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Rencontre avec la fondatrice de Koï, magazine des cultures asiatiques

Rencontre avec la fondatrice de Koï, magazine des cultures asiatiques

Photo parue dans Koï Magazine, ©Olivier Vinot

Parmi les derniers nés de la sphère médiatique se trouve Koï, un magazine papier dédié aux cultures asiatiques en France. À l’intérieur, des reportages, des portraits, des interviews et un agenda culturel. Un magazine qui fait le choix de parler et de faire parler les communautés asiatiques en France. Un pari risqué que s’est lancé Julie Hamaïde, sa fondatrice.

Manifesto XXI – Pourquoi avez-vous créé le magazine ?

Julie Hamaïde : J’ai voulu créer ce magazine parce que je suis eurasienne d’origine vietnamienne. Pendant ma formation de journaliste et après, une fois que j’étais journaliste, j’ai toujours eu un œil sur les articles publiés sur la communauté asiatique en France. J’ai toujours été un peu frustrée de voir que les articles étaient souvent répétitifs et ne représentaient pas forcément la richesse et la diversité de ces communautés. J’avais envie qu’elles soient plus visibles et pas toujours de la même manière. Ce sont toujours les mêmes articles : nouvel an, agressions et des choses encore plus cliché sur la richesses des asiatiques de France, ce qui est rarement bienveillant.

Quel public vise-t-il ?

On vise à la fois les communautés asiatiques qui ne se retrouvaient pas avant dans d’autres médias et à la fois les fans de culture asiatique. Notre lectorat est, je dirais, 55/45 et les 45% ne sont pas asiatiques mais sont passionnés par les cultures venues d’Asie : la gastronomie, les voyages, les cosmétiques ou encore la mode par exemple.

La Une du premier numéro de Koï
La Une du premier numéro de Koï

Quel type de contenu peut-on trouver dans Koï ?

Vous allez retrouver des enquêtes, des interviews, des reportages, des portraits, des portfolios mais aussi des articles cuisine. Ce sont beaucoup d’articles de « société ». L’idée est de parler de ce qu’il se passe en France, de parler des communautés, comment elles vivent et évoluent en France.

Comment parlez-vous de la discrimination contre les communautés asiatiques en France ?

Dans le numéro un, nous avions une tribune de Jean-Baptiste Phou sur « Ce qu’il se cache derrière les Chinois », c’est plus par le biais des tribunes qu’on va traiter ces sujets-là. Le but n’est pas forcément de faire des reportages sur les agressions, d’autres médias le font déjà. Nous voulons plutôt ouvrir l’esprit et faire comprendre des choses. Finalement si ce magazine existe c’est parce qu’il y a, en effet, des discriminations. On veut faire comprendre sans en rajouter encore sur la discrimination. La ligne éditoriale est de mettre en avant les communautés et les cultures asiatiques en France. On veut mettre en avant des personnalités qui enrichissent le patrimoine français : des chefs, des historiens, cela peut être tous les corps de métier. Nous voulons faire connaitre les personnes qui font vivre cette culture. Dans le numéro un, nous avons publié un article sur un club de sumo à Paris qui n’est fréquenté que par des non-asiatiques et dont le professeur est un non-asiatique. L’idée est de faire vivre toutes ces cultures et d’être aussi un rendez-vous culturel pour les fans de la culture asiatique. Le lecteur de Koï peut aussi ouvrir le magazine pour avoir un regard sur les rendez-vous culturels comme les films asiatiques, les expositions ou encore les festivals.

On parle de communauté asiatique, pourtant les communautés asiatiques sont ici multiples…

Totalement, dans le numéro deux, il y a un article sur les Cambodgiens de France, ce qui les a poussés à venir en France et ce qu’ils ont vécu. Il n’y a qu’eux qui l’ont vécu. Les Vietnamiens ne sont pas venus pour les même raisons, les Coréens ne sont pas venus pour les mêmes raisons et c’est important de les prendre en compte et de ne pas oublier leurs histoires. Le génocide opéré par les Khmers Rouges au Cambodge, on n’en parle pas beaucoup en France, même dans les autres médias, et des milliers de personnes sont venues en France à cause de ça. Et peut-être qu’un jour on accueillera les Rohingyas et que nous aurons le même raisonnement.

Quels ont été les échos par rapport au premier numéro ?

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Pour le moment, l’accueil est génial ! Le premier numéro marche bien, les médias se sont beaucoup intéressés à la sortie du numéro. Les retours des lecteurs sont vraiment super. Au sein de la communauté, on a beaucoup de personnes qui nous disent « On avait besoin d’un magazine comme ça » et puis d’autres personnes qui ne font pas partie de la communauté et qui nous expliquent qu’ils sont très heureux de trouver le magazine. On a reçu des petits mots super attachants. Quelqu’un nous a envoyé son inscription sur un morceau de papier car elle nous expliquait ne pas vouloir déchirer une page du magazine, même le coupon d’abonnement. C’est très touchant. Ça nous booste.

Photo parue dans Koï Magazine, ©Mathieu Aghababian
Photo parue dans Koï Magazine, ©Mathieu Aghababian

Vous avez répondu à de nombreuses interviews, que pensez-vous de la bienveillance des autres médias? Est-ce de la surveillance ?

Pour moi c’est vraiment de la bienveillance, je pense qu’ils sont vraiment intéressés. Grazia avait fait mon portrait dans le cadre de la création du magazine, ce qui permet de valoriser le magazine auprès d’un public plus large. Il n’y a pas que les médias plus « communautaires » qui se sont intéressés au magazine.

Que peut-on vous souhaiter ?

Que ça continue et que cela aille de mieux en mieux ! Le numéro deux sort au début du mois de novembre et nous souhaitons que les cultures asiatiques soient encore mieux connues, qu’on puisse établir de nouveaux partenariats. Parce qu’en plus les Français sont hyper intéressés par les cultures asiatiques, il y a des restaurants un peu partout, il y a plein de personnes qui font des sports asiatiques en oubliant totalement leur origine asiatique comme le judo, l’aïkido… On ne se rend pas toujours compte et on fait des amalgames.

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