’où les situations cocasses, drôles bien que stressantes.

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On sent un peu de satire aussi dans les textes. Qu’est-ce qui t’inspire ? Et qu’est-ce que tu dénonces ?

Oh, je ne dénonce rien. Je donne la parole à celleux que l’on entend trop rarement, je mets en lumière les outsiders. Ce qui m’inspire : l’herbe entre les dalles.

Qu’est-ce que ça fait de faire un concert devant un public assis ?

Alors on a l’impression qu’avec le covid (oui, je dis LE covid), on a oublié qu’énormément de concerts se font devant un public assis. Et donc, après de nombreuses années de lives en tous genres, je n’en suis pas à mon coup d’essai… Bien que cela soit radicalement différent que devant un public debout qui saute partout et se jette de la bière au visage, je le supporte. Ce qui est nul en revanche, c’est qu’il soit impossible de continuer la fête dans le lieu du concert, qu’il faille ranger son matériel vite, comme un naze, et rentrer chez soi, une tisane et dodo. Bon on se débrouille autrement, hein.

Comment tu la trouves cette année 2020 ?

Je trouve qu’au Chili il s’est passé une chose fantastique !

C’est quoi la suite pour toi ?

J’écris ce qui sera un album, j’écris un film, je fais une série des très très courts-métrages appelée DOOM, je viens de tourner un deuxième clip, je rejoins bientôt Régine Chopinot pour nos beaux travaux et je me languis de L’Aventure invisible. Et de la scène, mon dieu.

Un dernier mot ?

EL PUEBLO UNIDO !

Image à la Une : © Clémence Veilhan

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