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Commune de Paris, #MenesOut, néo-nazis à l’armée : Revue de presse #9

Commune de Paris, #MenesOut, néo-nazis à l’armée : Revue de presse #9

Bien s’informer, c’est important mais ça demande du temps. Alors chaque lundi, la rédaction de Manifesto XXI vous présente sa revue de presse pour bien commencer la semaine. Dedans, retrouvez des infos essentielles, des enquêtes marquantes, des débats, des images fortes, des actus queers et féministes…

La semaine passée nous aurons fêté nos 1 an de confinement, mais aussi les 150 ans de la Commune de Paris : retour sur l’actu de la semaine du 15 mars.

Presque aussi révolutionnaire que la Commune, l’actrice Corinne Masiero a répondu à ceux qui n’ont pas aimé son happening aux César au micro de Mediapart. Un moment pépite qui a illuminé nos journées, comme la condamnation de CNews. Pour le reste de cette revue de presse, vous trouverez des nouvelles beaucoup moins réjouissantes comme la découverte d’un réseau de militaires néo-nazis dans l’armée française ou de nouvelles révélations de violences sexuelles dans l’affaire PPDA, ou, encore à la télé, concernant le présentateur Pierre Ménès. Nos lectures nous ont aussi guidées vers de brillantes réflexions sur la performativité militante et une belle interview de Roxane Gay sur l’écriture des traumas.

La semaine en bref

Affaire PPDA, la suite – L’article du Monde recoupe les témoignages de huit femmes qui accusent l’ancien présentateur Patrick Poivre d’Arvor de violences sexuelles, allant du harcèlement au viol. Elles décrivent un homme drapé dans une posture de séducteur tout puissant qui abusait de sa notoriété et de sa puissance médiatique, à TF1 comme ailleurs. Il était notamment réputé pour ses techniques d’approche très intrusives jusqu’à avoir pour surnom « vous êtes mariée ? vous êtes fidèle ? ». Les récits de ces femmes mettent également en lumière la loi du silence qui régnait au sein de la chaîne de télévision. Leurs paroles fissurent la forteresse du « système PPDA » où les règles du jeu étaient édictées par un roi intouchable et impuni.

Terrorisme – « Éliminer la tentation » : c’est la justification invoquée par l’homme qui a assassiné huit personnes dont sept femmes dans une fusillade visant trois salons de massage à Atlanta. L’auteur qui se dit « accro au sexe » nie toute motivation raciste derrière son acte : six de ses victimes étaient pourtant d’origine asiatique. Une horreur qui vient après une montée inquiétante du racisme anti-asiatique, dont les femmes sont les premières victimes. Malgré le caractère systémique de ce racisme et des violences commises contre les femmes au nom de la « misère sexuelle », la qualification de ce crime comme acte de terrorisme ne vient toujours pas… 

Sexisme à poil après les César – Lors de la remise de prix du meilleur costume, l’actrice Corinne Masiero a attiré l’attention en délaissant sa traîne de peau d’âne pour se retrouver nue face au public. Déjouant les commentaires sexistes et les normes de beauté, c’est sur la précarité des acteur·rice·s de la culture et de bien d’autres milieux en crise que portait son message. Les inscriptions lisibles sur son corps « No culture no future » et « Rends-nous l’art Jean » avaient pour but direct d’interpeller les politiques, en particulier Roselyne Bachelot, sur l’état d’apathie imposé au secteur culturel. Qu’à cela ne tienne : dix parlementaires, emmenés par le député LR du Vaucluse Julien Aubert, ont annoncé mardi avoir écrit au procureur de la République pour signaler son « exhibition sexuelle ». Interviewée dans l’émission « À l’air libre » de Mediapart sur les réactions à son action, Corinne Masiero a répondu aussi avoir reçu des centaines de messages de femmes heureuses de voir leur corps montré. De l’interview, on retiendra cette formule également mythique : « Moi ma force, c’est d’être moche, et populaire, et d’être vulgaire. »

Des nazis dans l’armée – Mediapart révèle cette semaine la présence d’au moins 50 militaires ouvertement nazis, faisant notamment faire le salut hitlérien à de petits enfants guyanais. La majorité sont légionnaires, parfois étrangers et liés entre eux. Mediapart questionne comment ces nazis assumés et organisés ont pu ne pas être détectés par l’armée qui assure cribler tout type de radicalisation dans ses rangs. Cette dernière s’est défendue en affirmant contre toute preuve qu’il ne s’agissait que de profils solitaires. 

