Fils de Vénus. Enfants sensibles des nuits parisiennes

Sortis du ventre de Pigalle il y a sept ans, les Fils de Vénus répandent l’amour dans le monde de la nuit parisienne via leurs soirées pointues, à l’enseigne du décloisonnement. Un collectif qui, comme dans toute bonne histoire, se soude autour d’une bande de copains.

Mais ce n’est pas des winners de l’école dont on parle ici ni de ces groupes d’intouchables et intimidants fashionistas. C’est plutôt du côté des timides romantiques ou des cool kids chaleureux qu’il fallait aller chercher Olivia, Pauline, Gaspard, Arthur et les autres pour découvrir leur création. Une idée de la fête accueillante et safe où l’on se réunit pour une seule vraie raison : la passion de la musique.

Fils de Vénus va insuffler son esprit romantique et incluant, exigeant mais jamais élitiste à la Jeudi Ok ce 19 juillet. L’occasion de vous raconter l’histoire fascinante des enfants de Cupidon et d’Aphrodite.

Racontez-nous, d’abord, la naissance de Fils de Vénus…

Olivia : Fils de Vénus est né en 2010-2011. On a commencé à avoir des flyers avec notre nom en 2011. L’idée a surgi à l’issu d’une soirée arrosée entre copains. On s’est dit qu’on voulait créer un collectif dont le nom s’inspirerait d’un club échangiste dans le coin (ndlr Pigalle) qui n’existe plus et qui s’appelait Cupidon.

On s’appelait Cupidon Fils de Vénus mais on savait que ce nom était trop long. Donc on a gardé « fils », avec cette image d’enfants, une sorte de fratrie. Et puis « Vénus », car la base de tout c’est quand même l’amour, l’envie de pécho en soirée. (rires)

Qui sont les Fils de Vénus ?

Un groupe de potes qui se connaissent depuis le lycée, voire le collège, à qui se sont rajoutés les potes de potes. Pauline (ndlr Pauline Forte) je la connais depuis que j’ai huit ans. À l’époque c’était elle la cool kid. J’avais déjà perdu.

Après, il y a ceux qui sont partis, ceux qui sont restés, mais le noyau est là. Le groupe est en mouvement constant, car ce n’est pas notre vrai métier. Nos copains nous soutiennent quand on a besoin.

Fils de Vénus naît donc à Pigalle, le quartier de l’amour ?

Oui on a tous grandi vers ici. On passait devant des sex shops depuis toujours. Les images kitsch, les néons, les miroirs scintillants, les femmes nues, tout cela a toujours fait partie de notre esthétique. Il y avait un côté puceau de 18 ans, même si on ne l’était pas forcément. Quand le Cupidon a fermé on s’est dit qu’il fallait faire perdurer le truc, créer un club et tout cela. Tu as 18 ans, tu bois beaucoup d’alcool, tu y crois.

Vous sortiez où avant Fils de Vénus ?

En soirée gay, comme une bonne partie de nos amis, même hétérosexuels. Mais notre collectif s’est vite soudé autour de la musique, certes il est important de dire que ce sont aussi des soirées queer mais la musique est à mon sens la chose principale.

Les images kitsch, les néons, les miroirs scintillants, les femmes nues, tout cela a toujours fait partie de notre esthétique.

Et vous avez ramené le live en club…

Oui, on venait d’une culture club mais on voulait écouter la musique autrement, dans des conditions particulières. Offrir quelque chose en plus. On n’avait pas forcément envie d’aller en concert car c’était cher. Alors il fallait ramener les artistes en soirées.

Quelle ambiance vous tenait à cœur de reproduire ?

Arthur : Celle des soirées en appart. Celle des soirées entre potes. Une ambiance intimiste, pleine d’amour, où les gens ont envie de s’embrasser mais ça ne baise pas dans tous les coins. C’est simplement de l’amour, du lâcher prise.

Gaspard : le truc bien des soirées en appart c’est la diversité des invités. Peu importe les sexualités, les goûts musicaux ou que sais-je. Cela n’a pas beaucoup de sens de cloisonner autant certaines soirées car je pense que ce qui rend une soirée réussie ce sont aussi les mélanges. Nous avons tout axé sur le décloisonnement.

