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Un tour de magie avec Odezenne, pour leur album « Au Baccara »

Un tour de magie avec Odezenne, pour leur album « Au Baccara »

Cristallines, les premières notes d’Au Baccara résonnent encore à l’intérieur. Ce qui est visible sur la pochette de l’album évoque Fortuna, la déesse de la chance, car il ne faut pas oublier que le Baccara, avant d’être celui d’Odezenne, c’est un jeu d’argent que l’on trouve dans des salons privés tant les mises sont importantes. Elle est accompagnée d’une roue, sur laquelle on y trouve un roi, un marchand est un paysan. Le hasard ou la chance c’est un peu cela aussi la fortune, sa consistance est précisément celle de ne pas choisir.

Au Baccara, on verra bien. 

L’éclat carmin reflète la vigueur du sang, qui traverse les veines, des artères au coeur, et du cœur au cerveau… Un souffle chaud insufflé par Alix, Jacques et Mattia, que l’on aperçoit moins, mais qui reste la tablette de cire que l’on  peut investir d’idées. Lui agrémente de nouvelles substances son laboratoire déjà bien fourni, et propose des nouvelles recettes aux deux autres, qui lui renvoient leurs impressions. Une synergie prépondérante, qui donne lieu à des perles telles qu’Au Baccara, titre éponyme de l’album. 

Pour les fans des Kinks, l’anecdote de ce disque est importante : bien qu’il ait été enregistré dans leur studio à Bordeaux, à 400 m de leur maison — car ils vivent en colocation — il a été mixé et arrangé  dans le célèbre studio Konk, à Londres.

Jaco avoue y avoir ressenti la même énergie que lorsque l’on visite des monuments. Chaque matin, ils croisaient Ray Davies (The Kinks) et buvaient le thé ensemble. Ils y sont restés deux mois, à venir au studio chaque jour. Leur principe d’auto-production est limpide : tout ce qui est gagné est réinvesti pour Odezenne. Dans un clip, pour du matériel, dans des billets de train… Deux mois durant, c’est une grosse somme en jeu. Mais autant mettre le plus d’argent possible pour produire la meilleure musique possible. CQFD. Deux mois ça parait intense, mais il faut noter aussi que l’album est produit sur bande. Il ne s’agit plus, la veille du mastering, d’allumer l’ordinateur et de retirer les cymbales. Au Baccara est l’album de la patience, en s’assurant de ne plus à avoir à y retoucher.

« Notre studio est à 400 m de la maison. Assez régulièrement, tard la nuit, les copains qui apercevaient de la lumière toquaient et entraient. Nous étions en écriture, en composition, en prise voix, et eux ramenaient les bières. Sur le morceau “Au Baccara” on entends même des cris au loin… bah, c’est eux. »

Leurs potes ne les ont pas dérangés. Créer des titres accompagnés de ses proches confère l’impression  de casser le côté solennel. Dorénavant, la particularité d’un album c’est qu’il peut être façonné chez soi, avec très peu de moyens. Et on peut y produire de belles choses. Au Baccara, écrit à quatre mains sur l’instant, est fait maison, issu d’une volonté d’autonomie, à l’instar de leur label, Universeul. Lorsque les grandes distributions ne prêtent pas d’attention aux musiciens, ils leur restent une solution, celle de s’organiser, donc de proposer eux-mêmes ce qu’ils cherchaient au départ. Bientôt quinze ans qu’Odezenne propose des sons à un public toujours aussi engagé. 

©CamilleMarc

Leur substantifique moelle demeure-t-elle celle d’il y a dix ans? Eux trouvent que cet album est celui qui ressemble le plus à Sans Chantilly. À les voir, il semblerait qu’ils aient pris seulement des années en plus. De jeune homme au stade d’homme. Ils sont toujours ensemble.

Rien à changer

Portraits :

Manifesto XXI – C’est qui Moussa ?

Jaco : On l’a connu quand il s’appelait Jacques. Ça fait quelques années maintenant, et on a toujours été assez proches et petit à petit on a commencé à travailler sur ses textes. Lui, en retour, il venait pas mal à Bordeaux pour faire des prises… Il nous a beaucoup aidés pour les voix, leur enregistrements, le vocodeur…

©Ipeheme

C’est le petit frère. Il fait toutes nos premières parties. Il est de plus en plus beau. Il a compris que notre public ne se déplaçait pas pour rien. Notre public est formidable. Il acquiert donc un terrain. Et lorsqu’il y a terrain, il y a match. Il joue le match. C’est quelqu’un de très talentueux. Qui écrit et compose de mieux en mieux. Il fait du piano, de la guitare et de la MAO. Il est respectueux, il nous aime beaucoup. On ne lui a pas offert de chaton, on lui a montré une porte et il est entré dedans. Dans “James Blunt” il nous a aidé à faire les voix, et ça aurait été incohérent de ne pas le mettre en feat. On l’aime beaucoup, c’est quelqu’un d’attachant, d’intelligent, qui malgré son stress arrive à avoir beaucoup de philosophie aussi.

Manifesto XXI – C’est qui Nabounou ?