Darmanade – Le ministre de l’Intérieur a trouvé de quoi remonter le moral des troupes : leur commander de nouveaux vêtements. L’uniforme précédent était dessiné par Balenciaga mais comme l’heure est aux coupes budgétaires, on s’est tourné vers une option plus dans l’air du temps : demander aux étudiant·e·s de travailler gratuitement contre visibilité, et dans les délais les plus brefs. Les élèves de Duperré se sont indigné·e·s, la direction a mollement marmonné qu’il fallait arrêter de voler son courrier.

CNews condamnée – La chaîne devra payer 200 000 euros d’amende pour avoir laissé passer des incitations à la haine de son polémiste Eric Zemmour dans l’émission Face à l’info, pourtant diffusée en différé. Il avait qualifié les mineurs isolés de « voleurs » et d’« assassins ». Eric Zemmour a déjà été condamné trois fois par la justice pour provocation à la discrimination raciale et provocation à la haine.

Le printemps est inexorable – Le mouvement d’occupation des théâtres qui rassemble les intermittent·e·s, précaires, étudiant·e·s en art, parti de l’Odéon le 4 mars, s’étend maintenant dans plus d’une soixantaine de lieux et vise à une large convergence pour un printemps de luttes. Il réclame le retrait de la réforme de l’assurance-chômage, la prolongation de l’année blanche pour les intermittent·e·s et la réouverture des lieux culturels. On peut retrouver le reportage photo de l’occupation de l’Odéon par Brice Le Gall ou jeter un coup d’œil à la carte interactive des occupations.

Les nouveaux réseaux du complotisme – Cacher ces infox que nous ne saurions voir, une politique vraiment efficace ? Suite aux mesures prises par les GAFA pour renforcer la lutte contre les fake news et le complotisme, Le Monde se penche sur la riposte de ces réseaux qui trouvent notamment asile sur Gab, Parler ou encore Odyssey… exploités par l’extrême droite anglophone. Avec ce vaste mouvement de démantèlement, les rumeurs pourraient être plus dures à fact-checker et se radicaliser.

150 ans de la Commune de Paris – Jusqu’à fin mai aura lieu une grande saison communarde, en mémoire de l’événement insurrectionnel parisien qui a marqué durablement les cultures révolutionnaires. Au programme : balades, spectacles, conférences… Les productions culturelles sur le sujet ne manqueront pas ces prochaines semaines, c’est donc aussi l’occasion d’en apprendre davantage sur la Commune, moment tant de guerre civile que d’invention d’un très riche programme politique, par exemple via la série radiophonique « La Commune de Paris, dernière révolution avant la République » ou encore le documentaire d’Arte Les damnés de la Commune.

#MenesOut – Dans le nécessaire documentaire Je ne suis pas une salope, je suis journaliste de Marie Portolano, une vingtaine de journalistes spécialisées dans le domaine du sport racontent l’ampleur du sexisme dans ce milieu. Selon le site Les Jours, la partie sur le chroniqueur Pierre Ménès a été censurée par Canal+. Pourtant, ce dernier est accusé d’agressions sexuelles sur deux femmes, dont la réalisatrice du reportage qui vient de quitter la chaîne. L’accusé nie en bloc et la direction du média est restée silencieuse alors que le hashtag #MenesOut se multiplie sur les réseaux sociaux ce week-end du 20-21 mars.

Matière à penser

Observatoires à la chaîne – « Observatoire du décolonialisme », « Vigilance Universités » : les groupes de chercheur·se·s agacé·e·s par la montée des études sur le genre et le postcolonialisme se font de plus en plus entendre et en appellent à l’arbitrage du grand public. Face à elles/eux, des chercheur·se·s en sciences sociales qui ne comprennent pas l’ingérence de collègues issu·e·s souvent des sciences formelles, ni des accusations de partis pris militants pour des travaux qui suivent pourtant une démarche bel et bien scientifique. 

