Exclu. Anne Horel : L’EP, collages audiovisuels sur disque virtuel

On connaissait plutôt Anne Horel par ses collages rétro-geek qui circulent sur l’Internet. Un peu moins par ses sorties « musique ». À l’occasion de son exposition imminente au Palais de Tokyo (Chroniques parallèles, du 22 juin au 14 juillet), « l’artiste des réseaux sociaux » en profite pour rassembler ses chansons WTF du début des années 2010 – nik l’actu – dans un sobrement intitulé L’EP (Atypeek Music). En six morceaux délicieusement kitschounets, scandés avec l’énergie d’une rebelle adolescente et mis en synthés bpmés par Vincent Hénon, le disque virtuel respire l’ironie post-École d’arts. Comme d’hab’, Anne Horel distord l’espace-temps. C’était donc l’occasion parfaite pour aller creuser derrière l’avatar, de lui demander what’s up depuis toutes ces années. En attendant l’interview complète à paraître bientôt dans Manifesto, elle nous en dit plus sur ses vadrouilles musicales.

Manifesto XXI – C’était important dans ta pratique de passer par cette phase musicale ?

Anne Horel : Elle s’est invitée en fait. Sur Facebook, j’ai découvert qu’il y avait des noms de groupes de pensée, qui réactivaient une sorte d’instinct grégaire, qui faisaient écho à l’époque Caramail avec ses forums. Je me disais qu’il y avait un truc à faire, donc je les ai collectionnés. Un jour, une pote est venue me voir dans mon atelier aux Beaux-Arts de Cergy : « Y’a un workshop son, tu veux le faire ? » Moi, j’avais des espèces d’a priori : « Le son, c’est un truc de nerd, ou bien hyper conceptuel. Pas du tout mon délire. » Finalement, j’y suis allée et j’ai bossé avec mon pote Vincent Hénon, sur une première chanson « A Floating Being », qui est devenue la première d’un EP dont les quatre chansons s’appellent « A Floating Being ». C’est une sorte de cadavre exquis de ces noms de groupes Facebook.

C’était la première fois où j’ai considéré ma voix comme un outil potentiel. Mais ça m’a mise extrêmement mal à l’aise. D’ailleurs, dans L’EP, c’est la première fois que je chante. C’est le premier enregistrement. C’est pour ça que c’est un peu hésitant, qu’il y a ce côté un peu naïf, presque enfantin. Parce que j’étais vraiment dans un manque de confiance absolu. Je ne sais pas si tu as déjà fait l’expérience d’être en studio : c’est très étrange la première fois que tu as ton casque, avec ton retour voix, et que tu entends ta propre voix. Il y a une espèce de rapport interne-externe qui est très perturbant. Non seulement ça m’a beaucoup plu, mais ça me permettait aussi d’être dans un art total : à la fois dans l’écriture, dans la performance, dans le web-art avec la création d’un avatar, dans la vidéo bien sûr, et même dans la mode d’une certaine manière, parce qu’il y a aussi la relation à ce que tu portes. Après, l’utilisation de ma voix s’est petit à petit désincarnée pour s’incarner différemment via Internet, avec un clavier. Disons que je suis passée de la voix à l’azerty. Finalement, le mot n’a jamais disparu ; il a juste changé sa manière d’apparaître.

Raconte-nous la naissance de ces chansons. Elles sont issues d’abord de la musique, des images, des paroles ?

Ça dépend des chansons. « Clique sur moi », c’est le producteur avec lequel je travaillais au départ qui m’a envoyé une chanson. Il voulait que je la chante en maillot de bain, dans une piscine, avec probablement des boys façon Sabrina – parce que ça me ressemble tout à fait de faire ce genre de choses… ç’aurait pu être drôle, mais je pense qu’on ne partageait pas du tout la même vision. Au départ, cette chanson s’appelait « Lève ton doigt » et les paroles étaient proches du dessous du niveau de la mer. Donc je les ai réécrites. Non pas que maintenant elles soient profondément intellectuelles, mais en tout cas elles se rapprochent plus de ce que j’avais envie de dire. J’en ai fait une chanson sur Internet. Je prenais des mots-clefs et je les assemblais les uns avec les autres : mon processus d’écriture est vraiment un processus de collage.

Dans « Sous-titrée », typiquement, on est complètement dans le collage. Cette fois-là c’était dans le cadre d’un exercice à l’école, où on devait se mettre en groupe. Avec Anne Lauroz, qui a co-réalisé le clip, on avait des pratiques assez similaires. C’était assez drôle d’ailleurs : elle s’appelle Anne aussi, on avait un côté un peu jumelles. Et elle collectionnait des captures d’écran de films, parce qu’elle était cinévore. Elle m’a donné un dossier, et avec ses sous-titres j’ai écrit une chanson.

Mais pourquoi l’EP ne sort-il qu’aujourd’hui ?

Ahah ! L’EP ne sort qu’aujourd’hui parce qu’il a vécu de longues années sombres. L’absolu cliché du producteur de musique véreux. Ça devait sortir au moment où on l’a enregistré mais ça s’est très mal terminé avec une rupture de contrat, chez l’avocat. Expérience désagréable. Je l’ai donc abandonné, sans dégoût, sans le dénigrer non plus. Mais naturellement la vie a fait que je me suis éloignée de ma pratique de la chanson. Cette musique, elle n’est pas tombée dans l’oubli parce qu’elle existait sur Internet, via les clips. Ce qui est super drôle, c’est que mon dernier concert, je l’ai donné devant la présidente du Kosovo ! Un jour, je reçois un mail : « Bonjour, on aimerait t’inviter à la semaine de la francophonie au Kosovo. » Sérieux ? Pourquoi moi ? Comment vous m’avez trouvée ? Vous êtes sûrs que ce n’est pas un piège pour trafiquer mes organes ? Surréaliste. Voilà. J’ai donc envie de rester là-dessus. Peut-être que mon prochain concert se produira quand je serai très vieille et que je ferai un come-back façon Chantal Goya avec des animaux en peluche géants.

See Also

L’EP, Anne Horel (Atypeek Music), sortie le 22 juin 2018
Chroniques parallèles, au Palais de Tokyo (Paris) du 22 juin au 14 juillet 2018. Puis à la Friche Belle de Mai (Marseille) du 2 septembre au 14 octobre 2018.

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L’interview complète, à paraître bientôt !

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