Deux ans après leur dernier long format, les Toulousains Cathedrale reviennent avec Houses Are Built The Same. La sortie des deux singles « The Bet » et « Gold Rush » ne laissaient qu’entrevoir l’ébauche d’un virage musical. Il aura fallu attendre près d’un mois supplémentaire en raison de la crise sanitaire pour découvrir enfin leur troisième album chez Howlin Banana.
Entre 1977 et 1978 en Angleterre, le retour au rock primitif qu’avait suscité l’ébullition punk un an plus tôt, laisse place à une élaboration musicale inspirée par le krautrock : le post-punk. Cette ère de réflexion sur le rock et ses stéréotypes, incarnée par des groupes comme Magazine, Wire, Public Image Ltd ou Gang Of Four, ouvrira la voie à la synthpop des eighties et à la seconde « British Invasion » de 1983. C’est dans l’héritage musical de cette période de récession, violentée par l’administration Thatcher, où la musique se mit au service des causes sociales (Rock Against Racism, Hiver du mécontentement, grève des mineurs), que puise Cathedrale.
Pourtant, ne nous laissons pas berner malgré les parkas. Le quatuor issu de la ville rose a choisi de s’appeler ainsi lors d’un briefing sur les marches de la cathédrale St Étienne de Toulouse. Alors pourquoi cette introduction historique ? Parce que ce sont les effluves furieuses du punk mais aussi la terne atmosphère du post-punk anglais qu’on retrouve sur ce troisième opus.
Si l’on part du titre, on pourrait penser qu’il fait référence aux cottages ouvriers typiquement britanniques tels que les décrivait Engels en 1845 : « On ne construit pas les cottages ouvriers isolément, mais toujours par douzaines, voire par grosses – un seul entrepreneur bâtit du même coup une ou plusieurs rues. »* Serait-ce de cette architecture industrielle faite de briques que l’album tire son titre ? Probablement. Une certitude, la mise en abyme surréaliste de la pochette est signée Laura Kopf.
L’Angleterre n’est pas non plus qu’une lointaine inspiration dans cette production. Le groupe est parti l’enregistrer dans le Haha Sounds Studio de Londres, avec Syd Kemp derrière la console – un Français exilé en Grande-Bretagne qui s’est, entre autres, illustré en enregistrant et en produisant Thurston Moore (des Sonic Youth) ou Douglas Hart (The Jesus And Mary Chain).
Mais cet album se démarque des précédents. Là où Facing Death suivait la recette garage-pop initiée dès leur premier EP en 2016, le nouveau venu est résolument plus punk. Ses morceaux sont caractérisés par un jeu frénétique, un chant brut et direct, une basse lourde, bourdonnante, mais aussi des phrases et solos de guitares qui se rapprochent du post-punk par leur minimalisme, résultant de l’aversion pour les « guitar heroes », chère à l’année zéro de la rock music.
Avec Houses Are Built The Same, Cathedrale présente un concentré de punk, garage et post-punk à l’anglaise, qui répond tout à fait au cahier des charges et marque une évolution dans leurs compositions, sans pour autant tomber dans le revival.
Parallèlement le quatuor a apporté sa contribution à la compilation SICK SAD WORLD Volume 1 / Anti-Covid Covers, destinée à recueillir des fonds pour aider le Secours Populaire pendant la crise, en reprenant « Corporeal » du groupe Broadcast.
* ENGELS Friedrich, La Situation de la classe ouvrière en Angleterre, Montreuil, éditions Science Marxiste, 2011, p. 98.