On ne le dit pas assez, de peur que l’imagination ne devienne réalité, mais les années 2000 sont de retour. Face à ce phénomène périlleux, l’humanité exprime des réactions similaires à celles des climatosceptiques lorsqu’un glacier de la taille de la France se détache de la calotte polaire pour aller se promener aux Antilles.
Angoisse, consternation, rage : la sensation accablante de ne rien pouvoir changer au cours de l’Histoire – voire de le suivre bêtement. Jeter un mégot de plus dans la Seine, porter un bob… Ce ne sont que les deux faces d’une même médaille, celle qui conduit à la fin de l’espèce humaine désormais annoncée. En espérant au moins que les survivants qui exporteront notre belle progéniture sur Mars oublient sur Terre leurs sacs Hello Kitty, leurs broderies chinoises et, bien sûr, leurs bandanas.
Le retour des années 2000 a été traité par de nombreuses études américaines très sérieuses, tantôt parues dans Vanity Fair tantôt dans Biba. En revanche, très peu d’audacieux ont analysé la chose d’un point de vue politico-sociologico-artistico-philosophique : qu’est-ce que ces années de révolte contre le bon goût – et parfois le bon sens –, ont-elles laissé en héritage au plus profond de nous ? Pourquoi la robe sur jean patte d’eph par exemple ? Comment cette apothéose de volumes superposés a-t-elle pu passer inaperçue voire se normaliser ?
Le retour des années 2000 serait-il à craindre, sachant que dans 30 ans nos villes seront sûrement inhabitables et que la France est le pays où l’on consomme le plus d’antidépresseurs au monde ? Et si l’on avait besoin de consommer du bling bling sans modération avant l’apocalypse ?
Il faut se référer aux théoriciens, à ces initiateurs du mouvement clairement identifiables en les personnes de Shakira, Britney Spears, Paris Hilton ou Nicole Richie sans oublier la sororité suprême : les Spice Girls.
Années d’extravagance et de rupture des codes de bienséance, en réalité les années 2000 ont probablement décomplexé une société occidentale traversée par une sombre crise. D’où le lien évident avec le changement climatique.
Les années 1990 et le début des années 2000 furent celles de la logomania et de Tom Ford chez Gucci, avec des idées aussi lumineuses que celle du sexe féminin épilé en “G” –pas de jugements hâtifs, nous vivons dans une époque qui a accouché du Gucci Gang.
Les années 2000 sont celles de la sublimation de l’excès mais aussi de la remise en question. Paris Hilton a donné l’exemple avec beaucoup de panache.
C’est là que tout a commencé. Dans un élan de compassion envers les gens du peuple, Paris, accompagnée de son acolyte Nicole Richie, se met à arpenter les États-Unis à la découverte de la vie des ploucs. Le tout transmis sur l’émission de téléréalité « Simple Life ». Les deux comparses affichent alors des tenues vestimentaires à la croisée de la « garce fille à papa » et de la « thug fan de hip hop ». Certaines idées brillantes de ces deux icônes du style sans qui les Kardashian ne seraient finalement rien, furent adoptées par une quantité excessive de personnes autour du globe. Puis le tout tomba aux oubliettes, fut renié et honteusement caché.
Le normcore et ses règles impitoyables plongèrent alors l’humanité dans un désert dystopique fait de sad girls et de véganisme ascétique.
Mais soyons francs : combien de nous ont-ils réellement détruit ces habits aux colorations si peu flatteuses pour le teint ? Combien de nous ont-ils vraiment eu le courage de tourner la page de ces folles années 2.0, où se promener avec une cravate en guise de ceinture et des mèches fuschia était chose permise (poke Avril Lavigne) ?
Selon des théoriciens de renom que l’on ne citera pas, la vibe des année 00 serait le seul remède pour égayer les esprits et encourager le consommateur à préserver son environnement. Si Trump avait passé plus de temps à apprendre les chorés d’Alizée, croyez-vous qu’il aurait eu l’idée de sortir des accords de Paris ? La réponse est limpide.
D’ailleurs, la Lolita française le préconisait ; elle criait son manifeste contre la cruauté humaine dans son tube engagé « J’en ai marre » : « J’en ai marre de ceux qui râlent, des extrémistes à deux balles, qui voient la vie tout en noir, qui m’expédient l’cafard », sans oublier le poisson rouge dans son bain de mousse.
Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité concocter pour vous un menu gourmand d’accessoires so 2000 qui, à condition d’être utilisés à bon escient, vont vous permettre de traverser l’hiver sans fin qui se profile devant nous. Allez, sortez votre plus beau t-shirt à message et courez vous procurer une banane. Ne tardez pas à balancer un selfie sur Instagram dans la foulée, un beau smile au lèvres, pour contrer l’usage du bob par des gens qui font la gueule sans comprendre la beauté du second degré 2000. Car Rock will never die.
Le bob
Lorenzo l’a arboré, votre oncle néerlandais cramoisi l’a sublimé et vous n’y échapperez pas : c’est le bob. Vous croyiez pouvoir le porter au douzième degré, un Ricard à la main, une boule de pétanque dans l’autre ? Ne sous-estimez pas le pouvoir de protection du bob Cochonnou. Avec ce trou dans la couche d’ozone qui se profile, c’est votre premier allié pour parer l’apocalypse à venir. En plus d’être extrêmement stylé, vous ferez partie des heureux vainqueurs qui survivront à l’impitoyable sélection naturelle de la chaleur infinie qui menace le futur. Ici, l’exemplaire sans doute le plus cool que vous pourrez trouver sur la toile : un bob en fausse fourrure déniché sur Lyst !