On est plus câlins et bisous que sexe sauvage dans les toilettes.

Par rapport à des soirées queer comme celles organisées par Barbi(e)turix, Polychrome, Reno et Crame, etc. vous vous situez comment ?

Olivia : On va à toutes ces soirées, bien-sûr, mais il faut regarder ce qu’on est : on n’est pas des fashionista en jog, on n’est pas hyper lookés…on fait des soirées pour nous. On est plus câlins et bisous que sexe sauvage dans les toilettes.

Je trouve ça génial que toutes ces soirées existent, mais nous c’est une alternative disons plus axée sur des musiques rap, un univers banlieusard, plus street…cela n’arrive pas souvent que les lesbiennes hipster croisent ce type de public et je trouve ça enrichissant.

C’est très bien qu’il y ait des soirées trash à côté de soirées plus bon enfant, cela permet à tout le monde d’être comme il veut, d’être gay de plein de manières possibles.

Il y a 7 ans c’était comment les soirées gays ?

Un poil plus cloisonnées. Je me rappelle d’un pote qui s’est fait recaler parce qu’il n’était pas assez efféminé. Quand on a lancé Fils de Vénus, on n’avait pas la moindre idée de ce que nous étions, et c’était très bien. Donc de devoir aller dans des endroits où le videur te demandait frontalement de rendre compte de ta sexualité, c’était un peu violent. On avait 18 ans, on était en pleine recherche.

Revenons à la musique. Qu’est-ce que Fils de Vénus défend ou a défendu ?

Gaspard : Un truc qui n’a jamais changé c’est notre envie de faire cohabiter des styles différents dans une même soirée. On a beaucoup épluché l’électro expérimentale, la techno mais aussi beaucoup beaucoup de hip-hop.

Olivia : On évite les styles sur lesquels tout le monde va. Le rap de meufs ç’a été notre truc pendant longtemps, au moins trois ans. Là tout le monde s’y met, c’est formidable et ça nous permet d’aller fouiller ailleurs. Le but reste de faire émerger des talents, de bosser main dans la main avec des médias comme Manifesto pour continuer à alimenter le mouvement.

…devoir aller dans des endroits où le videur te demandait frontalement de rendre compte de ta sexualité, c’était un peu violent. On avait 18 ans, on était en pleine recherche.

Vos meilleures découvertes ?

Olivia : Abra, Princesse Nokia, évidemment. Puis BVO…

Arthur : Lala &ce, Balladur, Oklou

Olivia : À l’une de nos premières soirées, on avait invité AZF. On était très timides à l’époque. C’était pas du tout connu, on est allés la chercher aux Souffleurs. On lui a proposé de faire un Batofar alors qu’elle n’avait presque jamais fait de club.

Et Bagarre ?

Olivia : On a grandi avec Bagarre. La Bête fait partie de Fils de Vénus. Il était dj à l’époque, il passait des disques. Puis il a monté le groupe, mais ça ne s’appelait pas Bagarre. C’est un peu lui qui nous a exhortés à sortir du club pour aller écouter des vrais instruments. C’est par la suite que nous avons voulu ramener le concert en club, pour ne pas changer nos horaires.

A quel moment vous avez senti que le collectif commençait à se faire connaître, à monter un peu ?

Olivia : Avec le rap de meufs. Clairement. Un créneau où personne n’allait et qui a marché.

En quoi Fils de Vénus est engagé ?

Arthur : La nuit est subversive par essence. Mais en tout cas, là où on s’est toujours battus c’est sur les tarifs d’accès à nos soirées. Puis un point crucial : l’absence de physio à l’entrée. C’est hyper important.

Olivia : Le physio qui te recale, on a connu ça et on a toujours trouvé cela très dur et peu correct. C’est un jugement sur le physique et nous on est loin de vouloir cela.