Roxane Gay – L’autrice féministe américaine Roxane Gay continue de tracer une voie aussi bouleversante qu’importante dans notre époque, ses tourments et comment on en parle. L’autrice raconte dans Vanity Fair ses réflexions sur l’écriture du trauma, en répondant aux questions de Monica Lewinsky (en 1998, la révélation de ses relations sexuelles avec le Président Bill Clinton avait déclenché un scandale national aux États-Unis, connu sous le nom d’« affaire Lewinsky », ndlr). Comment mettre ses souffrances intimes à l’écrit ? Puis comment passer, au-delà du récit, à la construction d’un discours critique sur la blessure qui béera toujours ? Elle analyse également les discours des hommes blancs en colère, basculant le trope raciste de la femme noire en colère. Et comment cette inique colère a coûté la vie cette semaine à huit personnes, dont sept femmes asiatiques, soupçonnées d’être trop sexuelles juste par le fait d’exister.

Alice Diop – La réalisatrice nous présente son nouveau documentaire, Nous, primé à Berlin et diffusé en ligne dimanche dans le cadre du festival Cinema du Réel. On a déjà hâte de découvrir sur Arte ce film qui traverse la banlieue, mais en attendant on peut écouter le bel entretien qu’elle a donné à Mediapart. Les mots toujours beaux et justes, elle y parle de l’importance de sa lecture des Passagers du Roissy-Express de François Maspero, du droit au récit pour toutes les vies, de l’assèchement de la culture et de la capacité de révolte que l’on acquiert devant une œuvre : « Politiquement, à quoi ça peut servir de nous endormir ? »

Performativité militante – Dernièrement, notamment avec la parution du livre Joie militante (éditions du commun) en janvier, les pratiques militantes et communautaires sont au cœur des débats. Comment favoriser l’amour plutôt que reconduire la haine et le rejet au nom de valeurs radicales ? Comment lutter collectivement plutôt que de construire de nouveaux systèmes hiérarchiques ? Ce sont ces questions qu’aborde brillamment Chloé Madesta dans son dernier billet de blog Mediapart. Fruit d’un important travail de sources et de recueil de paroles, il contribue précieusement aux réflexions collectives qui doivent être encore approfondies.

La semaine en images 

Fast fashionDes ouvrières birmanes travaillant pour les sous-traitants de Primark, jeunes et mobilisées, ont été enfermées dans leur usine pour les empêcher d’aller manifester. Ça vous rappelle la revue de presse d’il y a quelques jours sur les ouvrières du Maroc ? Normal, on y retrouve aussi l’incontournable Inditex (Zara, Bershka…) interpellé sur les pancartes des ouvrières. Le Guardian fait un état des lieux et Arte diffuse un documentaire sur la fast fashion et votre influenceuse préférée.

Elliot Page – Véritable rayon de soleil de notre semaine passée, l’acteur trans Elliot Page faisait la couverture du Time pour une interview fleuve sur sa transition. 

Voir Aussi

Femonationalisme – En revanche, le bad buzz très énervant de la semaine, c’est cette promo pour la gendarmerie nationale.

Cultures queers et transféministes

Oscar – Pour la première fois dans l’histoire du cinéma, deux réalisatrices sont nommées dans la catégorie de « meilleur·e réalisateur·rice » : Chloé Zhao pour Nomadland et Emerald Fennell pour Promising Young Woman.

En librairie – Sont désormais disponibles en rayons Féminismes et pop culture (Stock), le premier essai de la journaliste Jennifer Padjemi, et De mon plein gré (Grasset), nouveau roman de l’autrice Mathilde Forget.

Le cœur de Chloé – On vous recommande vivement l’écoute de cet épisode spécial du « Cœur sur la table », le nouveau podcast de Victoire Tuaillon. C’est une interview du militant non-binaire Chloé Madesta. Ça parle de trauma familial, d’hyper-vigilance, et de déconstruction des relations queers.

Sororasie – Le réseau d’entraide des femmes et minorités de genre asiatiques @sosorasie se lance dans un projet photographique d’ampleur : Asidentités. Pour mener à bien son ambitieux programme – deux shootings photo, 150 personnes mobilisées, une expo à monter –, iels ont lancé un crowdfunding et, pour contribuer, c’est par ici.

Sélection et rédaction : Albane Barrau, Apolline Bazin, Salvade Castera, Anouk Durocher, Anne Plaignaud

Image à la Une : 46ème cérémonie des César, screenshot © Canal+

Meghan Markle, 8 mars, Ignorance : Revue de presse #8

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