Le collier tatouage ras du cou
C’est peut-être grâce à vous que l’océan survivra un peu plus longtemps. Plus votre collection de colliers tatouage arcs-en-ciel s’agrandira, moins les poissons des fonds marins seront susceptibles de s’étouffer avec ceux qui termineront dans la déchetterie géante qu’est l’océan. Vous serez en plus très gay-friendly (et donc en vogue), et puis vous allongerez l’espérance de vie des bébés dauphins, bravo.
Le béret
En ces temps de guerre de tous contre tous, de montée des nationalismes et des populismes, ne gardons que le bon accessoire de la fierté patriotique : le béret de votre papy. Alors que le monde part à vau-l’eau, que la Grande-Bretagne fait sa life et que la Catalogne est à feu et à sang, unissons-nous sous un même étendard imprimé carreaux. À l’ancienne, mes sœurs et mes frères, portons ce béret avec fierté dans le partage de mêmes racines couleur 2000.
Le pantalon patte d’eph
Contrairement à son apparence, le pantalon patte d’eph recèle plein de surprises. Élégant, racé, il nous rappelle que le disco est de retour (il n’y a qu’à aller écouter Donny Benét), qu’on va tous mourir, mais que ce n’est pas grave, car on mourra en dansant. En plus de faire oublier votre burn out consécutif au capitalisme sauvage, votre déhanché endiablé participera à la mise en place d’un healthy lifestyle plus que bienvenu. Et puis ça cachera vos chaussures qui, ne nous mentons pas, n’étaient pas au top. Un exemplaire sobre pour vous y mettre doucement juste ici.
Le velours
Côtelé, retourné, repassé, en pantalon, en top ou en chouchou : le velours est un matériau sous-estimé. Tant est si bien qu’on découvrira probablement dans quelques années qu’il serait capable de protéger des radiations échappées des centrales nucléaires qui risquent d’exploser dans les décennies à venir. En plus de pouvoir recycler les rideaux de votre grand-mère, vous pourrez éviter à votre enfant quelques malformations. Les gagnants porteront un bob, mais les vrais vainqueurs le porteront en velours.
La mini-jupe
Dans réchauffement climatique, il y a certes climatique mais il y a d’abord réchauffement. Conséquence logique : il faut réduire la longueur tissu. Et c’est là que le début du siècle était bien trop visionnaire. On pensait que le monde finirait avec le bug de l’an 2000, qu’il y aurait tornades et canicules, mais c’est maintenant qu’il faut raccourcir les jupes. Il va faire chaud, mon pote : you’d better be ready.
La banane
Vous n’y échapperez pas : la banane est vraiment partout. Mais par pour les raisons que vous soupçonnez ; pas pour piquer le style des banlieues populaires comme le fait 90% de la mode, ni pour gambader en soirée techno les mains libres. Cette banane, c’est votre survie. Quand la fin du monde frappera à notre porte, vous n’aurez ni le temps ni l’espace dans les vaisseaux de sauvetage pour un gros sac-à-dos. Grâce à la banane, vous n’aurez qu’à prendre les accessoires indispensables de survie que nous auront aussi fournis les années 2000 : gloss, tamagotchi et mp3 en forme de suppositoire.
Les lunettes à verres teintés colorés
À ce stade de notre menu, vous commencez à réaliser qu’il manque un accessoire essentiel à votre panoplie protectrice anti-brûlures cataclysmiques, et c’est bien les lunettes. Tout à la joie second degré (mais pas tellement) de porter des fringues frivoles et insouciantes, vous avez oublié qu’en période de fin du monde on risquera bien de devenir malvoyant avec tous ces rayons non-filtrés. Les lunettes à verres colorés vous offriront un sursis et s’accorderont au gré des couleurs de votre patte d’eph en velours.
Les résilles
Lorie les aura portées avec panache, vous les porterez par conscience écologique. Les résilles se déclinent désormais en tout et vous savez pourquoi ? La magie du recyclage des filets de pêche. Saucissonné dans votre top ou dans le nylon de vos bas, votre cœur se fera léger à l’idée d’avoir donné une seconde vie diablement sexy à des outils destructeurs de fonds marins. Félicitations.
Une robe qui sublime à elle seule le concept de « résille», trouvée sur Lyst :
Le t-shirt à épaules dénudées
On en revient à la clairvoyance indéniable des années 2000 quant au réchauffement de la planète. La chaleur monte, les vêtements tombent. Montrez vos épaules et, s’il le faut, montrez même vos nombrils car le t-shirt à épaules dénudées va de pair avec le retour du crop top. S’il ne faut pas oublier la crème indice 50 sous les UV agressifs, ils permettront au moins à vos pores de respirer un bon coup dans l’apocalypse.
Allez donc fouiller au fond de vos placards, sortez ces pièces que vous aviez honteusement remisées sous votre panoplie normcore sauce Quechua. Votre intuition était la bonne, ces accessoires qui étaient bien trop avant-gardistes dans les années 2000 n’attendaient qu’un mot et un geste pour pouvoir révéler tout l’éventail de leur utilité. Et, finalement, sauver le monde.