Jaco : Ma compagne fait des ateliers de poésie avec une association qui s’appelle la Chambre Bleue, à Bordeaux. Ils vont voir plein de public. En prison, dans des foyers de jeunes travailleurs, de migrants, dans la salle Pleyel… Un jour, elle s’est rendue dans un foyer de jeunes filles. Elle avait besoin d’un coup de main pour la restitution des ateliers qu’ils avaient fait toute l’année. J’ai commencé à faire un peu de son. C’était super cool sur la cappella de Nabounou. Et Alix a entendu ce que je faisais, un soir il est monté dans ma chambre et il m’a dit « ça défonce! ». On a trouvé ça pertinent de le mettre sur “BNP”, et ça donnait un côté plus profond et mondial. Elle a une musique dans la voix qui colle parfaitement. 

ABCDaire d’ODezenne : 

Pastel : c’est la machine à laver de la violence. Le fait que les couleurs deviennent de moins en moins agressives et de plus en plus douces. La violence peut être aussi même dans la gentillesse, dans la démesure. Pastel c’est le temps qui passe, qui délave. Plus on vieillit plus on devient mesuré. 

Nostalgie : la meilleure station radio.

Automatisme : l’habitude de l’éducation, la peur. C’est ne pas se permettre d’aller dans les champs d’à-côté. On a cassé ça avec le disque. On a souhaité mettre de l’instinct, dans l’instant.

Création : lorsque ça fonctionne, c’est s’asseoir 2 minutes sur le trône de Dieu.

Amour : Lorsque tu es dans un délire romantique (en bad trip constant). C’est comme l’héroïne, c’est quelque chose que tu vas chercher toute ta vie.

Ça peut être aussi le nid, la vérité. Tu n’as pas de mensonges pour quelqu’un que tu aimes. C’est l’honnêteté. Avec Odezenne, on est dedans. 

Arrabiata : c’est les pâtes. Littéralement « à l’humeur du chef » [la traduction exacte est « en colère », ndlr]. Plus le chef est en colère, plus les pâtes piquent. J’ai baigné dans l’Italie. C’est un mot que je trouve très beau. “Pastel”, c’est un morceau particulier. J’ai bien aimé y incorporer des mots, avec al dente, avec croquant ensuite, car al dente c’est avoir les pâtes croquantes, mais en même temps le croquant c’est un voyou, qui ne rime pas avec le marquis après. En résumé, “Arrabiata” c’est les pâtes du diable. 

Nucléaire : c’est le soleil, les étoiles, l’espace. Il faut réécouter ce morceau en pensant au soleil, chez soi. Et ça colle (ça cogne aussi). C’est la puissance du soleil, ce qui fait que l’on est en vie. 

Réponses aux Com’:

 

Mattia c’est le plus grand. Je pense que malgré son jeune âge (37 ans), il a mis des uppercut à des grands. Il a une sensibilité, une technique… Souvent les gens qui ont beaucoup de technique n’ont pas de sensibilité à fleur de peau. Lui a le sens de la mélodie. Il n’y a pas que l’univers musical qui est infini, il y a plein d’autres choses. 

Pour Konbini, à la question « avec qui aimeriez-vous collaborer », j’ai répondu « à défaut de Mattia, Jean-Sébastien Bach ». Coupée au montage, il y a eu une autre question ensuite: « avec qui refuseriez-vous de collaborer? » Jean-Sébastien Bach. 

 

Voir Aussi

Personne ne le sait, mais pour “Lost”, on a attendu que YouTube change le son, car lorsqu’on a upploadé la vidéo, on était tellement dans le speed, qu’il n’y avait que le côté droit qui était mis au milieu [en général, le son est panoramique, ndlr]. 

En se mettant 2 minutes sur le siège de Dieu de temps à autre, on peut se permettre de blasphémer. Car on constate finalement que cette place n’existe pas. 

C’est fou. Je trouve ce morceau incroyable, la ligne mélodique de Mattia est incroyable, et je trouve ça étrangement bon aussi.

C’est un clin d’œil au titre “Un corps à prendre” lorsqu’Alix dit « comment on fait pour descendre ». Baccara c’est le plus beau morceau que l’on ait fait je pense. C’est toutes les époques réunies en une seule. Rock progressif, folk, trap, électro, valse…

Pour répondre : Pourquoi descendre…?


J’ai toujours des coupes différentes depuis le début. Là, je les laisse pousser. Clin d’œil à Ferré qui disait « mes beaux cheveux que l’on m’a toujours coupé » et là il les a laissé pousser. Ma compagne me trouve beau avec, donc je les garde. 

Les commentaires sont toujours dithyrambiques, sauf pour un que tu as choisi. Nous on n’a pas cette impression. On fait juste ce que l’on souhaite faire, sans fausse humilité. Mais oui, on essaie de les mettre à leur bonne place, dans un souci d’honnêteté, pour toucher les gens.
Parfois le public dit que l’on est romantique mais, à dire vrai, on est des « impressionnistes », car on cherche à donner de l’impression. D’être ce marquis inconquis dans “Pastel”. D’être Tony contre moi, d’être dans la soirée de BB… C’est le plus important.
Et enfin, sans faire mon Jean-Claude Van Damme, ce ne serait pas vous qui écoutiez les mots à leur bonne place ? Chacun essaie de les mettre à leur place, et le sentiment qu’ils le sont appartient au public.

©Camille Marc

 

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