Comment on fait pour faire une soirée gay à l’enseigne de la tolérance et de l’ouverture d’esprit, tout en recalant des gens à l’entrée car ils ne sont pas assez lookés ou simplement, ils ne font pas « gay » ?

Olivia : Complexe. Le but de base c’est de créer des espaces sûrs je pense.

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Mais enfin, on sait très bien faire la différence entre un physio qui te recale en te regardant de haut en bas avec mépris en mode « cour de recrée-club des winners » et un videur qui fait son taff pour que la soirée soit safe

Arthur : Tout ce que je peux dire c’est que c’est dommage de reproduire des discriminations, de retranscrire la nuit, qui devrait être un espace de liberté, des choses qui cloisonnent la société pendant la journée.

Gaspard : Une soirée devrait être axée sur autre chose que l’habillement ou l’apparence physique.

Olivia : D’où l’idée de se concentrer surtout sur la musique. On était des ados timides, on avait peur de rentrer en club. On n’aurait jamais pu monter des soirées comme Reno et Crame, même si j’adore la House of Moda. Et puis eux non plus n’ont pas de physio.

C’est dommage de reproduire des discriminations, de retranscrire la nuit, qui devrait être un espace de liberté, des choses qui cloisonnent la société pendant la journée.

Alors vous êtes des fêtards tranquilles ?

Olivia : On est des gens assez normcore (rires). On a des vies assez classiques, assez tranquilles oui, on ne peut pas se revendiquer plus délurés que ce qu’on est.

Gaspard, Olivia & Pauline

Le travail collectif ça se passe bien ? Tout le monde monte des collectifs aujourd’hui, mais qu’est-ce que cela veut dire pour vous ?

Fils de Vénus c’était un avatar pour cacher notre identité réelle. Au tout début, quand Gaspard et moi avons créé le collectif, on ne puait vraiment pas la confiance. Aujourd’hui ça va, mais on reste des timides au fond. On voulait que le collectif reste nébuleux. Aux premières soirées, certains ne comprenaient pas que nous étions les organisateurs, ils pensaient juste qu’on zonait dans les backstages. On était les plus timides du club.

Ce côté anonyme nous a permis de vivre toutes les transformations en interne de manière assez fluide : nos noms n’apparaissent nulle part, on n’est pas un groupe de rock, l’anonymat nous correspond bien.

Donc rien de stylé dans le fait de fonder un collectif. D’ailleurs on préfère le mot crew car ça fait plus bande de potes du lycée.

Arthur : le collectif me permet à moi par exemple de ne pas faire de la comm sur mon projet musical (ndlr Boval). Je déteste faire ça.

Gaspard : on est là pour Fils de Vénus. Si les gens disent que Fils de Vénus c’est trop bien, ça nous va parfaitement. Pas de luttes d’ego.

Olivia : On a quand même pris un peu de confiance en nous avec le collectif, on a pu avoir une vie sentimentale déjà (rires).

Aux premières soirées, certains ne comprenait pas que nous étions les organisateurs, ils pensaient juste qu’on zonait dans les backstages. On était les plus timides du club.

Le leader doit quand même toujours garder le cap, ce n’est pas celui qui se lâche le plus je crois…

Olivia : oui c’est vrai. On s’amuse moins quand on est la maman.

D’ailleurs comment vous vous êtes repartis les rôles au sein du collectif ? Pourquoi tu as choisi ce rôle ingrat ?

Olivia : Parce que je prends beaucoup de place, bien-sûr (rires). Non pas du tout. Simplement, je ne mixais pas. Donc j’ai tout naturellement pris en charge l’organisation. C’est ce qui m’a permis de travailler dans la musique d’ailleurs.

Ah bon, tu ne voulais pas à la base ?    

Non, je ne me sentais pas faite pour ça. C’est parce qu’il y a eu Fils de Vénus que je suis restée dans ce milieu. Tous ces mails envoyés, tous ces événements organisés… J’ai appris sur le tas, comme nous tous. Ce qui est sûr c’est que tout le monde fait des choses différentes, mais le collectif nous a beaucoup aidés à nous trouver et nous aide encore.

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