Hercule Studio est une marque de mode émergente avec une idée forte en fil rouge : redéfinir, concrètement, à travers matières, couleurs et coupes, le genre masculin. Dans un contexte social où l’homme doit se réinventer et se ré-dévoiler à lui-même, Hercule Studio propose une virilité complexe qui n’exclue pas la fragilité, la sensibilité, la fluidité des identités et qui refuse une vision simpliste et monolithique du masculin. En évitant les clichés qui réduiraient l’homme sensible à l’homme homosexuel, Hercule Studio propose une masculinité émancipée, peu importe le genre, l’orientation sexuelle et l’identité de celui qui porte un vêtement. Rencontre.
Manifesto XXI – Vous prônez une marque qui réinvente le concept de virilité. Pourquoi ce besoin ?
Je pense qu’aujourd’hui s’imposent aux hommes les même pressions sociales qui s’appliquent à la femme depuis des millénaires. Le regard que l’on porte sur soi-même est fortement influencé par les réseaux comme Instagram et la drague sur applications. De ce fait, venir avec une collection qui se propose d’être un « safe space » où les jugements ne sont pas tolérés me paraît pertinent. Je montre des hommes vulnérables et je pense qu’aujourd’hui le macho fait rêver de moins en moins les clients de mode.
… les coupes avantageuses ne sont pas forcément des questions de morphologies, contrairement à ce qu’on essaye de faire croire.
Les frontières de genres étant très fluides aujourd’hui, comment masculin et féminin dialoguent entre eux dans la mode ? Sont-ils en train de se rapprocher, de fusionner ?
Cette période de trouble dans les identités sexuelles est très excitante pour moi. Je pense même que c’est une véritable aubaine pour un créatif : ça veut dire quoi, être homme aujourd’hui ? Imaginez tous les éléments de réponse possibles.
Soyons honnêtes : la mode reste encore très polarisée. Les enjeux sont multiples d’un pont de vue économique et social mais, au-delà de ça, je pense que beaucoup d’hommes et de femmes sont contraints par le regard qu’ils portent sur eux-mêmes. Les couleurs vont à tout le monde, les coupes avantageuses ne sont pas forcément des questions de morphologies contrairement à ce qu’on essaye de faire croire. Je pense que la mode homme et la mode femme dialoguent beaucoup, en effet. Cependant, je ne crois pas vraiment à une fusion mais à une optimisation. Et, surtout, une plus grande tolérance sur les choix vestimentaires.
… ma volonté est de placer l’humain au centre du processus créatif donc je ne pense pas mes vêtements en termes de sexes.
Si la mode va vers le gender fluid, pourquoi continuer de genrer les collections ? Pensez-vous que les hommes et les femmes ont encore besoin de vêtements construits en fonction de leur genre ?
Hercule Studios est une réponse à un climat d’anxiété et de stress. Ma volonté est de placer l’humain au centre du processus créatif donc oui, dans un sens, je ne pense pas mes vêtements en termes de sexes. Je ne dit pas « tiens, aujourd’hui je vais faire un pantalon pour homme » mais, plutôt, j’ai envie de faire un pantalon différent, alors qu’est-ce que je peux apporter à la vision que l’on se fait d’un pantalon ?
De même, quand je parle de ma marque, je n’emploie pas le terme « marque de mode masculine » mais « marque orientée homme » qui pour moi englobe une destination plus large, plus complexe. Je pense que la distinction n’est pas nécessaire et pire, elle décourage les consommateurs de porter ce qu’ils affectionnent, mais je n’ai pas la réponse. Je pense que c’est à nous, créatifs de demain, d’en finir avec ces distinctions.
Il y a du fragile et du violent, du passif et de l’actif dans cette collection.
En termes de coupes, matériaux, couleurs : comment retranscrivez-vous l’idée de masculin ?
Sur ma dernière collection j’avais envie de travailler des éléments bruts et techniques, comme le trench mêlé à des détails inspirés de protections issues de l’univers automobile.
J’ai longtemps voulu être designer automobile, je ramène ça à la mode. J’aime quand des éléments se confrontent. Par exemple, on retrouve des couleurs douces comme des cotons mauve et sable que je détourne avec des matières techniques comme le nylon et le néoprène. Il y a du fragile et du violent, du passif et de l’actif dans cette collection. Certains de mes pulls trop courts montrent les hanches de mes modèles. Je ne suis pas forcément pour une « homo » esthétique, mais je trouve ça toujours drôle de montrer l’homme sous un nouvel angle.
Votre présentation aura lieu au Carbon 17. Un lieu connoté underground, très innovant. Comment l’avez-vous choisi ?
Je pense que Paris devient de moins en moins attractif en termes de soirées et même d’ambiance : c’est la raison pour laquelle de plus en plus de choses se passent en bordure. Organiser une off Fashion Week à Aubervilliers c’est déjà militant car tout simplement il n’existe pas de « Aubervilliers Fashion Week », ce qui pourrait être génial d’ailleurs. J’ai eu la chance de rencontrer la merveilleuse équipe qui est chargée de ce lieu, dont Andres Komatsu qui a cru en ce projet et je l’en remercie. L’idée était d’avoir un lieu urbain un peu « sale » et un peu « bitume » et d’y mettre une ambiance de douceur pour présenter un showcase avec des artistes indépendants, le tout étant une installation sur la thématique de la vulnérabilité dans la ville.