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#BalanceTonPorc, #MeToo : comment faire la peau au harcèlement sexuel ?

#BalanceTonPorc, #MeToo : comment faire la peau au harcèlement sexuel ?

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C’est un maelström ininterrompu depuis plus d’une semaine, comme si les planètes s’étaient alignées pour que le harcèlement sexuel, et plus largement les violences faites aux femmes, soient (enfin) au centre d’un débat mondial. L’affaire Harvey Weinstein commence le 5 octobre avec les témoignages des actrices Rose McGowan et Ashley Judd, puis d’autres, dont Léa Seydoux, Eva Green… Puis les Inrocks pondaient leur une avec Bertrand Cantat, et le mardi 11, France 2 organisait une soirée dédiée au harcèlement sexuel au travail avec le film Harcelée et l’excellent Infrarouge, Harcèlement sexuel au travail : l’affaire de tous… Le week-end du 14, Isabelle Adjani épinglait le cinéma français dans une tribune du JDD. Et la parole, les paroles se sont libérées. #BalanceTonPorc, #MeToo les témoignages ont afflué, et s’étalent sur Twitter, puis Facebook et Instagram. Des millions de femmes sont concernées par le harcèlement sexuel… Nous sommes des millions.

On le sait les journalistes, communicants et professionnels des médias sont sur-représentés sur Twitter. Mais quel triste flot, désespérément sans fin de témoignages de sexisme, ordinaire, violent, d’agressions ponctuelles ou subies depuis des années. Saluons le courage des femmes qui témoignent et saluons le dynamisme de ce mouvement numérique, dont on peut relever qu’il a fait autant de bruit que les principaux intéressés, les hommes, sont au mieux restés silencieux, ou ont grogné dans le pire des cas. Cet enchaînement d’événements, le nombre et la diversité des témoignages inédits fournissent une matière exceptionnelle pour amorcer une réflexion durable sur le harcèlement sexuel. Alors que doit-on faire pour lutter durablement contre l’impunité ? Quelles leçons tirer de ces hashtags?

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Sandra Muller, Française installée à New-York et directrice d’une lettre spécialisée dans l’audiovisuel est à l’origine du hashtag.

Respecter la parole des victimes.

Une bonne fois pour toutes, les arguments du style « T’as qu’à parler. » ; « Va voir la police! », « T’exagères… » doivent être bannis, sous peine de finir en chair à saucisses. Trop facile à dire quand on n’est pas soi-même dans le purin. 95% des femmes qui parlent perdent leur emploi (source : Infrarouge), et le harcèlement c’est tous les jours dans la rue, de façon anonyme. En plus, c’est la défiance à l’égard des victimes, que l’on blâme en premier bien sûr, qui est le meilleur gardien de ces terribles secrets. Malgré l’ampleur de l’affaire Weinstein, l’actrice italienne Asia Argento est déjà victime de slut-shamingEt le travail de respect de la parole est encore très long vu le florilège d’arguments de mansplaining, compilés ici par Marie Donzel, auxquels on a eu le droit depuis le lancement de #BalanceTonPorc.

Le silence des cochons sur les actions des porcs

On en parle ? Tous les arguments de mansplaining et de moralisation sont d’autant plus irrecevables que le harcèlement sexuel est un fait de société global, et que trop souvent les agressions ont lieu dans des lieux publics ou de sociabilité sans que personne n’intervienne. Agir, intervenir quand une personne est en situation de faiblesse, même si vous n’avez pas gardé les cochons ensemble, est essentiel pour lutter contre l’impunité et l’insécurité. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous et tout le monde doit faire un travail d’introspection, même les plus conscients.

Encourager l’information juridique et traduire plus d’actions en justice

Le documentaire de France 2 est rythmé par des échanges entre un public, Guillaume Meurice et une militante. Ces séquences révèlent à quel point nous méconnaissons la définition et les caractéristiques des actes de harcèlement sexuel, dont l'(a)normalité est tellement banalisée et internalisée. Tant pis pour ceux qui trouvent que ce mouvement ressemble un peu à une curée, une chasse aux porcs. Un peu de boue sur la réputation si immaculée de certains ce n’est que peu comparé à la fange de l’impunité dans laquelle on baigne globalement, même si bien sûr les réseaux sociaux ne peuvent faire office de justice. À peine la parole s’est-elle libérée, qu’on a craint des « débordements ». Éric Zemmour a avancé un parallèle grotesque avec la Seconde Guerre Mondiale, argumentant sur Europe 1 que #BalanceTonPorc aurait pu être #BalanceTonJuif. Des dénonciations, des vraies il y en a eu peu. Et il serait encore une fois peut-être bon de se rappeler que l’impunité fera toujours plus de victimes qu’une dénonciation et un procès. À ce titre, Juliette Maédel, ex-secrétaire d’État du PS propose de « transposer la mécanique des lanceurs d’alerte, qui a été mise en œuvre pour lutter contre la corruption, à cette situation de harcèlement ».

Giulia Foïs est journaliste à France Inter.

Continuer de se battre pour changer encore et toujours les représentations, et les décideurs médiatiques

Le milieu des médias est supposé mixte, ouvert, éduqué… À tort, les témoignages l’ont montré, c’est une vraie porcherie. Le milieu du journalisme américain commence tout juste à frémir.

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La racine de tous les maux : l’éducation

Vous avez peut-être pu voir la broderie ci-dessus sur les réseaux sociaux ou des phrases du type « N’apprenez pas à vos filles qu’elles sont des proies, mais apprenez à vos garçons à se tenir  ». Consentement, respect et éducation sexuelle. Et les porcs seront mieux gardés. Voire un jour, on aura peut-être plus besoin de parler de porcs et de garder qui que ce soit.

Ces hashtags ne sont pas du vent, au contraire ils annoncent que le vent tourne. Et clairement, ça sent le pâté pour certains.

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